INTERVIEW Bruno Henriquet, président de Warner Bros France : « 99 à battre représente l’un des plus gros budgets de divertissement pour M6 »


M6 lance 99 à battre , un nouveau jeu animé par Éric Antoine et Juju Fitcats, dès ce 7 août 2025 en prime time. Produite par Warner Bros International Television Production France (WBITP), l’émission sera diffusée chaque jeudi pendant 4 semaines. Pour Toutelatele, Bruno Henriquet, président de Warner Bros France, revient sur le concept de ce divertissement, son budget conséquent, et le choix de programmation.
Valentin Delepaul : Quel est le concept de 99 à battre sur M6 ?
Bruno Henriquet : C’est un jeu où 100 personnes, âgées de 18 à 77 ans et venues de toute la France, s’affrontent à travers une succession d’épreuves avec une seule règle : ne jamais finir dernier. À chaque jeu, le ou la dernière est éliminée. Celui ou celle qui parviendra à éviter l’élimination jusqu’à la finale — même en étant avant-dernier à chaque manche — remportera 100 000 euros. Au total, quatre numéros de 99 à battre seront diffusés, avec 20 à 25 éliminations par prime.
À quels types de jeux peut-on s’attendre ?
Il y a des jeux d’adresse, de chance, de connaissances, mais aussi des épreuves appelées « vie quotidienne ». Par exemple, il faudra monter un meuble en kit le plus rapidement possible. Le fait que l’objectif soit simplement de ne pas perdre change complètement la dynamique. Au lieu de s’attacher uniquement aux « winners » ou à ceux qui écrasent la compétition, on suit avec intérêt les candidats qui s’en sortent de justesse, un peu comme les Poulidor— même si Poulidor finissait toujours deuxième !
Durant les deux semaines passées à Clermont-Ferrand, les candidats étaient en immersion totale. On avait l’impression d’être sur un tournage de long métrage. Malgré l’enjeu et la somme importante à la clé, une vraie solidarité est née entre eux. C’était très chouette à voir.
« Malgré l’enjeu et la somme importante à la clé, une vraie solidarité est née entre les candidats »
Dès le premier jeu, le ton est donné…
Oui. Il y a un plan en cercle, qui nécessitait un diamètre de 35 mètres. C’est pour cette raison que nous avons utilisé l’un des plus grands plateaux d’Europe pour tourner l’émission. Dès le premier jeu, les candidats — sans le savoir — se retrouvent sous 99 ballons. Ils vont avoir les yeux occultés par un masque et vont devoir trouver un ballon et s’asseoir dessus. Le dernier à ne pas avoir réussi est éliminé. Ensuite, il y a une épreuve avec 99 matelas de plage gonflés : il faut les dégonfler et les ranger dans leur sac. Encore une fois, le dernier est éliminé.
Il y a également des jeux en équipe et d’autres, très loufoques. Par exemple, on a utilisé un podomètre — comme une montre connectée — que l’on a fixé sur le front des candidats. Ils doivent secouer la tête pendant deux minutes pour générer un maximum de « pas ». Celui qui en aura fait le moins est éliminé. Autre exemple : les candidats, les yeux fermés, doivent compter mentalement jusqu’à 99. Celui qui est le plus éloigné du bon compte quand il lève la main est éliminé. Et, comme on aime bien les taquiner, on fait entrer une fanfare au bout de 20 secondes pour les déconcentrer.
On retrouve aussi le célèbre jeu du « flip bottle », très connu des jeunes. Toutes les sept minutes, un nouveau jeu débute : on peut passer d’une épreuve manuelle à une autre nécessitant de la réflexion ou de la stratégie. Certaines peuvent même être refaites à la maison. Mon rêve, ce serait que des familles reprennent ces épreuves pour décider qui sort le chien ou qui fait la vaisselle !
Par quoi avez-vous été séduit dans ce format, adapté du jeu flamand 99 to Beat ?
Ce qui m’a plu, c’est la dynamique très différente : le but n’est pas d’être le meilleur, mais de ne pas finir dernier. C’est une règle universelle, que tout le monde comprend. Certaines épreuves demandent des compétences physiques, comme tenir des sacs de courses pendant longtemps, un peu comme au retour du supermarché. Si on valorisait uniquement le gagnant, ce serait toujours celui qui va 20 fois par semaine à la salle qui gagnerait. Mais là, chacun se dit : « Je dois juste faire un peu mieux que lui ». C’est une motivation différente.
Ce qui m’a séduit aussi, c’est le visuel avec cet énorme cercle, la règle simple, et la variété des épreuves. Pour moi, 99 à battre coche toutes les cases d’un programme à regarder en famille. Et je pense que la clé pour retrouver les audiences d’autrefois, c’est de réunir plusieurs générations devant la télévision. M6 semble partager cette vision, puisqu’ils ont choisi la période estivale, un moment où tout le monde peut se retrouver devant l’écran. Le programme mélange adresse, savoir, humour et décalage. À une époque où l’actualité est morose, on propose quelque chose de fun, rythmé, avec un vrai enjeu : la bataille de chifoumi la plus rémunératrice de votre vie, puisque 100 000 euros sont en jeu. C’est ce cocktail d’éléments qui m’a donné envie d’adapter ce format en France.
« 99 à battre coche toutes les cases d’un programme à regarder en famille »
La version française de 99 à battre est-elle différente de la version flamande ?
Nous avons un plateau plus grand et des épreuves plus impressionnantes. Tout simplement parce que M6 nous a alloué un budget plus important. Et j’ai moi-même ajouté au budget pour que cette première saison donne vraiment envie. Une première saison implique toujours de tourner un peu plus de contenu que nécessaire, car on ne sait jamais comment le format final va s’équilibrer.
En plus de la version flamande, nous avons bénéficié de toutes les adaptations internationales : le format a été vendu dans 11 pays et arrive bientôt aux États-Unis. On a donc pu puiser dans le meilleur de chaque version. Mais on a aussi créé des épreuves spécifiques, adaptées à la culture française, qui nous paraissaient complémentaires avec l’ensemble des jeux qu’on avait sélectionnés à l’étranger.
Quel est le budget d’une telle nouveauté ?
La seule chose que je peux dire, c’est que 99 à battre représente l’un des plus gros budgets de divertissement pour M6. Cela se chiffre en plusieurs millions d’euros. La chaîne nous a vraiment donné les moyens. Nous avions quatre hôtels complets à Clermont-Ferrand pour héberger les 108 techniciens, les 100 candidats venus de toute la France, les équipes de production, les animateurs, les arbitres, les concepteurs de jeux, et ceux en charge des installations.
Le plateau de tournage faisait 10 000 m², mais nous n’en avons utilisé que la moitié pour le jeu lui-même — soit 5000 m², quatre fois la taille du plateau de The Voice , pourtant l’un des plus gros divertissements de TF1. L’autre moitié servait à la restauration, à l’espace de vie entre les épreuves, et au stockage des 75 jeux différents que nous avons mis en place pendant le tournage.
« Quand on a parlé du projet aux invités, ça les a fait marrer »
Comment s’est opéré le casting pour les 100 candidats de 99 à battre ?
J’ai demandé à ce qu’on ait la plus grande représentativité possible. Tous les âges, tous les profils physiques sont là. Il y a aussi des personnes en situation de handicap : une personne a un bras en moins, deux autres portent des prothèses de jambes. Ce qui m’a marqué, c’est que j’ai été tenté d’adapter certaines règles pour eux, et ce sont eux qui m’ont dit : « Je veux les mêmes règles que les valides, parce que je veux qu’on soit vus et traités comme les valides. » Et ils sont allés assez loin dans l’émission, ce qui était vraiment chouette à voir.
Le maître mot, c’était représentativité : je voulais que l’on voie toute la diversité de la France. Dans certains castings télé, on sélectionne souvent des personnes qui passent bien à l’antenne, qui sont plutôt « beaux » ou très à l’aise à l’oral. Là, je voulais de tout : une vendeuse, une caissière, un chauffeur de taxi, un ancien pompier… Tous les âges, toutes les couleurs de peau, toutes les religions. Comme la France, tout simplement.
Plusieurs personnalités (Hélène Ségara, Frank Lebœuf, Tibo InShape, Henri Leconte et Sylvain André) seront présentes. Quel sera leur rôle ?
Quand on leur a parlé du projet, ça les a fait marrer. On leur a proposé une idée originale, propre à la version française : associer les jeux à leur domaine d’expertise. Il y a un jeu autour du tennis avec Henri Leconte, un autre autour du foot avec Frank Lebœuf. Hélène Ségara vient faire un blind test : les candidats doivent deviner dans quelle décennie une chanson a été dans le Top 50. Tibo InShape, lui, donne des conseils pour éviter les crampes avant une épreuve physique, comme porter des sacs lourds. Les jeux sont donc construits en lien avec ce pour quoi on connaît ces personnalités. Et certains invités, curieux du concept, sont même restés sur place pour assister à d’autres épreuves en dehors de leur intervention.
« On espère aussi que Juju Fitcats attirera un public jeune »
Dans certaines versions européennes, un seul animateur est aux commandes. Le choix d’un duo, en l’occurrence Éric Antoine et Juju Fitcats, était-il une évidence ?
Oui, on voulait une parité homme-femme, mais aussi de la représentativité. Il y a beaucoup à faire : expliquer les règles, tester les jeux, aller chercher les réactions des qualifiés ou des éliminés… Pour nous, il y avait du travail pour deux personnes. Et ce duo fonctionne bien : un grand, une petite, un costaud, une endurante… une belle complémentarité. On espère aussi que Juju Fitcats, pour qui c’est le premier prime, attirera un public jeune, que l’on a envie de séduire. Et Éric Antoine reste l’un des animateurs populaires de M6.
Les quatre numéros de 99 à battre seront diffusés chaque jeudi du 7 au 28 août 2025. Est-ce une bonne stratégie de programmation en plein été ?
C’est une décision de M6. Nous, producteurs, on produit. La chaîne sait mieux que quiconque où sont ses téléspectateurs. Le calcul était simple : viser une période de vacances scolaires. On aurait peut-être pu arriver plus tôt dans l’année, mais comme il s’agit d’une diffusion sur quatre semaines, M6 a choisi le mois d’août. Ils se sont peut-être dit qu’ Intervilles occupait déjà juillet, et qu’ils voulaient être le grand jeu d’août. Je respecte cette décision. J’aime bien la case du jeudi, qui était d’ailleurs celle d’ Intervilles , et je pense que pour un grand jeu populaire, c’est une bonne idée. En plus, il y a très peu de nouveautés en août. Donc si quelqu’un veut voir quelque chose d’inédit, il faudra qu’il aille sur M6 le jeudi soir.
« Aujourd’hui, il est de plus en plus difficile d’imposer une nouvelle marque à la télévision »
Est-il vrai que TF1 a refusé 99 à battre ?
Ils avaient le format en développement, mais ce n’était pas encore Warner qui le représentait à l’époque. TF1 a fait un autre choix : celui d’un autre grand jeu physique, Gladiators (qui a été déprogrammé après deux semaines, faute d’audience, NDLR. Quand Warner Bros France a repris le développement, TF1 et France 2 se sont intéressées au projet. Mais c’est M6 qui a validé la commande.
L’émission a été tournée il y a près d’un an. Pourquoi un délai aussi long avant la diffusion ?
M6 voulait une diffusion pendant les vacances scolaires. En février, ils ont sans doute jugé qu’il n’y avait pas assez de monde en vacances au même moment. La programmation s’est donc faite naturellement. Il fallait trouver le bon créneau. Par exemple, pour Les Traîtres , le lancement de la première saison en plein mois d’août a été un succès. Aujourd’hui, il est de plus en plus difficile d’imposer une nouvelle marque à la télévision.
99 à battre , pour l’instant, ça ne dit encore rien aux gens. Le fait d’arriver à un moment où il y a moins de concurrence peut aider à réussir une belle première saison. Et si ça fonctionne, M6 pourra ensuite décider de programmer la saison 2 à un autre moment, comme elle l’a fait avec L’Amour est dans le pré , diffusé l’été pendant dix ans avant de passer à la rentrée. Il n’y a pas de raison cachée : M6 est très contente du programme, et nous, très fiers. Mais aujourd’hui, chaque lancement est un mystère. L’audience est plus difficile l’été, notamment en ce moment sur M6. Et il y a moins de gens qui voient les bandes annonces...