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La folie des grandeurs : pourquoi le duo Louis de Funès / Yves Montand a inquiété Gérard Oury

Joshua Daguenet
Par
Rédacteur TV & Séries
Publié le 12/04/2020 à 18:39

La folie des grandeurs s’offre une nouvelle diffusion en prime time ce dimanche 12 avril sur France 2. La comédie de Gérard Oury est (très) librement adaptée de la pièce vindicative écrite par Victor Hugo 130 ans plus tôt.

C’est l’histoire d’une rencontre d’abord infortune, unique puis couronnée de succès, bien plus que l’or ardemment chéri par Don Salluste, inspiré d’un personnage de Victor Hugo. La Folie des grandeurs, offrant le duo Louis de Funès / Yves Montand, est à redécouvrir à partir de 21 heures ce dimanche 12 avril sur France 2.

À superposer les deux œuvres, la symétrie ne s’impose pas au premier regard. Du Ruy Blas de Victor Hugo, une tragédie romantique, saupoudrée d’une critique à peine enfouie à l’égard de Louis-Philippe par un auteur dont l’acrimonie pour la dynastie bonapartiste n’a eu de cesse de s’accroître au fil des années, à la Folie des grandeurs d’un Gérard Oury au « pire » sarcastique, les deux maîtres d’art, chacun dans leur style et leur époque, ont exposé une vision aux antipodes dans leur traitement de la destinée de Don Salluste. Cet homme ambitieux, poltron, disgracié, qui tente de se refaire une place de choix au sein de la Monarchie espagnole.

Bourvil / De Funès / Oury : acte (III) manqué

Dans la comédie sortie au début des années 70, les mimiques et l’attitude de Louis de Funès confèrent davantage au fourbe antihéros un air de Scapin, dans l’univers de Molière que côtoiera l’acteur dix ans plus tard avec L’avare. Son comportement envers son neveu prête davantage à sourire tant la plongée dans le pathétique est d’une submersibilité sans fond, alors qu’il est tragique et dramatique dans les scènes écrites par Hugo.

Mais ce rendu final, par celui qui délivra cinq grands classiques consécutifs entre 1965 et 1973, (Le Corniaud, La Grande Vadrouille, Le Cerveau, La Folie des Grandeurs, Les Aventures de Rabbi Jacob) était loin d’être un pari gagné d’avance. En effet, le cinéaste avait coché le nom de Bourvil pour offrir la réplique à Louis De Funès et reformer un trio qui avait fait ses preuves à deux reprises. Mais la maladie du confectionneur de la « Salade de fruits » constituait une épée de Damoclès permanente sur le projet. Quand Bourvil est décédé du cancer des os, Simone Signoret a soufflé le nom d’Yves Montand. S’il est impossible de les comparer, c’est pour mieux convaincre Gérard Oury qui ne souhaitait pas d’un « Bourvil Bis ». Ironie du sort, le dernier projet d’Yves Montand, Cercle Rouge, un sombre polar, réunissait l’époux de Simone Signoret et... Bourvil.

Une dernière diffusion moins populaire

Anéanti par la disparition de celui-ci, Gérard Oury s’est efforcé de mener à bien son projet, loin cependant, d’être convaincu d’avoir misé sur le bon numéro pour l’interprète de César, un prénom sifflotant telle une rengaine printanière dans la filmographie d’Yves Montand, puisqu’il le portera à quatre reprises au cinéma dans sa carrière. Finalement, lorsque le comédien a fait le premier pas avec Louis de Funès, le trublion s’est déclaré conquis et la collaboration a porté ses fruits, en témoigne le succès dans les salles obscures avec ses 5.5 millions d’entrées en Hexagone.

Diffusée sur France 2 le 29 avril 2018, la comédie n’avait réalisé aucune folie d’audience, attirant 2.98 millions de Français et 12.7% d’entre eux devant le petit écran. La chaîne s’était classée deuxième, loin de la super-production américaine Ant-Man et ses 5.3 millions de téléspectateurs. Pourtant, au cours des nombreuses apparitions sur le petit écran, ce classique sur la monarchie espagnole était l’assurance pour le diffuseur d’asseoir sa suprématie sur le trône de l’audience.