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Selfie : une comédie dans l’air du temps

Tony Cotte
Publié le 20/08/2014 à 13:13 Mis à jour le 04/07/2015 à 01:03

Les sociologues le répètent suffisamment : l’écran est devenu la « vitrine » de la vie. Une conclusion évidente au vu des statistiques qui révèlent, qu’en moyenne, une personne vérifie 150 fois son téléphone portable au quotidien. Un usage compulsif symptomatique de notre époque. Alors, quand ABC décide de faire une comédie intitulée Selfie, autoportrait réalisé à l’aide d’un smartphone et accessoirement terme rentré à la fois dans le Petit Robert et dans le prestigieux Oxford English Dictionary, le résultat est forcément dans l’air du temps. Eliza Dooley, une commerciale totalement accro aux réseaux sociaux et obnubilée par sa cote de notoriété en ligne, est reprise en main par Henry Higenbottam pour devenir « une meilleure personne ». Par ces patronymes, certain auront saisi la référence à My fair lady (Eliza Doolittle / Henry Higgins) dont la série s’inspire officiellement.

Ce classique de la comédie musicale des glorieuses années 50 est adapté lui-même d’une pièce de théâtre de 1914. Depuis, l’oeuvre a connu maintes transpositions, dont la plus populaire reste le film musical de George Cukor avec Audrey Hepburn. Dans cette version, un professeur se met en tête de transformer une marchande des rues en personne respectable, simplement en lui faisant travailler sa syntaxe, son vocabulaire et sa prononciation. Une comédie caustique sur la société trop cloisonnée et chargée de démontrer que posséder le langage des classes aisées, sans disposer de leur fortune, ne changeait rien à la condition d’un individu.

Au visionnage du pilote de Selfie, version moderne de l’histoire donc, la réflexion sur l’importance accordée à l’apparence reste au premier plan. L’héroïne, une ancienne élève peu populaire au collège, a pris modèle sur une pom pom girl au sommet de l’échelle hiérarchique sociale. Eliza a ainsi changé son look, sa morphologie et s’est mis à maîtriser mieux que quiconque les codes de son époque. Populaire sur les réseaux sociaux, la jeune femme compte plus de 260 000 followers, mais aucun véritable ami en dehors de Siri. Une prise de conscience qui intervient après une humiliation rendue publique. Alors, quand Henry Higenbottam obtient une promotion dans sa société après avoir transformé un spray nasal à l’image ternie en un tout nouveau produit aimé du public, l’héroïne voit en cet expert du marketing son sauveur pour la rebrander. Bourrée de références à la pop culture américaine, où s’entremêlent Katy Perry, Instagram, Louboutin, Twitter et autre Lady Gaga, Selfie, création d’Emily Kapnek, est à l’image de sa précédente série (Suburgatory) : une satire aussi loufoque sur la forme que malin sur le fond.

Ici, l’analogie entre un produit sur le marché et un individu en société est poussée au point où le précepte « Pour réussir dans la vie, il faut savoir se vendre » est pris au premier degré.

 Diffusion US : Dès le mardi 30 septembre sur ABC