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Laurence Blaevoet (directrice du pôle jeunesse de Canal+) : « Aujourd’hui, la cible des 8/10 ans, qui veulent grandir trop vite, est la plus compliquée à toucher »

Léopold Audebert
Publié le 20/11/2016 à 19:24 Mis à jour le 27/05/2022 à 00:43

Entre mise à l’antenne de programmes exclusifs et arrivée de personnalités populaires, Télétoon+ et Piwi+ ont fait le plein de nouveautés pour cette saison 2016 / 2017. Rencontre avec Laurence Blaevoet, directrice du pôle jeunesse de Canal+, chef d’orchestre stratégique de ces innovations.

Léopold Audebert : Pour cette saison 2016 / 2017, Télétoon+ lance deux nouvelles émissions incarnées : « Time’s Up ! Le Show » avec Issa Doumbia, mais aussi « École Aventure », orchestrée par Laurent Maistret et Teheiura, ex-aventuriers de Koh-Lanta. Avec ces programmes, quelle est la nouvelle ambition de Télétoon+ ?

Laurence Blaevoet : Avec ces nouvelles émissions, mais aussi Drôle de Manoir, autre nouveauté, nous affirmons notre volonté de ne pas être qu’un simple « robinet à images », à dessins animés. Nous voulons vraiment avoir des incarnations et des référents connus des enfants. Sur Piwi+, une incarnation hebdomadaire continue également d’être récurrente, avec Kevin Metayer dans Les mondes de Zac et Zig.

Comment l’idée d’adapter un jeu de société tel que Time’s Up ! est-elle née ?

Lorsque nous avons parlé de la relance des chaînes du groupe, nous avons réfléchi au jeu de plateau qui n’existe nulle part et qui n’a jamais été adapté ailleurs. Personnellement, je joue beaucoup à Time’s Up ! avec ma famille (rires). L’idée de ce jeu européen est alors restée. Nous avons ensuite demandé à Vivendi Entertainment de nous obtenir les droits, ce qu’ils ont réussi !

Du côté d’École Aventure, quelle réflexion vous a conduit à confier les manettes du programme à Laurent Maistret et Teheiura ?

ALP, également producteur de Koh-Lanta, nous a fait des propositions. Nous avons opté pour les deux personnalités les plus emblématiques. Je ne voulais pas de gens qui posent des problèmes, mais des gens positifs, des aventuriers avec de vraies valeurs. Laurent et Téhéura sortaient immédiatement du lot.

Aucune des nouvelles émissions ne prend place sur un plateau « classique ». En raison de la taille et des moyens de la chaîne, était-ce également une stratégie afin de ne permettre aucune comparaison avec d’autres programmes de flux aux productions très coûteuses ?

Nous n’avons, en effet, presque pas de plateau. Nous voulions éviter l’écueil du plateau très riche que les enfants ont l’habitude de voir sur les grandes chaînes. Drôle de Manoir est ainsi tourné dans un réel manoir, tandis qu’École Aventure se déroule dans la nature. De son côté, Time’s Up ! Le Show investit une sorte de loft.

« Nous voulons vraiment avoir des incarnations et des référents connus des enfants »

Avec ces nouveaux programmes incarnés, et à l’instar de Gulli et de ses formats tels que Tahiti Quest, Intervilles Internationnal ou encore In Ze Boîte, Télétoon+ souhaite-t-elle davantage s’affirmer en tant que chaîne familiale ?

Aujourd’hui, nous sommes vraiment une chaîne jeunesse, et non une chaîne familiale, comme Gulli, par exemple. Sur nos chaînes, Piwi+ et Télétoon+, l’habitude d’écoute correspond à ce que nous appelons les « prime time enfants » : le matin au réveil, le midi, et le retour de classe. Ces moments sont très importants pour nous. Les émissions sont également multidiffusées afin d’essayer de trouver les meilleurs créneaux.

Côté dessins animés, quel a été votre coup de cœur personnels parmi toutes les nouveautés de la saison ?

Il y en a beaucoup ! (rires) La cabane à histoires est réellement quelque chose que je porte et que je trouve formidable. Molang, de son côté, est vraiment drôle et très mignon… Pour les plus grands, Mon chevalier et moi est génial, avec une magnifique animation en trois dimensions.

Comment parvenez-vous à dénicher les dessins animés à l’antenne de vos deux chaînes jeunesse ?

Tout dépend de l’échelle à laquelle nous nous positionnons. Une équipe s’occupe des programmes internationaux. Les membres qui la composent se rendent ainsi dans les marchés ou encore les festivals pour rencontrer les producteurs. Concernant la France, nous connaissons tous les producteurs qui, de leur côté, savent ce que nous recherchons. Nous les rencontrons donc régulièrement pour définir ce qui est susceptible de correspondre à nos projets.

Des premières discussions autour d’un potentiel programme pour Télétoon+ ou Piwi+ à sa mise à l’antenne, combien de temps ce processus vous demande-t-il ?

L’animation est le secteur le plus lent en terme de production : ainsi, entre deux ans et demi et trois ans sont nécessaires pour chaque projet.

« Il existe un cercle vertueux entre les chaînes jeunesse du groupe Canal+ »

En terme d’audiences, les dessins animés sont-ils toujours autant lucratifs qu’auparavant pour une chaîne de télévision telle que la vôtre ?

Sur la cible des 3/6 ans et les 6/8 ans, cela est incontestable. Aujourd’hui, la cible des 8/10 ans, qui veulent grandir trop vite, est la plus compliquée à toucher ! (rires) En conséquence, ils ont souvent tendance à se tourner vers des programmes qui, pour moi, ne leur sont pas destinés, tels que la télé-réalité, les soaps ou encore les jeux pour adultes. Pour cette raison, nous avons décidé de proposer des séries en misant sur de belles productions. Sur Télétoon+, l’idée est aussi de mettre à l’antenne des héros aspirationnels.

Autour des deux chaînes jeunesse, le numérique apparaît être plus que jamais développé. En quoi cet investissement est-il à ce point stratégique pour le groupe Canal+ ?

Sur la catch-up TV ou l’OTT (offre en dehors du fournisseur d’accès, ndlr), la jeunesse représente le secteur le plus porteur. Nous allons développer de nouveaux programmes, en plus des cinq cents actuels. Ces nouveaux modes de visionnage sont vraiment importants pour nous. Grâce à eux, les parents se sentent aussi plus en sécurité.

Les créations originales, autres composantes fortes de l’ADN de nombreuses chaînes du groupe Canal+, sont-elles également primordiales au sein de Télétoon+ et Piwi+ ?

Il existe un cercle vertueux entre les chaînes jeunesse du groupe Canal+. Canal+ Family est également dans cette boucle. Ainsi, ce que nous produisons pour Piwi+, nous le diffusons aussi sur Canal+ Family. Nous avons besoin de programmes exclusifs pour notre groupe. Cette idée de création originale, « ré-création originale » du côté de nos chaînes jeunesse, contribue à cela. Entre la production et le développement, nous proposons aujourd’hui près de vingt programmes totalement inédits, rien que pour nous. Il s’agit d’un travail énorme et phénoménal que fait mon équipe, avec de belles licences.