Toutelatele

Julien Pain (Vrai ou Fake, Franceinfo) : « On vérifie la parole de tous les politiques »

Joshua Daguenet
Par
Rédacteur TV & Séries
Publié le 22/01/2022 à 12:16 Mis à jour le 22/01/2022 à 12:24

Chaque samedi à 12h05 sur Franceinfo (canal 27 de la TNT), Julien Pain démêle le vrai du faux. Ce 22 janvier 2022, place aux arnaques de la malbouffe et aux déclarations de Marine Le Pen et Eric Zemmour sur les institutions européennes. Des rediffusions sont prévues à 17h15 et le dimanche à 21h15. Pour Toutelatele, le journaliste a commenté une mission qu’il prend très à cœur depuis de longues années.

Joshua Daguenet : Il y a 15 ans déjà, vous avez créé les observateurs de France 24, un programme destiné à vérifier les images d’amateurs. Aujourd’hui, Vrai ou fake s’attèle à défendre l’authenticité des informations. Plus que jamais, estimez-vous ce combat nécessaire ?

Julien Pain : Je travaille sur les fausses infos et les fake news depuis longtemps. Les fake news étaient un phénomène encore mineur. On s’intéressait à des réseaux qui touchaient des groupes restreints. Ce n’était pas mainstream, mais avec la pandémie, ça s’est accéléré. On est passé à un niveau au-dessus.

Les journalistes concentrent une grande part de défiance de la part des Français. En 2022, la pratique affirmée du fact checking n’est-elle pas, au final, contre-productive ?

Sur la confiance envers les journalistes, il y a un problème général et une animosité d’une partie de la population qui a l’impression que les journalistes font partie de l’élite en servant leurs intérêts personnels. Les journalistes du service public gardent une bonne réputation avec un taux d’appréciation fiable. Le service public et France Info ont une image correcte. Si on regarde notre émission, ce n’est pas une posture de dire c’est vrai c’est faux, on va sur le terrain, on ne fait pas du fact checking de salon. Deuxième élément, on part à la rencontre des gens pour discuter, non pas pour leur donner des leçons ou les tancer.

« Les journalistes du service public gardent une bonne réputation »

Le phénomène de Fake News a été popularisé par Donald Trump qui a mené une bataille ouverte face aux médias et GAFA. Les patrons de Twitter, Facebook, Youtube... sont-ils dans leur rôle à contrôler ce qui se dit et s’écrit ?

Là-dessus, je suis partagé. Je vois bien qu’il y a un problème de désinformation. Ce qui attire le plus les internautes ce sont les contenus comme les fake news car elles sont clivantes, agissent sur la partie émotionnelle du cerveau, plus que sur la partie rationnelle. La question est de savoir si les GAFA eux-mêmes doivent décider de manière arbitraire de censurer. Je suis circonspect.

Comprenez-vous le bannissement des réseaux sociaux de médecins pourtant reconnus par la profession, à qui l’on reproche d’avoir diffusé des « fausses informations » sur le vaccin et cette crise sanitaire ?

Des médecins reconnus délivrent de fausses informations. La question est de savoir si on les laisse parce qu’ils ont un CV fourni. Alexandra Henrion-Caude est une généticienne de renom, mais maintenant, elle publie des fausses informations. Il y a aussi le réanimateur Louis Fouché... Heureusement, ils constituent une très faible minorité. Le travail d’un fact checkeur est de déterminer le consensus scientifique. Pour un sujet, je vais m’interroger sur l’identité des experts et en appeler plusieurs pour dégager une tendance.

Depuis l’éclosion de la crise sanitaire, il y a déjà deux ans, les contre-vérités se sont multipliées et il persiste une scission irrémédiable entre les adeptes de la vaccination obligatoire et les opposants au pass sanitaire, devenu pass vaccinal. Quel doit être le rôle du journaliste au milieu de ces conflits ?

On n’est pas là pour affirmer que le pass vaccinal est bien ou pas bien car c’est une décision politique et c’est le rôle du citoyen de décider si les élus sont les bons ou pas. S’ils sont contre le pass vaccinal et déplorent la gestion de la crise, les élections arrivent... En revanche, mon rôle est de donner une base d’informations vérifiées et avérées. Si on est contre le pass vaccinal, il faut se baser sur des faits vrais.

« Mon rôle est de donner une base d’informations vérifiées et avérées »

En période électorale, comment manier les plateformes telles Le vrai du fake sans être accusé de soutenir ou s’acharner sur un candidat ?

Si on regarde les fact checks, on n’a pas de bord politique. On vérifie la parole de tous les politiques. Emmanuel Macron, Olivier Véran, Jean-Luc Mélenchon, des gens d’extrême-droite, Éric Zemmour et Marine Le Pen, Yannick Jadot... On me dit dans la même journée que je suis trop à gauche, trop à droite, trop au centre. On applique une méthode journalistique. Si j’ai une sorte de à priori, mais que mon enquête me porte à penser le contraire de mes acquis, je ne vais pas rester dans ce que je pensais.

Le dernier album d’Astérix, Astérix et le griffon, a introduit un Romain nommé Fakenius. Comment analyser ce choix éditorial ?

Cela m’a fait bien rire ! Pendant toute la bande dessinée, la méthode est filée sur Fakenius, ce Romain qui croit à des choses étranges. Il fait peur à tous ses soldats avec ses fausses informations. C’est révélateur du fait que ce phénomène, autrefois, touchait peu de gens, que l’on n’en débattait pas à table ni à Noël. Aujourd’hui, avec la pandémie, on a tous une tante, un oncle, un cousin qui se mettent à débiter des fake news. Ce n’est plus réduit à des petits groupes.