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Patrick Sébastien (1/2)

Tony Cotte
Publié le 09/06/2006 à 02:39 Mis à jour le 04/05/2011 à 15:24

Véritable bateleur depuis plus de 20 ans, Patrick Sébastien continue de divertir les téléspectateurs de France 2 avec Le Plus grand cabaret du monde, l’émission phare des samedis soirs de la chaîne. Fort de la confiance du public, il sera également à l’antenne tout l’été avec La télé de Sébastien. Mais Patrick Sébastien n’est pas qu’un simple animateur, il aime la liberté et s’exprime à travers moyens comme la scène, la chanson, le cinéma (T’aime) et l’écriture de livres. Le dernier en date, Putain d’audience, sous forme d’autobiographie, met en exergue les dessous de la télévision et de l’homme... sans langue de bois.

Tony Cotte : Cela va faire deux semaines que votre ouvrage, Putain d’Audience, est disponible, les premiers retours sont plutôt bons. Vous devez être satisfait ?

Patrick Sébastien : Je suis satisfait de l’avoir écrit (rires). Je ne compte pas encore les ventes. Je ne suis pas un accro des chiffres, mais je serai content pour mon éditeur (Florent Massot, ndlr). Il a pris beaucoup de risques.

Tony Cotte : Avez-vous eu des premiers retours de bâton de la part des gens dont vous faîtes un portrait peu élogieux ?

Patrick Sébastien : J’ai eu des petits mots de la part des copains. Mais il n’y avait rien de méchant. Je n’ai eu aucun retour de la part de ceux à qui je m’attaque violemment, à savoir TF1 et Sarkozy.

Tony Cotte : Dans votre livre, vous dénoncez la politique de l’Audimat, pourtant dans une interview accordée à « 20 minutes » vous affirmez qu’ « il est normal que Patrick de Carolis ait demandé à certains qui n’atteignaient pas les 15% de part de marché de revoir leurs contrats à la baisse »...

Patrick Sébastien : Je n’accuse pas l’audimat. C’est une notion plutôt juste. La chose à laquelle je m’attaque c’est l’audimat à n’importe quel prix. C’est à dire au prix de la dignité des gens. Humainement, on ne peut pas faire n’importe quoi. Certes, la télévision est faite pour que le public la regarde sinon autant la faire chez soi. Je serai content de faire encore plus d’audience sauf que je ne ferai pas n’importe quoi pour cela. Dans cette course à l’argent, il n’y a pas que TF1, M6 la pratique également.

Tony Cotte : Que pensez-vous de la stratégie de Patrick de Carolis pour l’avenir des chaînes du service publique ?

Patrick Sébastien : C’est très bien qu’il souhaite changer les choses. Mais honnêtement, j’attends de voir ce que cela va donner. J’ai un contrat qui est signé pour deux ans. Je vais regarder en retrait et ne pas faire de vague. A ce jour, je ne vois pas trop où il veut en venir. Ca me gênerait beaucoup qu’il tombe dans le syndrome RTL. A l’époque, ils avaient viré Bouvard et gardé que des jeunes pour attirer la cible des moins de 25 ans. On en sera forcément victime un jour. Mais sa stratégie peut être une bonne chose pour nettoyer certains abus. La moyenne du Plus grand cabaret du monde est aux alentours de 30% de part de marché. C’est bien plus que la moyenne de la chaîne. Et quand je tombe à 19% on me dit que c’est un bide. Pourtant, certains se permettent de faire ce score pendant des années...

Tony Cotte : Qui visez-vous plus particulièrement ?

Patrick Sébastien : Ce n’est un secret pour personne mais une émission comme Envoyé Spécial fait 19% depuis des lustres. C’est de l’information alors ce n’est pas pareil. Quand on regarde les chiffres de France 2, c’est rare que la part d’audience atteigne les 25%. J’ai un contrat avec une clause fixée à 23% pour être renouvelé au bout d’une année. C’est un score très difficile à réaliser sans tomber dans le racolage. Si je veux vraiment en faire je peux. Ce n’est tout simplement pas mon combat.


Tony Cotte : En cette période de mercato, vous sentez-vous en sécurité ?

Patrick Sébastien : Il peut m’arriver n’importe quoi ! Je n’ai eu la lettre de confirmation de mon contrat qu’aujourd’hui. J’ai plutôt eu chaud aux fesses (rires). Je regrette que Thierry (Ardisson, ndlr) parte mais tout ça n’est que la surface. Il y avait des intérêts financiers entre lui et France 2. Tout est basé sur l’économique et non sur l’artistique. Quand il se vante de réaliser 27% de part de marché, c’est à 2 heures du matin ! Il ne faut pas exagérer avec ces petites filouteries. S’il était en prime-time, il ferait 20% comme tout le monde. J’ai deux émissions sur une vingtaine diffusées qui sont descendues en dessous de cette barre. Je ne pense pas que ce soit négatif pour la chaîne. L’argent qu’ils me donnent se voit à l’image. Pour Intime Conviction, ma boîte n’a quasiment rien touché. Nous étions partis pour faire un 52 minutes et nous avons réalisé 1h30 par conscience. On a construit un décor de tribunal, payé des acteurs et tourné en extérieur. Je ne suis pas un escroc. Et si mes émissions ne marchent pas je ne vais pas me cacher derrière mon contrat. Je vais me casser le cul pour trouver autre chose. Je respecte à la fois mes patrons et le public.

Tony Cotte : Allez-vous vous battre pour que les deux autres numéros tournés d’Intime Conviction soient diffusés ?

Patrick Sébastien : Ils le seront. C’est prévu. On pourrait le proposer en deuxième partie de soirée, mais c’est trop cher pour cette case horaire. Et puis l’audience n’a pas été non plus catastrophique. Les courbes ont montré que personne n’a déserté l’émission. Après, c’est normal que l’on demande d’arrêter si je n’atteins pas les objectifs. Ca n’a pas encore été le cas. La chaîne est déçue tout comme mon équipe et moi-même. Mais ce qui est bien avec France 2, c’est qu’il y a de la place pour le dialogue. Peut-être que le public ne veut pas me voir dans ce registre ? Le rythme est plus lent et demande réflexion. Je ne me taperai plus la somme de travail colossale que nous avons eu pour un tel résultat. Même si France 2 souhaite continuer l’émission je ne sais pas si j’en aurais la force. Le succès nous aurait encouragé. Nous sommes fiers de ce que nous avons réalisé. Mais ce n’est tout simplement pas dans l’air du temps. Les gens préfèrent le Maillon Faible. Que voulez-vous ! Je vais poursuivre mon contrat du mieux que je peux. Mais je pense que le Cabaret va s’essouffler. C’est normal au bout de huit ans...

Tony Cotte : Pourquoi ne pas arrêter le Cabaret avant que l’audience ne s’amenuise ?

Patrick Sébastien : Je pense que l’année prochaine l’émission tournera autour des 25/26% de part de marché. C’est encore beaucoup pour la chaîne sur laquelle je suis. Mais si demain je tombe aux alentours des 2 millions de téléspectateurs, j’arrête !

Tony Cotte : Il n’y a pas de raisons !

Patrick Sébastien : Il y a l’usure. Et si, pour des raisons économiques, les boîtiers Mediamat sont placés davantage chez les jeunes, il est évident que certains programmes vont prendre du plomb dans l’aile. Nous sommes dans un système purement commercial. Je soupçonne que cela se fait dans le but de vendre de la pub. Peut-être s’apercevront-ils que d’ici dix ans il y aura plus de gens de plus de 50 ans que des moins de 20 ans ? Il n’est pas exclu que le mouvement s’inverse. A ce moment-là, nous serons des cadors (rires). Je suis en bout de parcours. Je me suis bien amusé. Je vais passer mes deux prochaines années à réfléchir à ce que je vais faire après. Une chose est sûre : je ne vais plus me battre. Il faut se rendre compte que personne n’est indispensable. Ardisson va partir, au bout de six mois tout le monde l’aura oublié. Ca restera une aimable nostalgie.


Tony Cotte : Dans l’émission Lignes de mire en 1997, vous avez confié que vous aviez en tête un film qui s’appellerait « Putain d’audience »...

Patrick Sébastien : Justement, c’était le livre ! Pour le cinéma, ce sont les chaînes de télévision qui financent. A qui aurais-je pu demander le pognon ? On a essayé de le monter mais personne n’a voulu investir. C’est comme si vous vouliez faire un film qui dénonce les banques. A qui demanderiez-vous l’argent ? Le scénario était même écrit. Jean-François Lepetit (producteur de 3 hommes et un couffin, ndlr) a même essayé de se battre... en vain !

Tony Cotte : Pour ce film, vous auriez pensé à quel acteur pour tenir votre rôle ?

Patrick Sébastien : Ce n’était pas mon rôle. L’histoire n’était pas autobiographique. Mais pour tenir le rôle du patron de la grosse chaîne, parodie de TF1, il était question de Jean-François Balmer. Il a le cynisme pour interpréter un tel personnage. Entre temps, nous avons fait un autre film qui n’a pas marché (T’aime, ndlr). Mais je suis un saltimbanque, mon parcours est fait d’échecs et de réussites. Je ne m’attarde pas plus sur un succès que sur un flop. Mes disques de gaudriole fonctionnent. Je vends 200 000 albums à chaque fois. Je ne suis pas plus fier de ça que de mon film. Ma carrière est faite de hauts et de bas. Quand je suis en haut j’en profite. Une fois en bas, je ne me décourage pas. En aucun cas, je vais me plier à des intérêts économiques. Je suis content de gagner de l’argent mais, à la différence des autres de mon niveau, je ne souhaite pas en avoir plus.

Tony Cotte : Vous n’avez pas la folie des grandeurs ?

Patrick Sébastien : Je ne cherche pas à bouffer la planète. J’ai déjà des choses grandes. C’est un miracle ce que j’ai réussi à avoir. La vie c’est avant tout du plaisir. Si tu dois passer plus de temps à gagner ton blé qu’à le dépenser, je ne vois pas l’intérêt.

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