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Patrice Dominguez (Masters Paris & Londres) : « C’est le dernier coup de rein qu’il faut donner dans la saison »

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Rédacteur - Expert TV & Séries
Publié le 02/11/2013 à 13:53 Mis à jour le 06/11/2013 à 11:35

Patrice Dominguez est passé par tous les phases du tennis professionnel, d’abord joueur (numéro 1 français en 76 et 78) puis commentateur, directeur des sports ou encore consultant. Reformant son duo historique avec Jérôme de Verdière, il livre pour Toutelatele les clefs des matchs de sa vie et les enjeux des prochaines rencontres qu’il va commenter sur W9.

Clément Gauthier : Comment W9 a fait appel à vous pour commenter ces matchs de la demi-finale et des finales des Masters Paris Bercy et de Londres ?

Patrice Dominguez : C’est une histoire de plusieurs années avec M6 et Paris Première, qui a diffusé beaucoup de tennis à l’époque. Depuis trois ans, le groupe M6 a acquis les droits en clair du Masters de Paris Bercy, à la fois sur Paris Première et W9. Fabrice Clément [responsable des sports de W9, ndlr] m’a dit : « On va faire un match par jour, est-ce que tu es partant ? » Ils me l’ont proposé tout naturellement et j’ai accepté. Je suis très heureux, car c’est un très beau tournoi et il y a les meilleurs joueurs du monde.

Comment se déroule votre association avec Jérôme de Verdière ?

Comme on se connait bien donc on ne se marche jamais dessus. L’un ou l’autre peut déborder. Il peut me poser une question spécifique sur la technique ou l’importance d’un point et de la même façon je peux lui raconter une histoire qui va le faire rebondir. C’est une partie de ping-pong. Avec Jérôme, on a dû commenter 80 tournois depuis quinze ans donc on a l’habitude des joueurs que l’on commente et on se complète assez bien.

En tant qu’ex-joueur, êtes-vous plus à l’aise dans votre rôle de commentateur ?

Un ex-joueur qui a vécu des situations est à même de l’expliquer un petit peu plus de l’intérieur, sur le plan technique et sur le plan émotionnel, voire psychologique. On comprend mieux les situations du début ou de la fin d’un tournoi. Je crois beaucoup à la complémentarité et à la définition des rôles. Il faut que chacun garde sa place. C’est aux journalistes de poser le cadre et les conditions de jeu tandis que le commentateur va donner les clés du match.

« Il ne faut surtout pas surcharger le commentaire »

Présentez-vous différemment le dernier carré d’une compétition par rapport aux matchs qui le précèdent ?

Les matchs se commentent différemment s’il y a un Français ou non. Et puis, s’il y a des points à gagner pour aller aux Masters de Londres, ça créé plus de suspens. En finale, il y a toujours des grands moments comme la précédente, totalement inédite avec un joueur qui n’avait jamais gagné un tournoi de cette catégorie, David Ferrer, face à la révélation de la semaine, le polonais Jerzy Janowicz. Il y avait une connotation particulière. C’est la fin d’un tournoi, les meilleurs y participent, on met donc en valeur les joueurs autrement.

Quelles techniques de commentaire font durer le plaisir d’un tel évènement ?

Il ne faut pas tenir le téléspectateur hors d’une conversation en la rendant privée. En tennis, on parle beaucoup si le match dure trois heures. On finit par en raconter des histoires ! Il faut savoir tenir sa langue à certains moments où l’intensité du jeu suffit. Il ne faut surtout pas surcharger le commentaire.

Partie 2 > Les enjeux des Masters et ses souvenirs


En quoi ces tournois de fin de saison sont-ils importants pour les joueurs ?

C’est le dernier tournoi classique de la saison, il y a donc de gros enjeux. Les huit premiers sont les seuls à ne pas partir en vacances, car ils vont jouer le Masters de Londres. À Bercy se jouent donc les dernières places. Cette année, il y avait cinq joueurs pour trois places au début du tournoi. Ca crée un suspens très fort et entretenu par un public de connaisseurs. C’est très important pour le classement des joueurs et pour le début de la saison prochaine. La faiblesse est que certains joueurs peuvent être très fatigués ou absents. Ce n’est pas le cas cette année, tous les meilleurs sont là.

Pourquoi les Français sont si peu en verve dans le Masters de Paris Bercy ?

Certains Français ont gagné ici, sont arrivés en demi et en finale. Grosjean et Tsonga, par exemple. On a eu quelques belles surprises avec les Français. Ils jouent très bien à la maison, mais Jo-Wilfried Tsonga ne s’est pas encore remis de son genou. Il faut dompter le lieu comme l’ont fait Forget, Grosjean ou Tsonga.

À qui profite la surface « dure » de ce tournoi ?

Disons que c’est une surface « dure moyen-rapide ». Ça convient à quasiment tout le monde, peut-être un petit peu moins à Nadal qu’à un Djokovic, un Federer ou un Berdych. Il y a une dizaine d’années, elle était très rapide donc favorisait les gros serveurs. Depuis, les organisateurs ont beaucoup travaillé sur la vitesse de la surface et la texture de la balle donc le jeu s’est équilibré.

Avez-vous un pronostic pour la victoire finale ?

C’est très compliqué, car on entre avec les meilleurs. Il y a de très grands joueurs qui n’ont jamais gagné le tournoi donc ça va être intéressant comme répétition générale pour le Masters de Londres. C’est le dernier coup de rein qu’il faut donner dans la saison.

« Il faut dompter le lieu comme l’ont fait Forget, Grosjean ou Tsonga »

Comment voyez-vous l’évolution du tennis professionnel depuis l’époque où vous étiez simple joueur ?

Le tennis s’est considérablement organisé, structuré et codifié. Certains lui reprochent, car il est très aseptisé. La difficulté laisse peu de place à l’expression des caractères ou des sentiments sur le terrain. Sitôt le point terminé, il faut être dans le suivant donc hyper concentré et avoir un coup d’avance dans l’engagement. Le jeu reste très spectaculaire. On voit qu’il y a une évolution formidable dans l’engagement physique, dans la violence des coups, l’explosivité et surtout la précision à grande vitesse.

Quel souvenir de tennis reste mémorable pour vous ?

Je crois que le match qui m’a le plus marqué restera indiscutablement, celui entre Michael Chang et Ivan Lendl [Roland Garros de 1989, ndlr]. C’était David contre Goliath et il y avait des événements en Chine avec tout un contexte historique. Le match a eu de multiples rebondissements avec les services à la cuillère, les doubles fautes de Lendl qui se pensait dingue alors qu’il était le meilleur joueur du monde. Ce match énorme en terme d’histoire et de légende, je l’avais commenté pour France Télévisions. C’est comme la finale entre Björn Borg et John McEnroe que j’avais commenté à la radio à l’époque.