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Ça commence aujourd’hui, Christèle Albaret : « Un psy qui se respecte s’interroge tous les jours par rapport à son travail »

Joshua Daguenet
Par
Rédacteur TV & Séries
Publié le 09/11/2020 à 13:29

Au cœur d’une rentrée record pour Ca commence aujourd’hui, Christèle Albaret est l’une des intervenantes régulières de l’émission. Pour Toutelatele, la psychothérapeute a retracé les enjeux de son métier.

Joshua Daguenet : Le 18 septembre dernier, vous avez été conviée à la 500e de Ça commence aujourd’hui. Que représente cette aventure dans votre quotidien professionnel, mais aussi en tant que femme ?

Christèle Albaret : Depuis le début de l’aventure, ce sont des moments précieux. Grâce à cette émission, en tant que psy, nous avons le micro pour offrir des décryptages au plus grand nombre, à ceux qui ne peuvent pas venir au cabinet ou qui n’ont pas fait le pas. C’est une mission de santé publique pour ouvrir l’esprit de chacun sur la différence de l’autre. Il est important de se reconnaître dans l’histoire de l’autre.

Les meilleures audiences de l’émission coïncident avec des faits divers, des victimes d’agressions, viols, tentatives d’assassinat... Les téléspectateurs sont-ils en quête de sensationnalisme ?

Pas du tout. Je dirais que nous ne sommes pas dans le fait-divers, mais en lien avec l’actualité. Les émissions concernent tout le monde dans son secteur d’activité, son environnement ou dans ce que l’on vit au quotidien. Ça commence aujourd’hui est le projecteur de nos situations de vie en les abordant de façon pragmatique avec une Faustine Bollaert bienveillante, exceptionnelle dans ce rôle, car elle aide chacun à accoucher de son histoire dans la justesse de ce qui est bon pour la personne.

Récemment, vous avez participé à une émission autour de fabuleux destins à laquelle ont notamment participé l’actrice Léa François et le célèbre candidat des 12 coups de midi, Paul. Qu’avez-vous retenu de ces rencontres ?

Cette émission a permis de se rendre compte que la seule limite que l’on peut avoir dans la vie est nous-même, à la condition d’oser, de se défaire de nos peurs, du regard de l’autre. Pour Paul Elkharrat, atteint d’Asperger, il a délivré un message clé pour changer au quotidien, entraîner l’esprit de chacun à comprendre comment on peut avoir un fonctionnement différent. Paul est vu comme un extraterrestre et on a tous vu par rapport à sa mise lumière à quel point il était exceptionnel dans sa différence.

« Dans son rôle, Faustine Bollaert est bienveillante, exceptionnelle »

On a l’impression que la sexualité est un domaine qui est de plus en plus bridé, voire tabou dans notre société. Le constatez-vous à travers votre activité ?

Dans mon activité, au sein de mon cabinet ou au sein de la clinique santé que j’ai fondée, on remarque que le rapport à la sexualité est déterminé à travers une fracture entre ce que les gens vivent dans leur réel et entre ce que les médias donnent à voir de ce que serait la sexualité. Au même titre qu’il y a les canons de la beauté, il existe les canons de la sexualité. La première question que les gens venant me consulter me posent est de savoir : « Suis-je normal ? ». Dans l’autre sens, la sexualité ne se rebride pas et continue de s’épanouir au sein de l’estime, mais elle est plus « juste ». Aujourd’hui, dans le couple, nous sommes en train d’entrer dans une ère ou chacun parvient à s’exprimer plus facilement sur les questionnements, les besoins, les désirs... La parole se libère. La difficulté est celle de parvenir à trouver son propre cadre et son respect intime.

Vous venez de publier votre premier ouvrage : « Et si on osait la bienveillance au travail ». Quel est, pour vous, le principal fléau qui provoque les différents maux liés à l’environnement professionnel ?

Il y a une mutation au niveau des entreprises, des organisations, du management, la mondialisation... Ces éléments extérieurs ont requestionné la façon de travailler ensemble. Avant, on pouvait rester cinquante ans dans une entreprise et l’on avait une projection sur la durée qui sécurisait d’un côté, mais en contrepartie, les possibilités de s’exprimer, dire non étaient faibles. Les règles du jeu ont été redistribuées. La bienveillance n’est pas innée et il faut l’acquérir. L’entreprise, au même titre que l’école, permet d’apprendre à pratiquer cette bienveillance au service de soi et de l’autre. La plupart des gens attendent beaucoup de l’autre sans se questionner soi-même. La première chose à faire est d’être bienveillant avec soi-même, accepter d’être dans l’erreur, de ne pas être parfait, de s’être trompé, d’avoir eu un manquement...

« La première chose à faire est d’être bienveillant avec soi-même »

Il y a un attrait de plus en plus notable pour certaines pratiques spirituelles, à l’instar du chamanisme. Quel jugement portez-vous sur cette méditation ?

Dans ma pratique, on parle davantage de pleine conscience plutôt que de chamanisme. Peu de mes patients sont à ce niveau-là. De ce que je connais, nous sommes dans une spiritualité de questionnement du sens, d’une meilleure intégration de soi, de son ressenti et de la rencontre de ses émotions. Déterminer quelles interactions nous avons avec notre environnement et avec l’autre.

Beaucoup de personnes ont recours à la psychanalyse de Freud pour se soigner. Avec la mutation de la société, ce qui a relaté il y a un siècle peut-il s’appliquer de nos jours ?

Freud et la psychanalyse sont les pierres fondatrices de la psychologie contemporaine d’aujourd’hui. Ce qu’a fait Freud à cette période est le point de départ de quelque chose qui a évolué. Aujourd’hui, nous avons la voiture électrique, et à l’époque, nous disposions de la voiture à vapeur : ça ne viendrait pas à l’idée de quelqu’un de rouler à nouveau avec une voiture à vapeur. Ce n’est pas au patient de s’adapter à son thérapeute, mais au thérapeute d’avoir les meilleurs outils pour s’adapter à son patient. Aujourd’hui, selon moi, la psychanalyse peut encore avoir ses vertus, mais la psychanalyse pure est plus souvent adaptée à des personnes désireuses de faire un travail de fond avec elles-mêmes. Si vous avez une psychose de l’avion, mieux vaut faire trois séances d’hypnose.

En enchainant les consultations avec des patients dans le mal-être, un spécialiste peut-il avoir le recul nécessaire pour s’auto-diagnostiquer ?

Les psys ont des superviseurs, bien souvent des seniors, qui interviennent quand nous, thérapeutes, sentons que quelque chose est resté accroché lors d’une séance avec un patient. Le superviseur nous aide à nous ajuster, nous remettre en question. Mais un psy qui se respecte s’interroge tous les jours par rapport à son travail et à ce qu’il est, car nous sommes l’outil de notre patient.