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Mercy Hospital : la série aux faux airs de Grey’s Anatomy

Tony Cotte
Publié le 11/06/2010 à 20:48 Mis à jour le 08/12/2010 à 15:15

Jusqu’ici reléguées aux seconds rôles de confidentes au grand cœur ou d’employées exploitées promptes à se retrouver aux premiers rangs d’un piquet de grève, les infirmières n’ont que peu souvent été mises en valeur dans la fiction américaine. Avec l’émergence des séries médicales, la tendance a fini par s’inverser grâce aux arrivées récentes de Hawthorne, Nurse Jackie et Mercy. Mais comme dans de nombreux centres hospitaliers, les places sont chères à la télévision et cette dernière n’a eu droit qu’à une saison de 22 épisodes. « Pale resucée de Grey’s Anatomy » pour les uns, « portrait caricatural et idéaliste du métier d’infirmière » pour les autres, Mercy Hospital, titre français sur M6, a particulièrement souffert de ces comparaisons et critiques. S’il est vrai que les premiers épisodes misent sur tous les poncifs du genre sans vraiment s’en cacher, la seconde partie de la série tranche incontestablement avec les productions susnommées.

De retour d’Iraq, Veronica Callahan décide de reprendre sa vie et son mariage en main. Victime de troubles de stress post-traumatique, l’infirmière revient un brin névrosée et avec une vision de la médecine très différente. Dans l’hôpital traditionnel qu’est le Mercy Hospital, l’héroïne travaille désormais à l’instinct et défie l’autorité de Dan Harris, chef résident. De quoi apporter à la jeune femme bien des ennuis, et ce, sans compter l’arrivée surprise dans son service du docteur Chris Sands, son amant en Iraq. Dans sa quête d’une certaine stabilité, Veronica peut malgré tout se fier à Sonia, sa meilleure alliée, et la nouvelle recrue Chloé. Entre les drames naturels d’un établissement hospitalier du New Jersey et les vicissitudes du quotidien, le trio d’infirmières tente d’évoluer, non sans difficultés...

Souvent au risque de la caricature, Mercy met ainsi en exergue le regard cynique des patients comme du reste du corps médical sur le métier de nurse. Ces dernières ne se contentent pas uniquement de faire les lits, la toilette ou changer les couches des grabataires en fin de vie, comme le veut l’éternel cliché sur la profession, mais travaillent en complémentarité avec les médecins et subviennent avant tout aux besoins du patient. Une réalité mise en avant, quitte à donner, à plusieurs reprises, une impression de déjà-vu, ces différentes tâches étant souvent effectuées par les internes en chirurgie dans Grey’s Anatomy.

Et les comparaisons avec les péripéties du Seattle Grace Hospital ne s’arrêtent pas là : outre l’aspect torturé de l’héroïne et sa vie amoureuse complexe avec un nouveau « Dr Mamour », celle-ci va apprendre, à l’instar de Meredith Grey, qu’un de ses parents est atteint de la maladie d’Alzheimer. La jeune Chloé, adepte de Hello Kitty, est dépassée à son arrivée par la réalité de l’hôpital et s’engage trop souvent affectivement avec ses patients, à la manière d’une Izzie Stevens. Enfin, Sonia, sûre d’elle, n’est pas sans évoquer une certaine Cristina Yang...


Au fil des épisodes, Mercy va pourtant se montrer moins calibrée et plus réaliste que Grey’s Anatomy en lorgnant légèrement du côté glauque de Nurse Jackie, quitte à bousculer par moment le confort de la ménagère. D’abord sanglés dans des archétypes, les personnages prennent, à leur rythme, de l’épaisseur et, dès la moitié de la série, le casting peut compter sur la présence d’un James van der Beek toujours désireux de rompre avec son éternelle image du gentillet Dawson Leery.

Références culturelles habilement distillées, dialogues ciselés et interprétation très juste de Taylor Schilling, actrice principale dont la filmographie ne pouvait compter jusqu’alors que sur une petite apparition dans un film indépendant en 2007, font partie des principaux atouts de la série, au même titre qu’une bande-son capable de faire côtoyer Britney Spears et Ke$ha avec de nombreux artistes de la scène alternative.

À l’origine, Mercy devait être une série de mi-saison, programmée au début de l’année 2010 après la première salve d’épisodes de Parenthood. Mais la fiction avec Maura Tierney, actrice atteinte d’un cancer, voit son tournage repoussé, ne pouvant être prête pour une diffusion à la rentrée. NBC est alors contrainte de donner le coup d’envoi de Mercy le 23 septembre 2009, au risque de proposer deux séries médicales (Trauma) à deux jours d’intervalles chaque semaine. Puis, en octobre, comprenant que le Jay Leno Show ne peut tenir ses promesses, laissant ainsi vacantes pas moins de 5 heures chaque soir sur sa grille, le réseau en profite pour commander une saison complète de ses fictions à l’antenne. La chaîne demande alors une réelle évolution scénaristique et se dit confiante en l’avenir de Mercy après visionnage des futurs épisodes.

Pour autant, difficile de convaincre le téléspectateur lambda et l’intéresser à une série lynchée ou ignorée par les médias, a fortiori quand celle-ci est programmée dans une case horaire peu adaptée. Chaque mercredi soir à 20 heures, où le public présent, généralement familial, se délecte devant les sitcoms ou des jeux, NBC mise sur les drames des infirmières du New Jersey, les névroses d’une tête brûlée en guise d’héroïne, le cadre peu idyllique de Jersey City et les thèmes aussi sombres que la pédophilie ou l’euthanasie. Pénalisée également par plusieurs hiatus en cours de saison, Mercy sera passée de 8.4 millions de curieux pour son pilote à tout juste 4 millions de fidèles pour ses derniers épisodes, dans une nouvelle case horaire face au mastodonte American Idol (Nouvelle Star) sur FOX.

La série créée par Liz Heldens (Friday night lights) n’atteindra désormais jamais le niveau de reconnaissance de ses consoeurs. Pour sa venue en France, M6 la propose en première partie de soirée. Mais si le terme « honneur » a souvent été lié à celui de « prime time », il s’agit désormais pour la chaîne privée de trouver un remplaçant de fortune pour succéder aux échecs successifs de D&Co, Super Nanny, Les Bleus ou encore Les 20 surprises sur prise que les Français n’oublieront jamais dans la case sinistrée du samedi. La Six elle-même ne semble guère y croire. Un produit placebo en somme ?