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Pascal Maquin (Pascal, le grand frère) : « Je ne joue pas sur le rapport de force »

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Rédacteur - Expert TV & Séries
Publié le 04/06/2014 à 19:04 Mis à jour le 12/06/2014 à 15:45

Après Super Nanny, Pascal, le grand frère fait son apparition sur la grille de NT1. Un temps sur TF1, Pascal Maquin était en attente d’un retour fracassant. Ce mercredi 4 juin, ce sera chose faite, dès 20h50. Pour l’occasion, le coordinateur jeunesse dans une municipalité de Seine-et-Marne, 4e dan de taekwondo, s’est confié sans résistance sur sa méthode, la concurrence et la nouvelle vie du programme.

Clément Gauthier : Quels sont les moments déterminants de votre jeunesse qui vous ont poussé à aider les autres ?

Pascal Maquin : J’ai eu une enfance assez difficile. Il y a eu mon père qui m’a abandonné. J’ai dû vivre mon adolescence un peu seul. Le sport a finalement réussi à me sortir des difficultés en me redonnant confiance en moi. J’ai fait de la boxe thaïlandaise, des arts martiaux et du taekwondo où j’ai rencontré mon maître qui avait une image un peu spirituelle. J’ai accroché à sa façon d’enseigner, aux valeurs importantes. À l’adolescence, on est un peu dans le mal-être, notamment à cause des changements hormonaux. Ce n’est pas un âge où on est bien dans sa peau. Si on n’a pas de passion pour s’en sortir, c’est là qu’on peut tomber dans la délinquance et avoir des problèmes très graves. Du coup, je voulais être ce lien pour les adolescents, car je les comprends. Être quelqu’un avec qui ils peuvent communiquer et avoir confiance. Être un exemple à suivre.

Ce passage de TF1 à NT1 signe-t-il une renaissance du concept de Pascal le grand frère ?

Les journalistes ont pris des informations comme ils pouvaient, car rien n’a vraiment filtré à l’époque, mais l’émission ne s’est pas forcément arrêtée en raison de l’audimat, mais plutôt pour un renouvellement de programmation. NT1 récupère pas mal de programmes d’éducation comme Super Nanny donc c’est cohérent de faire rentrer Pascal le grand frère. Et ça reste le même groupe télévisuel. Pour moi, c’est le même travail. Je ne cherche pas la notoriété et on aide les familles avant tout. Mon but est de pouvoir continuer cette émission avec la même équipe de travail. Pour le public, c’est ma façon de faire qui change, car je suis un éducateur complètement différent de l’ancien [Pascal Soetens, ndlr.]. La mécanique de l’émission sera la même avec le concept d’immersion dans des familles.

A-t-il été difficile de prendre la relève de Pascal Soetens en 2013 ?

Quand on reprend une émission comme ça, on sait qu’on va être énormément critiqué. Ça a été le cas pour moi. Surtout parce que je l’ai fait à ma façon. Pour la France, l’éducateur ne peut être que l’ancien Pascal. Moi, je suis arrivé pour apporter une méthode complètement différente. Du coup, ça les a pris de court. Il faut accepter les critiques et rester soi-même. Et le public va, je pense, s’habituer petit à petit....

« Je ne cherche pas la notoriété »

Pascal Soetens présente maintenant SOS ma famille a besoin d’aide. Il sort des familles du lieu de conflit et les confronte à des exercices extrêmes. Que pensez-vous de la méthode ?

Je ne peux pas juger d’une méthode ou d’une autre, je ne suis pas expert en sciences de l’éducation. La mienne est totalement différente, car c’est vraiment éducatif. On gère l’éducation de la famille au sein du foyer. On peut rectifier les règles de vie ou identifier les soucis, car on est là à chaque instant de la vie. On colle à la famille. Je pense que leur méthode est une méthode d’extériorisation. Nous, on est dans l’immersion. L’extériorisation, c’est super, car on fait vivre quelque chose aux gens, ils oublient leurs problèmes, c’est comme quand on part en vacances au soleil. Mais seulement, on revient chez soi un jour ou l’autre. Et je pense que c’est là que nous, on change tout. On joue sur le quotidien qui sera toujours là. L’ignorer, ce n’est pas forcément la meilleure méthode pour moi.

Partie 2 > Le choix des adolescents


Comment choisissez-vous les adolescents ?

Les adolescents sont choisis selon un processus très précis. Les gens nous contactent par mail ou téléphone. On vérifie ensuite s’il est possible de les traiter, s’il n’y a pas de problèmes médicaux graves ou psychologiques. S’il y a des drogues dures, on ne peut pas agir. Dans ces cas-là, on oriente les familles vers des structures spécialisées. Pour celles qu’on peut les aider, on regarde la situation la plus urgente. Si ça fait longtemps que l’enfant est déscolarisé, s’il est arrivé à un certain niveau de violence... On agit le plus vite possible pour traiter les cas les plus urgents.

Y a-t-il un âge à partir duquel les adolescents ont du mal à coopérer avec vous ?

On les sélectionne entre 16 et 21 ans pour une raison simple. Avant 16 ans, on estime que c’est trop tôt, car le jeune doit s’exposer aux médias. D’ailleurs, on prend des enfants déscolarisés. Et au-dessus de 21 ans, c’est trop tard pour les traiter. On n’est plus dans l’éducatif et ça devient très compliqué.

Que faites-vous si de jeunes adultes de plus de 21 ans vous contactent ?

L’éducation est faite au-dessus de 21 ans, donc ça sera un autre travail. Il y a des gens qui font des crises d’adolescence à plus de 21 ans, mais normalement ils ont des problèmes beaucoup plus lourds qui relèvent de la psychologie.

Vous opérez avec un chef d’entreprise et un psychologue. Qu’apportent-ils chacun dans la résolution du conflit ?

On mutualise les compétences, car on ne peut pas agir seul. Le coach « travail » vérifie tout ce qu’il y a comme potentialités autour du jeune. Il va contacter les entreprises du coin. Je lui explique le profil du jeune pour qu’il puisse comprendre comment le vendre aux entreprises. Il fait en sorte de pouvoir le réinsérer dans le monde professionnel. Il le prépare également à son entretien d’embauche. La psychologue va travailler sur des problèmes de fond avec les parents ou sur l’enfant. Elle travaille sur les familles pour situer leur problème.

« On agit le plus vite possible pour traiter les cas les plus urgents »

Éduquez-vous les parents avant l’enfant ?

Je vais vivre dans la famille pour identifier les problèmes donc je recadre les parents, mais aussi les ados. Ils ont leur part de responsabilité. Dans la vie, il n’y a pas d’excuse. Ils doivent vivre avec, se construire et devenir adultes. Je remets en place les adolescents, parfois dans une démarche de médiation quand ils ont subi des choses très difficiles. Après, j’agis sur les parents pour qu’ils reprennent leur rôle d’adulte par exemple.

Comment faire pour que la présence de la caméra n’incite pas l’adolescent à avoir un comportement différent ?

Il y a plusieurs méthodes. Même le caméraman ou l’ingénieur du son ont un profil social. On ne travaille pas avec une équipe qui n’est pas proche des gens. Ils peuvent comprendre quand je veux un temps mort. Parfois, je dois parler au jeune en dehors de la caméra. De toute façon, ce sont des familles qui ont de gros problèmes, qui ont souvent tout testé, des éducateurs, des psychologues... Ils sont tellement dans leurs soucis qu’ils oublient la caméra. Les deux ou trois premières heures, ils la verront, ensuite ils vont découvrir de nouvelles choses. La souffrance ne se surjoue pas. On ressent le mal-être.

Partie 3 > Le suivi et les causes du malaise


Parfois, des conflits peuvent-ils se résoudre en off ?

Bien sûr, car on ne peut pas tourner une semaine d’émission. Il y a des moments de vie, c’est ce qui fait l’intérêt de l’immersion. Je vais vivre avec ce jeune et instaurer une confiance. Dans des moments comme ça, on peut résoudre des conflits. Mais aussi devant la caméra, car elle est vraiment secondaire dans l’émission.

Pendant combien de temps suivez-vous les jeunes après votre passage dans la famille ?

Ce n’est pas quantifiable. La première émission que j’ai faite sur TF1 a un an, et j’ai toujours le jeune au téléphone. Ce sont mes petits frères et mes petites sœurs. Je ne peux pas abandonner leur vie, j’ai vécu des choses exceptionnelles avec eux. Ce n’est pas rien. Je suis demandeur aussi...

Y a-t-il beaucoup de conflits entre adolescents et parents qui ne trouvent pas d’issue ?

Nous n’avons pas encore eu ce problème dans l’émission. J’espère que ça continuera. C’est l’immersion qui fait qu’on y arrive. On arrive à gérer les situations et tout conflit peut se résoudre quand les gens ont envie de s’aider et de progresser. Le jeune accepte l’émission. Si on n’y arrive pas, on ne va pas mentir aux gens. Si le conflit est irrésolu, on l’expliquera. Mais je suis les jeunes et fais en sorte qu’ils tiennent leurs engagements. C’est pour ça que je ne joue pas sur le rapport de force. Il doit y avoir une vraie confiance.

Quelles sont les principales causes pour lesquelles les parents ne réagissent pas dans des situations délétères ?

La base, c’est la communication. Ils ne savent plus parler. Il y a souvent une communication rompue avec les parents. Il suffit d’avoir un ado difficile et un moment dramatique dans la vie des parents comme une perte d’emploi, un divorce ou un décès dans la famille. Ça décuple le problème et on n’est plus mobilisé. Il est difficile de montrer à l’ado qu’on peut toujours le comprendre. Il dira peut-être des choses que les parents ne veulent pas entendre, mais il vaut mieux avoir un dialogue plutôt que de ne pas vouloir le savoir.

« La souffrance ne se surjoue pas »

Les parents lâchent-ils prise pour les mêmes raisons qu’avant ?

La jeunesse n’a pas changé, il y a toujours eu des difficultés. Même dans l’Antiquité, on a retrouvé des textes où il était écrit que les jeunes ne respectent plus les adultes. On a toujours eu l’idée que les jeunes sont irrespectueux sauf qu’ils sont différents, et qu’on oublie des fois qui on était. Mais, par contre, le climat social a changé, et les familles avec. Le père et la mère travaillent moins de temps. Du coup, ils se sentent redevables envers les enfants et veulent tout leur donner. Ils ont envie d’être aimés donc ils vont tout accepter. C’est très grave. Il y a aussi des parents-enfants voulant vivre l’adolescence qu’ils n’ont pas pu avoir, ou qui veulent être potes pour se faire accepter. Il faut rester adulte. Dans ma posture, je ne pourrais pas attraper un ado par le col ou le traîner par terre. Mon but est de rester adulte devant un ado. Très souvent, les adultes de maintenant deviennent des adolescents.

Serait-il envisageable de revoir à l’antenne Opération Tambacounda où l’éducateur emmenait les jeunes en séjour de rupture à l’étranger ?

Tout ce qui est éducatif, bien sûr que je suis preneur. C’est une superbe expérience, je serais forcément présent. Mais, je me concentre sur mon travail d’aujourd’hui, Pascal, le grand frère est très intéressant. Je veux travailler avec ces familles qui ont besoin d’aide. Mais, si on me propose quelque chose comme ça, bien sûr car c’est un credo cohérent par rapport à ce que je fais. Il n’y a pas de souci de mon côté.