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L’Affaire Villemin > Stéphane Debac

Ariane Grassi
Publié le 28/10/2006 à 23:34 Mis à jour le 18/04/2011 à 15:10

Après Marie Besnard, l’empoisonneuse et L’opération Rainbow Warrior, la télévision française continue de s’intéresser aux affaires qui ont défrayé la chronique au siècle dernier avec L’Affaire Villemin, un feuilleton en six épisodes de 52 minutes sur France 3. Dans la peau du juge Bertrand, alias le juge Lambert, on retrouve le jeune comédien Stéphane Debac. Pour Toutelatele.com, il revient sur les dessous de cette fiction polémique et sur les commentaires du juge Lambert à son égard.

Ariane Grassi : Dans L’Affaire Villemin, vous interprétez le juge Bertrand, version fictive du juge Lambert en charge du dossier. Comment aborde-t-on un personnage qui existe réellement ?

Stéphane Debac : C’est passionnant. Il faut le construire, l’aimer aussi pour le servir au mieux. J’ai regardé beaucoup d’archives, photos et vidéos, mais je ne voulais pas faire un travail d’imitation, j’ai préféré le réinventer, lui donner ma version. J’ai abordé l’Affaire Villemin comme une histoire et des personnages originaux.

Ariane Grassi : Vous vous inscrivez donc en faux avec les propos de Jean-Michel Lambert qui a déclaré dans la presse : « Le refus de toute rencontre avec moi traduit déjà une malhonnêteté intellectuelle flagrante »...

Stéphane Debac : Avant d’évoquer un « refus », il aurait peut-être été utile de préciser que je n’ai jamais été contacté par Jean-Michel Lambert et qu’il n’a jamais été question d’une rencontre éventuelle. En ce qui me concerne, cela n’a aucune importance puisque je n’ai effectivement, à aucun moment, souhaité le rencontrer. Ce qu’il décrit donc comme une « malhonnêteté intellectuelle » n’est à mon sens qu’un gage d’indépendance créatrice. Je trouve même désolant de devoir me justifier à ce sujet. Car il s’agit d’une réalité cinématographique ! Je suis acteur, pas juge. La vérité de ces événements réside dans le cœur des protagonistes, que je respecte. Ma vérité à moi réside dans le scénario et dans les mots du metteur en scène.

Ariane Grassi : Jean-Michel Lambert dit également qu’« on a fait travailler le comédien à partir d’un stéréotype insultant »...

Stéphane Debac : Monsieur Lambert a-t-il vu les 6x52min jusqu’au bout ? Je ne suis pas au service de monsieur Lambert mais au service d’un scénario et d’un personnage ! Encore une fois, c’est une réalité composée, réinventée et nourrie de mille choses. Mais surtout, une réalité cinématographique, personnelle et fictive.

Ariane Grassi : Quels aspects du personnage vous ont plus spécialement intéressé ?

Stéphane Debac : En regardant les images d’époque du juge, je me suis rendu compte que la célébrité qu’il avait connue au travers de l’affaire était à prendre en considération. Je n’ai repris qu’une scène réelle, son passage à Apostrophes. A l’époque, c’était le Saint Graal, mais il n’avait pas le sens de la répartie, et la soirée a pris des allures de « dîner de cons ». Il était jeune et inexpérimenté, mais c’est difficile d’assumer son dépassement face à la hiérarchie. D’ailleurs, les auditions de l’affaire d’Outreau ont eu lieu après le tournage, et j’ai vraiment retrouvé mon personnage dans le juge Burgaud.

Ariane Grassi : A-t-il été facile de rendre sympathique le juge Bertrand/Lambert ?

Stéphane Debac : Je n’avais pas envie qu’il soit risible, mais à un moment donné, on sourit forcément de sa façon de donner le change, quand par exemple il refuse de venir parce qu’il est en week-end ! J’avais peur de ne pas l’aimer, et je n’avais pas envie de le caricaturer. Il avait l’air d’un petit garçon en faute, et les enfants sont ceux qu’on excuse le plus facilement. Je les ai observés dans les cours de récréations pour saisir leurs expressions, c’était ma façon de donner de l’humanité à ce personnage. Je ne devais pas négliger sa part de secret, il y a une vitrine et une arrière-boutique dans ce personnage.


Ariane Grassi : Sous quel angle les scénaristes ont-ils choisi de raconter l’histoire ?

Stéphane Debac : Raoul Peck et Pascal Bonitzer ont adapté Le Bûcher des Innocents de Laurence Lacour, ils se sont aussi intéressés aux procès verbaux de l’époque. Ils ont travaillé « à l’anglaise » en se documentant beaucoup. Leur démarche est saine, ils ont fait leur travail d’investigation, mais cela reste un film d’auteurs. Ils ont fait le choix de se positionner du côté des Villemin, sans militantisme. Le film ne prend pas de distance avec son sujet, il est dur, frontal, mais le couple Villemin a une dimension romantique, romanesque. Tout ce qu’il traverse, ce n’est pas possible ! Et pourtant ils sont toujours ensemble. Le feuilleton médiatique que la mort de Grégory a déclenché est tellement absurde ! Christine Villemin a alimenté les tirages pendant des années, alors que son non-lieu n’a eu droit qu’à une ligne. J’espère que le feuilleton changera la rumeur populaire.

Ariane Grassi : Après un rôle de travesti dans L’incruste, vous avez dû une nouvelle fois vous plier à une transformation physique...

Stéphane Debac : Le juge Bertrand, c’est mon rôle le plus glamour (rires) ! Mais le stylisme aide à construire le personnage, et puis moins je suis moi, plus je prends du plaisir ! J’ai un rapport ludique avec mon métier. Je suis comme un enfant qui en endossant sa panoplie de Zorro devient vraiment Zorro ! C’est basique, mais il faut être en accord avec le personnage. J’aime m’oublier derrière lui, c’est pour ça que j’apprécie un acteur comme Daniel Auteuil. On se doit d’être discrets pour mieux imposer ses personnages.

Ariane Grassi : La gravité du sujet n’a-t-elle pas trop pesé sur l’ambiance du tournage ?

Stéphane Debac : C’était mon premier long tournage, et vivre ainsi sous cloche pendant trois mois est très particulier. J’étais content de sortir de ce contexte et de ce rôle, car sur place on a très peu d’échappatoire. Heureusement, on vit avec toute l’équipe. On se serre les coudes et on s’amuse aussi beaucoup. Et Raoul Peck, le réalisateur, est quelqu’un de très élégant, il n’a pas peur de faire part de ses doutes, de ses choix.

Ariane Grassi : Avant L’Affaire Villemin, les téléspectateurs ont pu vous découvrir dans une autre adaptation de fait judiciaire, Dans la tête du tueur sur le cas Francis Heaulme. Avez-vous une prédilection pour les histoires vraies ?

Stéphane Debac : J’étais très content de jouer dans Dans la tête du tueur, parce que cela m’a permis de travailler auprès d’un acteur que j’admire, Bernard Giraudeau. Dans ces cas-là, on prend le risque d’être déçu, mais j’ai découvert un homme drôle et charmant. Qu’il s’agisse de deux faits divers est un pur hasard, mais coïncidence amusante, on m’a contacté sur le tournage de L’Affaire Villemin pour me proposer de jouer dans... L’Affaire Ranucci (prochainement sur TF1, ndlr) ! Je ne pouvais pas puisque je tournais déjà, mais j’aurais de toutes façons refusé, je n’ai pas envie d’être catalogué !

Ariane Grassi : Vous avez tourné et écrit pour des émissions de sketchs (C.net, Bouvard du rire...). Cela vous a-t-il handicapé au moment de vous lancer dans une carrière plus « classique » de comédien ?

Stéphane Debac : Curieusement et heureusement, non. Je trouverais extrêmement violent de reprocher à un acteur de travailler ! Je me suis éclaté, et ces expériences m’ont forgé. Peut-être même que c’est moi qui avais des préjugés, sans la curiosité et l’audace de la directrice de casting, je ne me serais peut-être pas imaginé en juge Lambert. Ce qui était difficile, c’était d’oublier le rythme de la comédie pour s’adapter à celui du personnage, plus lent.


Ariane Grassi : Et quel souvenir gardez-vous de votre participation à Classé confidentiel ?

Stéphane Debac : C’était la cour de récréation ! J’improvisais des sketchs avec Virginie Efira, une fille fantastique, très drôle avec un sens de l’autodérision énorme ! Elle n’a pas le profil classique de l’animatrice. Elle va surprendre en tant que comédienne, même si en France c’est difficile de passer d’un domaine à l’autre. A travers ses émissions, elle a montré qu’elle avait de la fantaisie. On a un projet de format court ensemble. En revanche, je serais incapable de faire de l’animation ! Je serais un piètre animateur, je ne me vois pas être moi face à une caméra, je préfère me cacher derrière un personnage.

Ariane Grassi : On vous verra d’ailleurs bientôt sur grand écran dans La femme coupée en deux de Claude Chabrol...

Stéphane Debac : Je reviens du tournage à Lyon, c’était très agréable. C’était la première fois que je travaillais dans la ville dont je suis originaire ! Je suis vraiment très attaché à Claude Chabrol et à son équipe. J’avais fait une apparition dans L’Ivresse du pouvoir, et je suis fier qu’il m’ait rappelé pour un rôle un peu plus important. C’est difficilement descriptible, je n’aurais jamais imaginé cela !

Ariane Grassi : En 2007, vous serez également à l’affiche du second volet des aventures de Mister Bean, French Bean. Avez-vous apprécié cette expérience internationale ?

Stéphane Debac : C’est un petit truc, fait « pour la blague » ! Je ne suis pas resté longtemps sur le tournage mais les équipes anglaises sont d’une efficacité redoutable, tout va très vite. Mon vrai plaisir sur ce projet, c’est d’avoir passé le casting avec un copain, Arsène Mosca, et qu’on ait été choisis tous les deux !

Ariane Grassi : Télévision, cinéma, théâtre, vous sentez-vous privilégié de pouvoir exercer ce métier sous toutes ses facettes ?

Stéphane Debac : Tant que je travaille, je me sens déjà privilégié. Je suis content d’osciller entre télévision et cinéma, je n’ai pas le sentiment d’être dans un tiroir. Je ne fais plus trop de théâtre, mais j’ai mis en scène le spectacle d’Arsène Mosca il y a deux ans. On a bossé entre potes, Jean Dujardin a produit le spectacle, et on l’a écrit à trois.

Arianne Grassi : Pensez-vous renouveler cette expérience de direction d’acteurs ?

Stéphane Debac : Le fait de travailler avec des amis a beaucoup joué. Rien ne me plaît plus que cette complicité entre partenaires, je crois beaucoup à l’idée des potes qui grandissent ensemble. Je réaliserai certainement, mais je ne suis pas pressé. Pour l’instant je suis trop animé par l’envie de jouer ! On essaie déjà de monter un scénario, et c’est laborieux, il faut trouver des noms pour le vendre.

Ariane Grassi : Quel sera son sujet ?

Stéphane Debac : Je préfère ne pas trop en parler pour l’instant, mais j’aime beaucoup les comédies romantiques américaines. J’ai vu des milliers de fois Quand Harry rencontre Sally, Love actually ou Coup de foudre à Notting Hill. En France, on ne voit plus trop de films de ce genre depuis les années 80, et c’est dommage. J’apprécie le cinéma engagé, mais c’est important aussi d’emmener les spectateurs dans ces petites bulles romantiques. Qu’est-ce qui empêcherait d’imaginer comme dans Notting Hill, un libraire à Montmartre qui rencontre une star de cinéma ? Emmanuelle Beart pourrait reprendre le rôle de Julia Roberts, et moi celui de Hugh Grant (rires) !