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Essie Davis : « Miss Fisher, c’est James Bond au féminin »

Claire Varin
Publié le 06/07/2014 à 19:08 Mis à jour le 18/09/2014 à 13:23

Entre Barnaby et Murdoch, Miss Fisher est l’exception féminine du dimanche soir sur France 3. La détective australienne de choc et de charme ose tout. De passage à Paris, il y a quelques mois, Essie Davis a pu parler de son personnage, Phryne Fisher. L’actrice évoque la grande modernité de cette héroïne des années folles, qui parfois choque le public et effraye le diffuseur...

Comment le projet de Miss Fisher est-il arrivé jusqu’à vous ?

Essie Davis : Je venais de terminer Cloudstreet en Australie. Et j’avais tourné La Gifle pour ABC. La chaîne m’a demandé si j’acceptais d’auditionner pour le rôle de Phryne. Je l’ai fait. Kerry Greenwood, qui a créé le personnage et a publié 20 romans depuis 1989, avait été approchée de nombreuses fois pour des demandes d’adaptation. Elle a une base de fans énorme. Cette fois, elle a donné son accord à Deb Cox et Fiona Eagger, mais à une condition : pouvoir choisir l’actrice. Elle a vu mes essais. Et j’ai eu le rôle.

Avez-vous lu les romans ?

J’ai essayé d’en lire le plus possible, en tentant au mieux de croiser les références entre les livres et les épisodes malgré le peu de temps que l’on avait pour préparer. Ça me permet de me plonger dans son histoire. « The Girl from Montparnasse » est mon préféré parce que l’on comprend comment elle est devenue si indépendante. On découvre comment une relation amoureuse avec un homme a définitivement changé ses rapports avec eux. Elle ne sera plus jamais oppressée. Et le soir, si elle me manque, je n’ai qu’à lire un livre pour la retrouver (rires).

Qu’aimez-vous chez Miss Fisher ?

C’est difficile de ne pas l’aimer. Elle est malicieuse et audacieuse. Elle est un genre de super-héros. Elle est James Bond/Indiana Jones au féminin. C’est une femme qui a le grand luxe de l’indépendance. Et elle en a bien conscience. Elle a une grande expérience de la vie. Elle peut piloter un avion ; parler français, russe, mandarin ; danser un tango ou un fox-trot ; tirer au pistolet ; conduire une voiture et escalader un immeuble (rires). Et elle se bat pour les droits des opprimés, pour les droits des femmes et des moins fortunés. C’est un personnage vraiment plaisant à interpréter.

Pensez-vous que ce personnage soit réaliste pour les années 20 ?

C’est une femme incroyablement moderne pour 1928, comme tant d’autres qui combattaient pour les droits des femmes et qui s’appropriaient le monde sans dépendre d’un homme. La Grande Guerre a déplacé et tué tellement d’hommes que certaines femmes ont dû se mettre en première ligne et se prendre en main. Des femmes très affirmées, qui ont choisi d’avoir les cheveux plus courts et de mettre des pantalons. Indéniablement, Phryne appartient à ce genre de femmes obstinées et courageuses.

Vous avez déclaré dans une interview que Miss Fisher était plus moderne que les femmes d’aujourd’hui. Pouvez-vous préciser cette pensée ?

Elle est plus libérée que la majorité des femmes d’aujourd’hui. Lorsque la série a été diffusée aux États-Unis, beaucoup étaient outrés. Ils se demandaient comment les gens pouvaient regarder une série avec un personnage principal ayant si peu de valeurs morales. D’autres téléspectateurs se sont mis à regarder la série en réaction à ces propos, en disant : James Bond a couché avec des centaines de femmes, les laissant pour mortes et personne ne s’en est jamais vraiment soucié. Phryne ne brise pas des cœurs, elle apprécie la compagnie des hommes qu’elle trouve attirants pour son propre plaisir. Elle est aussi très moderne parce qu’incroyablement indépendante. Même amoureuse, elle n’est pas prête à épouser un homme parce qu’elle ne veut pas qu’il compromette sa vie pour elle. Et elle est très généreuse. Elle aide les autres en s’amusant. Et ça, c’est très moderne !

« Phryne Fisher est plus libérée que la majorité des femmes d’aujourd’hui »

Vous avez joué dans La Gifle, qui est un succès d’estime en France. La télévision australienne est-elle toujours aussi audacieuse ?

C’est très varié. La Gifle a été produite par Match Box et ABC. C’était l’adaptation d’un roman en huit chapitres. J’ai commencé à travailler sur mon personnage, Anouk, trois mois avant le tournage avec Jessica Hobbs, la réalisatrice. Tout le monde était très ouvert aux propositions venant de moi et de l’auteur. Il y avait une volonté commune d’extraire le meilleur du livre pour le mettre dans le scénario. Je suis extrêmement fière de ça. Et j’ai été très impressionnée en découvrant le résultat final. Il n’a pas eu de retouches de la part d’ABC. C’est assez inhabituel. De manière diplomatique, je dirais qu’ils touchent beaucoup plus à Miss Fisher.

Sur quels éléments interviennent-ils ?

Ils ont un peu peur qu’une enquête soit trop drôle ou trop osée, trop sombre ou trop légère. Lors de l’épisode du train de la première saison, on a fait une scène où j’étais agrippée à une barre, comme un singe à une branche, sur la plate-forme d’un train, balancée dans tous les sens. Cette scène n’a pas été gardée, car ils l’ont jugée trop dangereuse. C’est pourtant l’essence du personnage. Elle aime le risque, la nouveauté, et choquer les gens. La chaîne a peur que Miss Fisher soit trop moderne. ABC est plus influencée par les productions britanniques que par les Américains. Et la télévision publique, c’est aussi beaucoup de bureaucratie. Les gens écrivent tout le temps pour se plaindre. Alors, je crois qu’ils ont un peu peur. Mais sur la saison 2, ils se sont détendus. La série a été un énorme succès pour eux. Donc je pense qu’ils seront plus courageux à l’avenir.

Allez-vous faire une saison 3 ?

La décision n’a pas encore été prise par ABC. Il y a eu un changement de direction. Je crois que Miss Fisher n’est pas sa tasse de thé (rires). Et il y a de nouveaux financements à trouver. [Depuis cette interview, la chaîne a annoncé la production d’une saison 3 de Miss Fisher’s Murder Mysteries, ndlr.]