Thierry Roland, un monument du football

Ce samedi 16 juin, M6 a annoncé la disparition de Thierry Roland. Il y a quelques jours seulement, la chaîne indiquait que le célèbre commentateur ne pourrait reformer son tandem légendaire avec Jean-Michel Larqué, à l’occasion de l’Euro 2012, en raison d’un « problème de santé ». Il est décédé à l’âge de 74 ans. Au total, il a été la voix de plus de 1 300 matchs de football, marquant toutes les générations de supporters, et plus largement de Français.

Figure emblématique du sport à la télévision, Thierry Roland a fait ses débuts à la RTF dès le milieu des années 1950. Au cours de sa carrière, il a notamment côtoyé Raymond Marcillac, Roger Couderc encore Robert Chapatte. Si le football est toujours resté sa discipline de prédilection (ici en 1960 sur notre photo), Thierry Roland a également commenté d’autres disciplines, à l’instar de l’athlétisme ou la boxe. Féru de tous les sports, il ne ratait aucune retransmission, collectionnait les magazines et objets. Il a commenté sa première Coupe du monde en 1962, au Chili.

Plus passionné que journaliste, Thierry Roland n’a pas manqué de laisser échapper des mots qui sont restés dans toutes les mémoires. Par exemple en 1976, lors d’une rencontre de l’équipe de France face à la Bulgarie, il s’en prend violemment à l’arbitre, un certain M. Foote resté célèbre. Contestant un penalty, il prend le micro et lance : « M. Foote, vous êtes un salaud ! » . À l’époque, Antenne 2 veut réagir, mais les supporters le soutiennent. Au cours de sa carrière, l’émotion prendra souvent le pas sur l’objectivité.

Avant de prendre les commandes de Téléfoot, Thierry Roland a été l’une des figures de Stade 2. Le célèbre binôme qu’il a créé avec Jean-Michel Larqué a été formé en 1979 sur Antenne 2. Ensemble, les deux confrères et amis ont assisté à tous les grands moments de l’équipe de France, mais également à ses déboires. Le violent France / Allemagne de 1982 reste bien accroché dans les mémoires. En 1986, lors de la séance de tirs au but, France / Brésil, il encourage les Bleus. Luis Fernandez s’apprête à tirer pour la victoire. Thierry Roland commente : « Allez mon petit bonhomme ».

Sur TF1, il poursuit son périple autour du monde pour couvrir tous les grands événements. En 1992, il doit commenter la demi-finale de la Coupe de France depuis le Stade Furiani, à Bastia. Ce 5 mai, Patrick Poivre d’Arvor lui cède la parole en direct. La tribune vient tout juste de s’effondrer. Les événements dramatiques ont eu lieu sous les yeux du tandem Roland / Larqué. Il commente en direct : « Les blessés très graves sont évacués sur des civières ». Autre souvenir tragique, quelques années plus tôt, le drame du Heysel en Belgique avait fait 39 morts et 600 blessés.

À chaque rencontre, les commentaires de Thierry Roland et Jean-Michel Larqué étaient attendus. Chauvins parfois, passionnés toujours, leurs mots ont fait le bonheur des caricaturistes. Dans les années 1990 et 2000, Les Guignols de l’info n’ont jamais raté un « Tout à fait Thierry » . Plus qu’un spécialiste du ballon rond, Thierry Roland a également été l’un des rires les plus communicatifs des Grosses Têtes de Philippe Bouvard. Amuseur et blagueur, il s’est aussi frotté à la chanson, dans « La troisième mi-temps ». Dans son propre rôle, il a également été à l’affiche de la comédie Delphine 1 - Yvan 0 ou présenté Intervilles 1997 sur TF1.

En 1998, Thierry Roland a assisté à la victoire des Bleus en Coupe du monde, avec Laurent Blanc, Bixente Lizarazu, Zinedine Zidane ou Fabien Barthez... Au terme du temps réglementaire, l’équipe de France a marqué ses fameux trois buts contre le Brésil. Thierry Roland lâche en direct « Je crois qu’après avoir vu ça, on peut mourir tranquille ! Enfin, le plus tard possible quand même mais... On peut ! Ah c’est superbe ! Quel pied ! » . Deux ans plus tard, Les Bleus remporteront également l’Euro.

Victime en 2003 d’une rupture d’anévrisme, il prendra du recul avant que TF1 ne décide de le remplacer par Thierry Gilardi. Contre toute attente, Thierry Roland rejoint ensuite M6 après seulement quelques mois de retraite. Dès lors, il reprend le micro avec Frank Leboeuf ou Jean-Marc Ferreri. Coupe du Monde 2006, Euro 2008 : il est toujours de toutes les compétitions. Le 6 septembre 2011, il retrouvait même son complice de toujours, Jean-Michel Larqué, pour la rencontre Roumanie - France, match qualificatif pour l’Euro 2012. « Le Champ de patates » de Bucarest aura été le dernier terrain de leur complicité. « Ici Bucarest, à vous Paris ! »

Au lendemain de sa disparition, les hommages sont nombreux. La disparition de l’homme au 13 Coupes du monde et 9 Euros a laissé le monde du football français orphelin. En conférence de presse, Laurent Blanc a adressé ses condoléances au nom de toute l’équipe de France et son staff, avant de demander une minute de silence. Pascal Praud, qui avait travaillé avec lui à Téléfoot, a déclaré : « Je n’avais pas perçu la gravité de cette opération (...) J’avais été frappé par son côté affaibli (...) Les gens ont le sentiment que c’est quelqu’un de la famille qui s’en va. Thierry Roland, c’est la voix du football (...) Un vrai titi parisien (...) C’est le dernier enfant d’une génération qui s’en va. Il était de la famille de Michel Audiard, André Pousse, Robert Chapatte... »

Les premiers mots de Jean-Michel Larqué étaient marqués d’une très forte émotion. Sur BFM TV, il exprimait sa tristesse : « Il se faisait une telle joie de reformer le tandem. Il est parti sans ça. Le plus terrible c’est que sa dernière joie j’aurais pu lui procurer (...) Il se sentait partir, il se sentait faible, il m’avait dit que s’il lui arrivait quelque chose il me regarderait de là-haut depuis la grande prairie. » Eugene Saccomano, autre grande voix du football s’est dit « terriblement choqué et surpris » par la nouvelle.