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Charlie Dupont (Corrado) : « Dans la saison 3 de Hard, on pousse l’absurde vraiment très loin »

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Directeur exécutif en charge des contenus
Publié le 08/06/2015 à 19:13

Benjamin Lopes : On vous retrouve dans la saison 3 de Hard sur Canal+ dans le rôle de Corrado. Comment avez-vous vécu l’évolution de votre personnage ?

Charlie Dupont : C’est assez formidable, car comme souvent, d’un inconvénient, on fait une force. La série a été diffusée de manière très étrange. La première saison a eu lieu il y a sept ans, la deuxième il y a trois, et maintenant la saison 3. Du coup, le personnage a le temps de mûrir et les acteurs vieillissent. Tous les comédiens au théâtre vous le diront, mais quand on laisse reposer un personnage, il y a des choses qui arrivent différemment et qui mûrissent malgré nous. J’adore ça dans Hard, car on a le temps de se surprendre à voir son propre personnage grandir. La connerie et la gentillesse de Corrado me plaisent toujours. Il est de plus en plus à fleur de peau, sensible et gentille, comme moi dans la vie.

Est-ce toujours simple de se remettre dans l’ambiance d’une telle série après tant de temps ?

Les femmes nues ne m’ont jamais dérangé (rires). La saison 1 a été tellement cadrée, forte, et on a pris beaucoup de plaisir si bien que ça reste une bonne expérience à chaque fois. C’est comme si on demandait si c’était difficile de retrouver une bande d’amis en vacances alors que vous les aviez laissés dans la joie et la bonne humeur quelques années plus tôt. La réponse est évidemment non. La connerie est un muscle et les réflexes reviennent assez vite. Quand je vois Stéphan Wojtowicz (Pierre, ndlr) je « bande » cérébralement par exemple. Je retrouve les repères de Corrado grâce aux autres personnages aussi. Sans y mettre de sexualité, le plaisir reste le moteur du jeu et on cherche tous à le recréer.

Qu’apporte votre personnage à la série selon vous ?

Il clarifie en permanence le relief de la série. C’est avant tout une comédie romantique dont l’arrière-plan doit être le sexe à tout moment. Le fait que Carrodo soit un peu imbécile lui permet d’avoir le rôle de toile de fond par rapport à l’histoire entre Sophie et Jean-Marc. Il rappelle de manière constante que derrière eux, il y a des cons.

Qu’avez-vous pensé de l’évolution de la série durant la saison 3 ?

Je suis partagé. Il y a des idées formidables et le registre du club échangiste est une bonne idée. Le fait qu’il se trouve sous le restaurant est super. L’idée forte de la Présidente de la République qui vient s’encanailler chez nous est formidable. Il y a maintenant un bébé aussi. Je trouve parfois qu’on n’a pas exploité ces idées aussi loin que ce qu’on aurait pu le faire. Les effets politiques que pourrait avoir le fait qu’on dévoile la relation de la Présidente avec des hardeurs ne sont pas abordés par exemple. On l’amorce, mais on ne va pas au fond du sujet. L’idée d’être hardeur avec un enfant et ses conséquences n’est pas approfondie non plus. J’ai eu l’impression qu’on a flirté avec certains thèmes alors qu’on aurait pu y aller plus loin frontalement, on aurait pu être caustique, cocasse. C’est évidemment une critique superficielle, car je trouve que la série est très réussie.

« Je suis quand même un acteur traditionnel, formé au Shakespeare et au Molière »

Comment peut-on expliquer ces choix ?

Cette saison 3 était très peu écrite ce qui ne me dérange pas, car on me donne un cadre et je peux faire l’andouille dedans. Gloire et remerciements à Canal+ donc, mais souvent à la télévision il y a des allers-retours incessants entre les différents interlocuteurs et l’auteur, avec beaucoup de briefs pour que l’ensemble reste cohérent. Il faut tourner et il y a quinze responsables en cascade qui se rejettent parfois la paternité de telles ou telles scènes. Ça permet surement moins à un auteur d’aller droit dans une ligne. De nouveau, ce sont des reproches millimétriques là où je trouve qu’il y a déjà beaucoup d’audace.

D’autres thématiques sont en filigrane dans la série, comme le mariage gay. Est-ce important pour vous que la série véhicule certains messages ?

Bien sûr. Sur le mariage gay, il ya clairement la présence de Bruno Gaccio à l’écriture qui lui est très engagé politiquement et a envie de placer des messages parfois même à des endroits où il ne faudrait pas, car ça peut desservir le rythmique du rire. Mais je l’aime aussi pour ça. On sent clairement des velléités et une formidable énergie pour dire des choses. Au-delà de ça, il y a un humanisme qui sous-tend l’ensemble de la série. Dès la saison 1, les personnages acteurs pornos que nous jouons sont à mille lieues des clichés qu’on pourrait avoir d’eux. On pourrait résumer tout ça par le message « Avant de juger trop vite, essayons d’aimer ». L’amitié est une vraie valeur qui réunit les personnages. C’est une leçon d’antiracisme et d’humanisme profond.

L’ambiance des tournages de Hard reste tout de même singulière...

C’est un plaisir de retrouver les autres acteurs, mais effectivement on ne s’y fait jamais. Se retrouver sur un plateau avec quarante personnes nues, dont de vrais hardeurs, n’est pas évident. Ils s’en moquent d’y aller franchement, même si on ne le verra jamais à l’écran. Je suis quand même un acteur traditionnel, formé au Shakespeare et au Molière. On en rit énormément, car c’est notre manière de désamorcer et on finit par avoir une certaine habitude, mais en même temps il y a tout de même toujours des situations qui sont d’un surréalisme total. Se retrouver au moment du « action » avec le nez dans une paire de fesses, ce n’est pas tous les jours que ça arrive. Un preneur de son qui doit installer un micro sur un sexe féminin ce n’est pas tous les jours non plus. C’est toujours étrange.

Au fil des saisons, comment se passent vos rapports avec les véritables acteurs pornographiques ?

Quand on est face à un hardeur pour la première fois, qu’on le veuille ou non, on a l’impression d’être face à un con. On en a pas mal dans la figuration de Hard. Quand on discute avec eux, après dix minutes, on se rend compte qu’on à faire à des mecs qui sont des êtres humains, pas seulement des acteurs porno. Ils ont aussi des choses à dire. Au final, c’est moi qui étais mal à l’aise.

« Hard est une leçon d’antiracisme et d’humanisme profond »

Un évènement vous a-t-il marqué sur le tournage de cette saison 3 ?

C’est anecdotique, mais on pousse l’absurde vraiment très loin. Le tournage des scènes de partouze dans La Poutrelle, soient les plus hard de la saison 3, ont été tournées le jour des attentats contre l’épicerie casher. L’effroi était complet et à chaque pause, on rallumait nos portables. Dès que le tournage reprenait, on devait littéralement baiser. C’était un grand écart complètement surréel.

Quels guests vous ont marqué sur cette saison 3 ?

Corinne Masiero (Sonia, ndlr) arrache tout sur son passage. Jonathan Cohen (Vikash, ndlr) est succulent, sa composition d’hindou décérébré est juste géniale. Gad Elmaleh a été efficace et formidable. Je n’ai eu malheureusement qu’une scène avec Michèle Laroque, mais je me suis délecté d’échanger avec elle. Ça fait partie des vrais points forts de cette saison 3.

Est-il question d’une saison 4 ?

Nous en avons parlé en riant en termes de scénario sur le plateau. J’en ai envie, mais je n’en sais rien. Je sais juste qu’il y a eu un rapprochement encore plus fort entre Gilles Galud, qui est notre producteur, et Canal+, car sa société de production (La Parisienne d’Images, ndlr) a été intégrée à la structure de la chaîne.

Vous avez également joué dans Seconde chance, le soap de TF1. Avec du recul, que retenez-vous de cette expérience ?

C’était énormément de positif. Travailler sur 115 épisodes, on en ressort grandi même si ce n’était pas pour jouer du Shakespeare. C’était une véritable aventure et toute la bande était géniale. La production avait vraiment bien fait son boulot en termes de casting. Aujourd’hui, on peut retrouver Isabelle Vitari dans Nos chers voisins, Lilly-Fleur Pointeaux qui vient de faire une série pour Arte, Benjamin Egner cartonne au théâtre. Julia Vignali a elle aussi réuni même si elle a changé de cap. Cette série nous a tous aidés à nous approprier la caméra. Après avoir fait ça, c’est beaucoup plus facile d’appréhender le cinéma où on enregistre deux minutes utiles par jour, contre dix minutes sur Seconde chance.

Vous venez d’achever le tournage d’Un petit boulot de Pascal Chaumeil. Pouvez-vous nous parler de votre rôle dans ce film ?

Je suis en quelque sorte le meilleur ami de Romain Duris qui a le rôle principal. C’est un peu un film à la « Frères Cohen ». On a beaucoup tourné en Belgique rurale. Romain est tellement sans emploi qu’il finit par accepter un boulot de tueur à gages. Je suis looser tout autant que lui sauf que moi je fais des petits jobs liés au recèle. Notre rapport reste marrant, car je m’en prends régulièrement à lui. Je lui reproche un peu de m’avoir volé ma vie.