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Marine Delterme > Le fabuleux destin de Berthe Morisot

Claire Varin
Publié le 16/02/2013 à 17:17 Mis à jour le 23/05/2013 à 18:02

Héroïne d’Alice Nevers, le juge est une femme, depuis dix ans, Marine Delterme n’a jamais caché son intérêt pour les séries. Elle a de vraies envies pour ce format et développe plusieurs projets. « C’est dur à monter mais c’est passionnant » affirme la comédienne. Mais, c’est une autre fiction qui l’occupe actuellement. Samedi 16 février, Marine Delterme sera la peintre Berthe Morisot, sur France 3. Ce téléfilm est un projet très personnel mettant en scène le destin de la seule femme ayant appartenu au groupe des impressionnistes. Rencontre.

Claire Varin : Votre envie de porter à l’écran la vie de Berthe Morisot remonte à il y a dix ans. Avez-vous frappé à beaucoup de portes avant que ce projet se réalise ?

Marine Delterme : Non, David Kodsi est le premier producteur que j’ai rencontré. Mais durant ces années, le plus difficile était l’écriture à travers l’angle de la création. J’avais essayé d’écrire des scénarios avec différents auteurs, mais ça ne marchait pas. Et dans un moment désespéré, je suis allée voir David. C’est un très bon producteur et il a eu l’idée de prendre les scénaristes Sylvie Meyer et Philippe Lasry. Puis on a démarré et on a choisi Caroline Champetier pour la mise en scène. À force de réflexion, on a trouvé la façon de raconter tout ça et de ne pas rebondir sur un biopic classique, qui survole tout, mais sur une période très précise. Et de raconter la naissance d’une peintre.

Votre démarche d’aller chercher un producteur est assez rare pour une comédienne…

Il y a un moment où c’est important de le faire plutôt que d’attendre les rôles, qui ne vous plaisent pas forcément… Je fais beaucoup de sculptures, à côté j’ai une autre vie. Si je travaille comme comédienne, c’est pour faire des choses qui me tiennent à cœur. Donc, si par le biais de l’écriture je trouve des sujets intéressants et que j’arrive à les monter, c’est plus agréable. Il y a quelque chose de moi dans tout ça, profondément.

Quels ont été vos rapports avec Caroline Champetier ?

Caroline est religieusement entrée dans le film. Et comme je suis aussi très travailleuse, on s’est trouvé. Sans trop se parler. Nous ne sommes pas des intellectuelles, on ne verbalise pas. On se ressemble. Ça se passait beaucoup au niveau du corps, car Berthe parle peu. Il fallait montrer à travers le corps toute son intériorité. C’est un travail très organique qui me correspond parfaitement. Caroline a une haute opinion de ce qu’est le cinéma et un plateau, ça m’a beaucoup aidé à entrer dans ce personnage, totalement concentré, brulant et noir. J’adore qu’un metteur en scène m’emmène quelque part. J’aime prendre des risques, je m’ennuie sinon.

Vous viviez avec ce projet depuis de nombreuses années. Avez-vous eu une quelconque appréhension quand le tournage est enfin arrivé ?

Oui, j’ai eu peur de ne pas être à la hauteur. Mais Caroline a tellement de caractère. Elle avait une vraie vision. Le film avait besoin de cette vision, il ne fallait pas avoir un faiseur. Donc elle m’a embarqué. Sa main de fer m’a soulagée dès le premier jour du tournage.

« Il y a quelque chose de moi dans tout ça »

Berthe Morisot est une artiste importante, car la seule femme du groupe impressionniste, mais le grand public la connait mal. Comment est-elle venue à vous ?

J’ai vu une exposition et on m’a offert un livre de toutes ses peintures. Je suis tombée sur un portrait d’elle que je trouvais très sombre et très énigmatique alors que ses tableaux sont peints que de lumière et de légèreté. Après, j’ai creusé et j’ai vu Manet en face. C’était la possibilité de parler de la création et cette histoire d’amour complètement mystérieuse, puisque les lettres ont été détruites. Mais cette histoire a existé, j’en suis persuadée. Il fallait alors parler de frustration. Cette frustration permet d’aller vers la création. Ce ne sont pas des êtres anodins. Avec cette frustration, la plupart des gens finiraient fâchés, eux, ils arrivent à en tirer quelque chose. Sans s’annuler l’un l’autre, ils arrivent à se nourrir. Même si lui au début la met en scène. C’est un rapport assez pervers. Il s’agissait aussi de se demander pourquoi elle accepte, car c’est une femme forte avec beaucoup de caractère.

Avez-vous trouvé une réponse ?

C’est ce que le film un peu raconte. C’est une fascination, un rapport amoureux, quel qu’il soit, une ouverture vers la liberté. Quand elle va chez Manet, elle découvre un monde d’homme auquel elle n’a pas accès. C’était une grande bourgeoise très tenue. Il y a une liberté absolue chez les hommes à cette époque. Elle si elle veut sortir de sa famille, il faut qu’elle se marie, c’est aussi simple que ça. Une femme ne vit pas seule. La liberté de Manet, son génie, sa flamboyance, c’est fascinant. Sa sœur Edma se marie, devient dépressive et même un peu alcoolique. Berthe, elle, trace, vit sa vie et résiste.

Elle résiste d’abord seule. Puis sa rencontre avec Manet l’a fait avancer un peu plus. Et à la fin, elle se marie. N’y a-t-il pas une forme de renoncement ?

Berthe est assez sage et intelligente pour tirer une croix sur Manet sans être dans la mélancolie et la nostalgie. Comme c’était le cas de Camille Claudel, qui, elle, a cherché quelque chose de frénétique. Berthe trace bien sa route. Elle est rongée par la création. Elle est vraiment habitée par ça. Il n’y a pas tellement de place pour l’amour romantique. L’amour, c’est Manet et la peinture, c’est déjà beaucoup. Et après elle va avoir une fille, qu’elle va aussi aimer. Je ne pense pas que Berthe Morisot soit quelqu’un de triste. Au contraire, son destin est fabuleux.