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Numéro 23 : le CSA retire l’autorisation de diffusion de la chaîne

Guillaume Denis
Par
Rédacteur spécialisé TV & Séries
Publié le 14/10/2015 à 21:53 Mis à jour le 14/10/2015 à 22:07

Dans un communiqué de presse, le Conseil supérieur de l’audiovisuel annonce sa décision d’abroger l’autorisation de diffusion accordée à Diversité TV pour l’exploitation de la chaîne Numéro 23. Cette décision prendra effet le 30 juin 2016.

Le communiqué du CSA

"Numéro 23 : abrogation de l’autorisation

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel, réuni en assemblée plénière le mercredi 14 octobre 2015, a décidé d’abroger l’autorisation de diffusion accordée le 3 juillet 2012 à la société Diversité TV pour l’exploitation de sa chaîne Numéro 23.

Cette décision est prononcée à l’issue de la procédure de sanction ouverte le 23 juin 2015

à l’encontre de la société Diversité TV. Elle est fondée sur la modification substantielle des données au vu desquelles l’autorisation a été accordée, liée aux conditions d’entrée de la société UTH au capital de Diversité TV et au pacte d’actionnaires signé le 21 octobre 2013 à la suite de cette opération.

Le Conseil a relevé que les stipulations de ce pacte, conclu entre l’actionnaire majoritaire et UTH au cours de la période d’interdiction de changement de contrôle de deux ans et demi sur laquelle la société s’était engagée dans sa convention, visaient à une cession rapide de son capital.

Cette opération a été dissimulée au Conseil malgré plusieurs relances de sa part, le pacte n’ayant été finalement reçu que le 25 mai 2015.

Le Conseil a souligné que lors de son audition le 8 mars 2012, dans le cadre de l’appel à candidatures, la société Diversité TV avait fait valoir qu’elle comptait pour son développement sur un actionnariat solide et durable, et que l’autorisation avait été délivrée au vu d’un plan de financement dont l’équilibre prévisionnel était envisagé en 2019, avec une montée en charge progressive des obligations de sa convention jusqu’à cette même date ; qu’en particulier, la société n’avait jamais fait état d’un plan de financement susceptible de conduire à une cession totale anticipée, plusieurs années avant la fin de cette montée en charge.

Le Conseil a observé que la société n’a que très partiellement rempli les objectifs affirmés lors de sa candidature ; elle a ainsi fait l’objet de plusieurs rappels, mises en garde et mises en demeure.

Il relève que le montant annoncé du projet de cession de la société s’élève à 88,3 millions d’euros, somme qu’il convient de rapprocher de la situation financière de la société, de ses pertes actuelles et de son plan d’affaires prévisible. La valorisation de la société Diversité TV, telle qu’elle ressort du projet de vente soumis à l’agrément du Conseil, lui a paru dans ces conditions reposer, à titre principal, sur la valeur de l’autorisation qui lui a été donnée.

Ainsi, les dispositions du pacte d’actionnaires du 21 octobre 2013, se réalisant finalement dans le projet de cession de la société Diversité TV soumis à l’agrément du Conseil, révèlent que son actionnaire majoritaire a, dès mai 2013, et en contradiction avec les objectifs affirmés dans sa candidature, cherché avant tout à valoriser à son profit l’autorisation obtenue, dans la perspective d’une cession rapide.

Le Conseil a considéré qu’une telle démarche était constitutive d’un abus de droit entaché de fraude, en contradiction avec la finalité poursuivie par le législateur. En effet, le principe de gratuité d’occupation du domaine public hertzien audiovisuel, dont la protection constitue un impératif constitutionnel, répond au principe fondamental de pluralisme garanti par la loi du 30 septembre 1986, et ne vise pas à asseoir la valeur financière de la personne morale titulaire d’une autorisation délivrée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Ces éléments sont de nature à remettre en cause les choix opérés par le Conseil lors de l’appel à candidatures, qui doit reposer sur le principe d’égalité, et justifient dès lors l’abrogation de l’autorisation délivrée au terme de cet appel à la société Diversité TV.

Pour assurer la protection de l’ensemble des principes et intérêts dont le Conseil a la charge, l’abrogation ne prendra effet que le 30 juin 2016.

Ce délai permet aussi à la société Diversité TV de renoncer aux conditions du pacte d’actionnaires et de la cession qui ont conduit le Conseil à retirer l’autorisation.

Saisi également d’une demande d’agrément présentée par la société Diversité TV relative à la prise de contrôle par le groupe NextRadioTV, le Conseil a constaté qu’il n’y avait plus lieu pour lui de se prononcer."

Numéro 23, un scandale d’état ?

Dans La TNT, un scandale d’état, paru le 24 juin et écrit par Didier Maisto, le PDG de Fiducial Médias revient sur l’appel à la candidature lancé par le CSA pour les six dernières chaînes de la TNT (HD1, L’équipe 21, Chérie 25, RMC Découverte, 6ter et Numéro 23).

Ce livre, en vente dans les kiosques et maisons de la presse, rassemble des articles publiés sur le site internet du magazine Lyon Capitale, dont Ficudial Médias est l’actionnaire unique. Dans les moindres détails, les lecteurs peuvent découvrir les conditions d’attribution des canaux, notamment Numéro 23, la chaîne de Pascal Houzelot qui a tenté de revendre sa fréquence gratuite à Alain Weill pour la somme de 90 millions d’euros.

L’auteur évoque un véritable scandale d’état et déplore également le refus de la création de son projet de chaîne, D-Facto, au détriment de RMC Découverte ou Numéro 23 alors nommée « TVous la diversité ». Cette dernière promettait alors de promouvoir la diversité, Didier Maisto écrit : « Numéro 23, chaîne alibi, chaîne prétexte, sans aucun doute. Mais certainement pas chaîne communautariste, ou revendiquant quoi que ce soit d’un moindre combat intellectuel ou sociétal, fût-il funeste pour la République. Rebaptisée opportunément et de façon la plus neutre possible « Numéro 23 » juste avant son lancement, la chaîne, commercialisée par TF1, n’a plus du tout l’ambition affichée au départ. »

Dans les 192 pages, il propose également aux lecteurs de partir à la rencontre de l’ancien président du CSA Michel Boyon ainsi que Patrick Buisson et David Kessler et d’autres personnalités de la sphère politico-médiatique. Il tire à boulets rouges sur les réseaux qui s’entretiennent et les combats d’égos qui ont lieu en coulisses afin d’accéder aux meilleurs postes à travers les réunions avec les conseillers de Nicolas Sarkozy. Fait amusant aussi, l’auteur publie la lettre - fictive- écrite au président du CSA suite au rejet du projet D-Facto, le conseil avait alors expliqué que « trop de comptables étaient présents dans la salle de l’audition ».

Dans l’ouvrage, le PDG évoque la tentative d’Alain Weill de racheter pour 90 millions d’euros Numéro 23, alors que le canal a été accordé gratuitement à Pascal Houzelot. Dans le dernier chapitre, Didier Maisto invite le président de NextRadioTV à « se poser douze questions » avant de procéder à ce rachat. Il remet alors en cause les relations de Nicolas Sarkozy avec Alain Weil et le fait que trois mois avant les audition devant le CSA, le 8 mars 2012, ce dernier ainsi que Pascal Houzelot étaient assurés de décrocher des canaux selon l’entourage de l’ex-président.

Concernant la revente de Numéro 23, le CSA s’est saisi du dossier mais les décisions n’ont pas été rendues publiques à ce jour. Cependant, le conseil a voté le mercredi 25 juin deux sanctions contre la chaîne avant une sanction, qui peut potentiellement aller jusqu’au "retrait de l’autorisation ou la résiliation unilatérale de la convention ». Numéro 23 a notamment été sanctionnée suite au non-respect de la part minimum de films français et européens stipulée par son cahier des charges.