Toutelatele

Jérôme Marty (Les Grandes Gueules) : « Il y aura probablement une troisième vague d’ici février ou mars 2021... »

Joshua Daguenet
Par
Rédacteur TV & Séries
Publié le 06/12/2020 à 18:42

En mai 2020, Johnny Blanc vilipendait les médecins dans un numéro des Grandes Gueules. Jérôme Marty, qui lui avait répondu, convainquait Alain Marschall et Olivier Truchot qui ont décidé d’en faire un intervenant régulier. Pour Toutelatele, le Docteur a fait part de son expérience et relaté son rapport aux médias.

Joshua Daguenet : Depuis la crise sanitaire, les professionnels de la santé sont omniprésents dans les médias. Ce constat est-il aussi celui qu’ils sont habituellement trop peu sollicités alors que leur domaine est une préoccupation majeure pour les Français ?

Jérôme Marty : On peut le dire oui. On a été extrêmement sollicités, car le sujet Covid est devenu une tête de gondole depuis dix mois. Il fallait intégrer les experts du soin. En temps normal, les sujets de santé sont réguliers, la première chose que l’on dit à l’autre est « Comment ça va ? ». Mais maintenant, on a créé une sorte de lassitude.

Votre arrivée dans Les Grandes Gueules, proposées chaque jour à 9h00 sur RMC Story, est intervenue en mai 2019. Pensiez-vous qu’une telle opportunité se présenterait dans une carrière déjà bien fournie ?

J’avais fait de nombreux plateaux puisque je préside le syndicat UFML. J’avais toujours été dans les mouvements sociaux de médecins, les médias ne sont pas quelque chose qui me dérange. Quand je suis allé aux Grandes Gueules pour la première fois, l’échange avait été vif avec Johnny Blanc qui s’était attaqué aux médecins. Comme Jimmy Mohamed partait, ils m’ont proposé de rester, mais ce n’était pas prévu dans mon esprit.

« Dans les médias, le sujet Covid est devenu une tête de gondole »

Le temps viendra pondérer la place du Covid-19 dans les médias. Continuerez-vous à intervenir régulièrement au sein de l’émission si on vous le propose ?

Oui, bien sûr. Il est important qu’il y ait des relais médiatiques de terrain. Des relais de la médecine libérale et générale, or, elles ne sont pas très représentées dans l’espace médiatique jusqu’à présent. Souvent, les spécialistes hospitaliers sont des gens qui ne voient plus de malades depuis des années.

En plus des Grandes Gueules, vous vous exprimez régulièrement sur CNews. Le mercredi 2 décembre dans le talk de Julien Pasquet, vous appreniez en direct le décès de Valéry Giscard d’Estaing. Par votre présence régulière dans les médias ces derniers mois, appréhendez-vous différemment l’actualité ?

J’ai peut-être un autre regard, une plus grande compréhension sur l’organisation des choses et leur traduction. Au départ, on manque de décodeur et après on sait comment ça fonctionne, on comprend les urgences, l’organisation des relais médiatiques. Les gens ont tendance à reprocher aux journalistes de ne pas évoquer tel ou tel sujet. Nous, médecins, ne pouvons pas donner un avis expert sur tous les sujets, mais on a une position de relais social. Une quantité de gens viennent nous parler de leurs problèmes économiques, politiques, de cœur, de leur sexualité...

« Les spécialistes hospitaliers sur les plateaux sont souvent des gens qui ne voient plus de malades depuis plusieurs années »

Valéry Giscard d’Estaing était le dernier président du XXe siècle encore en vie, or, on dit souvent que la période précédant la crise sanitaire appartient à l’Ancien Monde. Doit-on la considérer comme un vestige ?

J’espère que non, que l’on va retourner à notre vie d’avant. Il n’est pas question que l’on continue avec une pathologie qui a amené un certain nombre de privatisations de nos libertés, qui a eu un fort impact dans la vie des uns des autres et qui provoque une grave crise sociale.

Est-ce un souhait ou une prédiction optimiste ?

J’espère qu’on va s’en relever, je suis plutôt optimiste. Nous sommes en capacité de mettre en place une politique de test, un protocole vaccinal. L’horizon peut se dégager d’ici dix à douze mois, même s’il y aura probablement une troisième vague d’ici février ou mars 2021.

Vous, seul, portez un masque sur le plateau des Grandes Gueules. Comment est-on passé, en quelques mois, à l’interdiction de se fournir en masque au début du confinement à son obligation dès lors qu’on sort de son domicile ?

Ce n’est certainement pas passé par la logique. Nous avons signalé des modes de contamination de la pathologie extrêmement tôt. Dès mars, nous prévenions de l’importance de porter un masque. Le gouvernement, lui, a eu tendance à masquer les manques et rétablir une communication davantage basée sur ces manques plutôt que sur des éléments scientifiques. Ils ont fait du scientisme, ils ont inventé des faits. On a perdu beaucoup de temps. Quand ils ont eu des masques et qu’il leur était devenu impossible de tenir la position inverse, ils sont allés à l’extrême et ont obligé la population à porter le masque à l’extérieur alors qu’il n’existe aucun exemple de contamination de masse. De mon côté, je porte le masque sur le plateau, car c’est un lieu clos et je suis au contact des patients et des gens porteurs du Covid.

« Le gouvernement a fait du scientisme, il a inventé des faits »

Vous avez fustigé le contenu du documentaire Hold-up, redoutant que des médecins puissent être agressés face aux accusations ciblant la profession. Craignez-vous, plus généralement, une remise en question de l’autorité des médecins, comme peuvent le subir les policiers ou les pompiers ?

Peut-on parler d’autorité du médecin ? Je crois que le temps a bien changé, le soin se fait avec deux patients, nous ne sommes plus dans le cas d’un sachant et de quelqu’un qui obéit. Quand on me parle de pouvoir médical alors que le conseil scientifique n’a pas été écouté par les politiques... Les médecins sur les plateaux ont lancé des alertes, et pour beaucoup, fort heureusement. Les masques et les mesures prises dans les écoles sont venus des alertes lancées. Est-ce que c’est un pouvoir ou juste le fait de revendiquer des éléments scientifiques ? Ce qui est grave, c’est de manier des éléments d’autorité. Des gens, sous prétexte de leur titre, vont affirmer des contre-vérités et les faire passer pour des arguments d’autorité. C’est le problème des « rassuristes » qui vous disent : « Il ne se passe rien, on vous raconte des bêtises », et aujourd’hui tiennent des discours anti-vaccins. Sur Hold-Up, des figures manient l’argument d’autorité en relatant des fake news grossières que certains esprits pourraient prendre au pied de la lettre et aller agresser les médecins qui ne pensent pas comme eux.