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Jean-Luc François (réalisateur, saison 2 et 3, Les Mystérieuses Cités d’Or) : « Avant de travailler sur les épisodes, je me rends dans les pays où se déplacent Esteban, Zia et Tao »

Léopold Audebert
Publié le 28/10/2016 à 17:27

Jamais deux sans trois. À l’occasion de l’arrivée de la nouvelle saison des Mystérieuses Cités d’Or, depuis le jeudi 20 octobre sur TF1, Toutelatele plonge dans les coulisses de la fabrication des nouveaux épisodes, en compagnie de leur réalisateur, Jean-Luc François. Rencontre.

Léopold Audebert : Avec cette nouvelle saison, Esteban, Zia et Tao continuent leur aventure en partant à la recherche de la troisième des sept cités d’or. Depuis quand travaillez-vous sur ces vingt-six nouveaux épisodes ?

Jean-Luc François : Cela a pris énormément de temps. Dans un premier temps, nous devions attendre les audiences de la saison précédente, afin de savoir si une suite pouvait voir le jour à l’antenne. Les chiffres étant bons, et TF1 souhaitant continuer l’aventure, mon producteur a alors commencé à chercher de l’argent ! (rires) Nous avons donc pu commencer le développement. Pour cette troisième saison, nous avons débuté le travail il y deux ans. Mais nous avons toujours eu l’objectif de faire trois saisons. L’arche narrative se prolongeait donc naturellement. Toutefois, au fur et à mesure de l’avancement du projet, nous avons adapté certains aspects et procédé à quelques aménagements par rapport nos premières idées.

Selon vous, quels sont les atouts de cette troisième saison des Mystérieuses Cités d’Or par rapport aux précédentes ?

Dans cette nouvelle saison, il y a encore plus d’aventure, d’action, d’émotion. La forte amitié qui unit les trois enfants est vraiment l’élément qui me plaît le plus. Il y a également des effets spéciaux vraiment magnifiques.

Des prémices des intrigues à la finition de la salve d’épisodes, combien de personnes ont participé à l’élaboration de cette troisième saison ?

Pour concevoir du « 26x26 minutes », de la « grosse artillerie », nous étions très peu au sein de l’équipe de développement. Les story-boards demandent trois-cent-cinquante à quatre cents plans : cela représente 7 semaines de travail. Dans un second temps, après nous, les studios de Blue Spirit, situés à Angoulême et Montréal, se sont occupés de la modélisation des personnages, des textures, des essais de rendu, du lay-out, de l’animation… Au total, entre cinquante et quatre-vingts personnes ont travaillé sur le projet.

« Je savais que les fans de la saison originelle exprimeraient leurs critiques »

Quelles sont les différentes étapes de l’élaboration des intrigues du dessin animé ?

J’ai énormément travaillé avec les scénaristes. Durant la saison 2, nous avons beaucoup réfléchi autour de l’arche narrative. Il faut ensuite que les différents acteurs dans cette aventure des Mystérieuses Cités d’Or arrivent à se mettre d’accord sur tous les paramètres du programme.

Face à un public de la première heure très impatient et exigeant, aviez-vous réfléchi longtemps avant votre arrivée en tant que réalisateur des Mystérieuses Cités d’Or  ?

Sachant que j’allais me retrouver avec un programme fort et important pour de nombreuses personnes, j’ai mis du temps à me décider. Il était assez compliqué de se lancer et de se retrouver en face de personnes impressionnantes comme Bernard Deyriès et de Jean Chalopin (coréalisateurs et scénaristes de la première saison des Mystérieuses Cités d’Or, diffusée en 1982 et 1983, ndlr) pour réfléchir à la suite. Par ailleurs, je savais que les fans de la saison originelle exprimeraient leurs critiques.

Tous les maillons de la fabrication des Mystérieuses Cités d’Or, y compris TF1, peuvent-ils intervenir pour valider ou invalider les personnages et le storytelling ?

Bien sûr ! Il existe une sorte de navette entre tous les ayants droit. L’idée n’est pas qu’il existe un « droit de regard » de la part de TF1 : il s’agit d’un projet que nous construisons ensemble. Nous devons être en adéquation avec eux et composer ensemble.

« L’idée n’est pas qu’il existe un ‘droit de regard’ de la part de TF1 : il s’agit d’un projet que nous construisons ensemble »

Avez-vous un exemple particulier à évoquer pour illustrer ce travail de discussions ?

Le processus de création du personnage d’Ambrosius souligne bien cette idée. Après une première validation en demi-teinte de leur part, Bernard et Jean n’ont finalement pas apprécié la forme initiale d’Ambrosius, qui était très grand afin de pouvoir se déguiser à souhait. Après un croquis de Bernard et l’émergence de nouveaux traits, TF1, à son tour, n’a pas validé ses nouvelles caractéristiques. Nous sommes donc retournés, une nouvelle fois, au travail. J’ai alors eu l’idée de créer un personnage petit, roux comme Jean Chalopin, avec un exosquelette. À partir de là, tout a découlé naturellement dans nos têtes. En conclusion, ce mini-conflit autour du personnage d’Ambrosius s’est révélé très positif ! (rires) Il est alors devenu encore plus intéressant et mystérieux.

Après une saison 2 s’achevant en Chine, cette nouvelle salve prend place au Japon. Comment parvenez-vous à reconstituer des univers, des situations et des détails aussi proches de la réalité historique ?

Avant de travailler sur les épisodes, je me rends dans les pays où se déplacent Esteban, Zia et Tao. Pour la saison 2, j’ai tourné des images avec un cadreur en Chine. Nous avons alors visité la Cité Interdite et d’autres endroits magnifiques, tels que le temple Shaolin. Nous y avions rencontré près de 80 enfants en train de faire du kung-fu. Tout cela était réellement impressionnant et émouvant. Dans la nouvelle saison 3, les enfants évolueront dans de grands espaces, tout au long de très belles histoires.

Plus généralement, quel regard portez-vous sur le secteur du dessin animé aujourd’hui ?

Pour l’instant, il ne se porte pas si mal. La France est d’ailleurs le troisième producteur mondial de dessin animé, notamment grâce au Plan Image de Jack Lang. Toutefois, la télévision est en pleine mutation, et le net s’impose depuis des années. Ainsi, je pense que les chaînes se posent beaucoup de questions. Le dessin animé est un format qui coûte cher, même quand il s’agit d’animations « cheap ». Que va-t-il se passer dans le futur ? Quels seront les modes de financement à venir ? Ce sont deux grandes questions que tout le monde se pose aujourd’hui. Comme tous les parents, j’ai des enfants qui sont habitués à ne rien payer et qui n’ont jamais acheté un CD ou DVD de leur vie. Le numérique a complètement bouleversé nos habitudes et façons de travailler. Dans quel sens tout cela évoluera ? J’aimerais bien le savoir ! (rires)