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François Vincentelli dans les coulisses du X

Tony Cotte
Publié le 27/03/2013 à 13:02 Mis à jour le 27/05/2022 à 00:43

Tony Cotte : Acteur en action marque une continuité de votre personnage de Roy Lapoutre le temps d’un documentaire sur les dessous de la pornographie. Pouvez-vous revenir sur la genèse du projet ?

François Vincentelli : La production m’avait fait une première demande que j’avais refusée. Je suis un comédien, je ne voyais pas pourquoi je devais me retrouver dans ce milieu-là que je n’apprécie pas spécialement. J’ai trouvé ça racoleur et voyeuriste. Après discussions avec mon agent et le producteur de l’émission, j’ai décidé d’accepter ; ma première réaction était celle de la plupart des gens. Finalement, c’est assez intéressant d’avoir un regard objectif sur ce monde-là. Je me suis mis dans la peau d’un journaliste ou d’un téléspectateur lambda. Il y a tellement d’idées préconçues sur cet univers et d’autres qui sont très justes ; c’était donc utile d’avoir une réelle idée de ce qu’est le porno.

Avez-vous regretté votre première réaction ?

Non. C’est une réaction que j’ai toujours par rapport aux personnages que je peux jouer. Je me rappelle à l’époque de Clara Sheller, un journaliste m’avait demandé si j’étais homosexuel. Ma sexualité ne regarde absolument personne. Je suis comédien. À ce que je sache, il ne faut pas être spécialement serial-killer pour en jouer un. C’est amusant cette idée de ne pas dissocier le personnage de l’interprète ; je ne voyais donc pas pourquoi Roy Lapoutre, mon personnage d’hardeur, devait absolument se trouver dans la réalité. C’est un peu ma philosophie de ne pas tout mélanger. Après je l’ai fait et j’en suis très content.

« Il y a tellement d’idées préconçues sur cet univers et d’autres qui sont très justes »

Peut-on comparer ce numéro d’Acteur en action comme un « Vis ma vie de pornographe » ?

Ce n’est pas du tout Vis ma vie. (rires) Je rencontre enfin la réalité de ce que mon imaginaire avait fait pour la construction de mon personnage. C’est cette confrontation qui est mise en avant. Et j’ai fait la connaissance de Phil Holliday, le véritable Roy Lapoutre. Comme lui, il aimerait faire du cinéma « traditionnel », un monde qui lui est fermé.

Malgré vos recherches pour le tournage de Hard, par quels aspects de cette immersion avez-vous été le plus surpris ?

Je ne me suis pas documenté pour jouer mon rôle, non pas par fainéantise, mais je voulais faire de Roy Lapoutre quelqu’un qui sortait de mon imaginaire. Son histoire est simple : c’est un mec qui voulait faire en vain du one man show. Il a pris conscience qu’il avait une bite énorme et pouvait contrôler son éjaculation. Il a donc décidé de s’en servir. J’ai trouvé ça intéressant d’avoir une passion qui vient d’une qualité physique. Je n’ai donc pas fait de plus amples recherches. Après, je n’ai pas eu de grandes surprises. J’étais surtout été étonné par les comédiennes pour leur discours presque philosophiques sur la pornographie. Mais j’ai rencontré les gens qui ont bien voulu me voir pour les besoins de l’émission. Ce sont donc par définition des gens bien dans leur peau...

Partie 2 > Son rapport à la pornographie et la 3e saison de Hard


Considérez-vous vos interlocuteurs pour ce Acteur en action comme représentatifs de la pornographie ?

Les actrices rencontrées me disaient qu’elles incarnaient le politiquement incorrect, qu’elles étaient nymphomanes et exhibitionnistes et qu’elles faisaient ça réellement par plaisir. Je ne les ai pas toutes vues. Je suis sûr qu’il y a beaucoup de fantasmes sur la traite des blanches et des filles qui viennent de l’Est que l’on prostitue. Bien sûr, ça ne doit pas être la majorité, comme je ne pense pas que les actrices que l’on voit dans l’émission soient représentatives de la majorité également. Je suppose que certains font ça non pas par plaisir, mais juste parce que c’est de l’argent facile.

Que vous inspire la phrase de Phil Holliday dans l’émission : «  Dans le porno, la femme n’est pas objet » ?

Je dirais qu’elle l’est dans la fiction, puisqu’elle est le fantasme de l’homme, mais finalement dans la réalité d’un tournage, de ce que j’ai vu, ce sont les actrices qui décident tout. Quand on y réfléchit, c’est d’ailleurs un des rares métiers, si ce n’est le seul, où la femme est mieux payée que l’homme.

Quel est votre rapport à la pornographie aujourd’hui ?

Je ne défends pas le porno, mais je ne l’accable pas non plus. C’est un genre qui représente 85% des téléchargements sur internet, ça intéresse donc du monde. J’ai remarqué qu’à l’inverse de nous, les acteurs X n’ont pas d’idées préconçues du milieu « traditionnel ». Ils sont plus ouverts d’esprit. Rien de surprenant en soi : il faut forcément faire preuve d’une grande ouverture d’esprit pour faire du porno. C’est toujours un sujet tabou ; on arrive rarement dans un dîner mondain en disant « Oh tiens, je me suis bien branlé ! » Il y a encore tout un truc judéo-chrétien sur la masturbation, et donc sur la pornographie, car ce n’est rien de plus qu’un genre masturbatoire.

« C’est un des rares métiers où la femme est mieux payée que l’homme »

Pourtant, lors de vos rencontres, plusieurs de vos interlocuteurs donnent l’impression que la pornographie est bien plus que cela...

C’est amusant d’observer cette génération de pornographes, de Gérard Kikoïne à John B.Root, pour qui l’histoire et la technique ont une importance. Aujourd’hui on est surtout dans le gonzo pur avec des scènes en gros plan. Avant, on zappait toujours les scènes de jeux, elles étaient très mauvaises. Un tournage dure 6 jours, même avec Al Pacino on peut difficilement faire du bon travail sur ce laps de temps. Effectivement, il y a des passionnés : j’ai assisté à des lectures avec John B.Root . Il aime vraiment écrire. C’est une personne passionnante et très cultivée avec de nombreuses références cinématographiques. Il est plutôt rare en son genre.

Quid de la saison 3 de Hard ?

Je n’ai pas encore reçu le scénario. Il arrivera d’ici quelques jours. Le tournage est prévu pour la fin de l’été jusqu’au mois d’octobre. Je n’ai que peu d’information, mais je ne peux évidemment rien dévoiler.

Votre expérience d’Acteur en action va-t-elle nourrir votre rôle ?

Non, mais ça va me permettre d’être plus à l’aise vis-à-vis des figurantes qui étaient des professionnelles du porno. Peut-être aurai-je moins un regard goguenard ou faussement à l’aise avec elles, maintenant que le mystère a été brisé ?