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Patrick Sébastien (2/2)

Tony Cotte
Publié le 09/06/2006 à 02:39 Mis à jour le 04/05/2011 à 15:25

Véritable bateleur depuis plus de 20 ans, Patrick Sébastien continue de divertir les téléspectateurs de France 2 avec Le Plus grand cabaret du monde, l’émission phare des samedis soirs de la chaîne. Fort de la confiance du public, il sera également à l’antenne tout l’été avec La télé de Sébastien. Mais Patrick Sébastien n’est pas qu’un simple animateur, il aime la liberté et s’exprime à travers différents moyens comme la scène, la chanson, le cinéma (T’aime) et l’écriture de livres. Le dernier en date, Putain d’audience, sous forme d’autobiographie, met en exergue les dessous de la télévision et de l’homme... sans langue de bois.

Tony Cotte : Si on vous permettait de refaire une émission de votre carrière, laquelle referiez vous sans hésitation ?

Patrick Sébastien : Osons ! Il n’y a pas photo ! C’est celle qui m’a attiré le plus d’emmerdements. Mais tout cela est paradoxal. Je remarque que lorsque l’on se donne énormément de mal, comme avec De l’autre côté du miroir, c’est là où l’audience est la moins bonne. On se demande s’il ne faut pas bosser au minimum pour que ça marche (rires).

Tony Cotte : Mais Osons n’était pourtant pas un échec en terme d’audience...

Patrick Sébastien : Oui, mais ça m’a valu plein d’emmerdements. Nous sommes dans une société aseptisée. J’ai eu 20 ans dans les années 70. On a connu le vrai bonheur. Il n’y avait pas d’interdit. Je n’en suis pas mort pour autant. Je suis en pleine santé. Aujourd’hui, on nous rend accros aux portables et à l’internet. C’est une société qui ne me plaît pas. Je suis pour un monde libre. Mais j’aime la télévision ! Je ne veux simplement pas faire de concessions à mon âge. Je m’amuse aujourd’hui. Tant que j’ai ma petite place, je reste.

Tony Cotte : On se souvient encore très bien des divertissements d’hier (Farandole, Carnaval, ...). Ce type d’émissions est-il, à votre avis, totalement révolu ?

Patrick Sébastien : Je pense que la moyenne a baissé. Les gens parlent avec nostalgie des Carpentier. Si on les mettait à l’antenne aujourd’hui, ils ne feraient que 15% d’audience. Il y a eu de nombreuses portes de sortie au fil des années, responsables de cet essoufflement. L’ascension de M6 et du câble grignotent beaucoup.

Tony Cotte : Retrouvez-vous l’esprit de vos premières émissions lorsque vous faîtes La télé de Sébastien ?

Patrick Sébastien : Non ! La télé de Sébastien n’est qu’un gadget. C’est de la nostalgie entre copains qui regardent des diapos. D’ailleurs, nous sommes actuellement en train de tourner les numéros de cet été.

Tony Cotte : Pourriez-vous travailler pour une chaîne du câble et satellite ?

Patrick Sébastien : Pourquoi pas ? Je regarde souvent Télé Mélody. J’ai une grande nostalgie des années 70. Si France 2 est privatisée, ce qui est fort possible, et avec des patrons qui ont le sens de l’humain, je pourrais y travailler. Peut-être qu’une chaîne judiciaire sera intéressée un jour par Intime Conviction. Aujourd’hui, il est certain que jamais je ne pourrais être sur une chaîne privée qui me traite de merde le jour où je fais moins de 20%. Pour TF1, c’est hors de question, quant à M6, ils ont décidé que la société s’arrêtait à 18 ans (rires).


Tony Cotte : La télévision, la presse, les élites et les hommes politiques ne sont pas épargnés dans votre livre. Vous dîtes que Nicolas Sarkozy vous aurait expliqué comment arriver au pouvoir à n’importe quel prix. Pourtant, vous refusez de retranscrire ses propos par crainte d’un procès. Dans ce cas, pourquoi en parler ?

Patrick Sébastien : Je ne suis pas une balance. On me demande de justifier pourquoi je ne suis pas pour cet homme. Je ne lui souhaite pas de mal. Parmi les hommes politiques qui ont de l’ambition, je sais que celui-là en a plus que les autres. Je lisais un article de Claude Allègre où il disait que Segolène Royal et Sarkozy étaient le symbole des apparences. Il n’a pas tort. Il y a quand même un pays à diriger derrière ! C’est bien beau de faire de la pub et de la représentation. Il y a une grande différence entre les mecs qui montent les marches à Cannes et ceux qui font les films.

Tony Cotte : Le fait de dire à plusieurs reprises dans votre ouvrage qu’« en cas d’élection future de Sarkozy à la présidence (...) j’ai intérêt à courir vite » c’est aussi un bouclier en soi ...

Patrick Sébastien : Eventuellement, ça peut l’être. Je pense que ça ne s’arrêtera pas là. Mais je ne déteste pas cet homme. Ce n’est simplement pas celui que je veux. Le problème est que les autres ne sont pas terribles. Je suis au contact de ceux qui viennent d’en bas, les « vrais gens ». Je suis symbolique de ça. Ca fait vingt années que l’on me crache sur la gueule car je suis proche des campings. A travers moi, il y a un mépris total de tous ces gens normaux. Manque de bol, ce sont les électeurs.

Tony Cotte : On se souvient de l’époque où vous étiez le roi du samedi soir, Sabatier le roi du vendredi, Foucault celui du mercredi et Drucker du lundi. Avec le recul, que pensez-vous de cette période ?

Patrick Sébastien : Cela fait vingt ans que je suis à l’antenne le samedi soir. Sébastien c’est fou ! faisait environ 12 millions de fidèles en moyenne. Alors quand aujourd’hui, les jeunes chantent devant 3.4 millions de personnes, ça m’amuse (rires). L’esprit n’est plus le même. Mais j’aime encore certaines choses dans la télévision actuelle. Ce sont simplement les intérêts économiques qui me rebutent. Le problème est identique dans le sport.

Tony Cotte : Vous avez fait partie de la charrette Berlusconi sur la 5. L’argent était votre seule motivation ?

Patrick Sébastien : Celui qui prétend que l’argent n’y était pour rien est un menteur. Il faut savoir que nous étions exploités. Avant l’arrivée de Berlusconi, on ne savait pas ce qu’était produire une émission. Personne ne nous avait expliqué que nous étions payés 10 000 balles pour deux mois pendant que la chaîne récupérait un milliard. Berlusconi est à l’origine de tout ce qui se passe aujourd’hui. Il a été comme le tapin qui dirait qu’il est possible de travailler sans proxénète. Il nous a proposé énormément d’argent pour créer ce que l’on voulait ! Nous étions libres. Qui aurait pu refuser une telle proposition ?


Tony Cotte : Quand vous n’avez pas fait d’audience comme tous les autres pour les raisons que l’on connait aujourd’hui, Robert Hersant (ex-PDG de La 5) vous aurait convoqué en vous disant « ce que tu fais c’est de la merde ». Info ou intox ?

Patrick Sébastien : C’est de la connerie. Je n’ai jamais rencontré cet homme sauf peut-être pour lui serrer la main ! Il a convoqué mon impresario. Il lui a effectivement dit que c’était de la merde car à la première émission nous avons fait 5%. Ce qu’il ignorait, c’est que les autres animateurs ont fait moins. Comme j’étais le premier à être au feu, c’est moi qui ai pris. Le lendemain, Sabatier a fait 3%. Ils ont vite compris que ce n’était pas moi qu’il fallait remettre en question mais la chaîne.

Tony Cotte : Quand vous regardez Cauet aujourd’hui, vous voyez-vous 20 ans en arrière ?

Patrick Sébastien : Pas seulement 20 ans en arrière ! Je suis très ami avec lui. C’est quelqu’un qui me correspond. On se connaît bien, on mange ensemble de temps en temps. Pourtant, il travaille sur TF1 !

Tony Cotte : Si vous deviez avoir un héritier, ce serait lui ?

Patrick Sébastien : Ce garçon est sain et intègre, il ne vendra pas son âme. Des hommes comme lui, il n’y en a plus beaucoup. Il est dans le système, il en profite et ça marche. Il fera des faux pas, comme tout le monde, mais c’est un bon mec. Il en faudrait sept ou huit comme lui.

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