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Pierre-Jean Chalençon (Affaire conclue) : « Julien Cohen a tendance à nous pousser dans nos limites... »

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Rédacteur - Expert TV
Publié le 21/11/2018 à 15:21

Ce mercredi 21 novembre à 16h15, France 2 proposera deux nouveaux numéros d’Affaire conclue : tout le monde a quelque chose à vendre. Pierre-Jean Chalençon se confie sur sa participation au magazine de brocante. Il évoque également le succès sans cesse grandissant de l’émission et ses projets.

Benoît Mandin : Comment êtes-vous arrivé dans Affaire conclue ?

Pierre-Jean Chalençon : J’avais fait Vos objets ont une histoire il y a trois ans avec Charlotte de Turckheim sur France 2. Jean-Louis Blot (producteur d’Affaire conclue, ndlr) était à l’époque le président de BBC France. Quand il y a eu le projet Affaire conclue il y a deux ans, il m’a demandé si ça pourrait amuser d’être non pas expert, mais acheteur. Je me suis laissé convaincre.

Avez-vous eu des appréhensions face à une programmation en fin d’après-midi, case sinistrée pour France 2 depuis de nombreuses années ?

Oui, on avait eu une mauvaise aventure avec Vos objets ont une histoire qui était diffusée le samedi en fin d’après-midi. C’était une très belle émission, mais c’était impossible qu’elle marche puisqu’on était décalés toutes les semaines. Il y avait le rugby, le football… Au départ, Affaire conclue devait se faire avec Stéphane Bern. On a commencé à 5% et on est aujourd’hui quasiment à 20% ! Les scores sont considérables même sur des rediffusions où on bat les autres chaînes. Les primes ont aussi bien marché avec des budgets très modestes par rapport aux autres premières parties de soirées de TF1 et France 2. Pour une jeune émission, c’est extraordinaire. On a une clientèle qui va de 5 à 99 ans. Les gens regardent Affaire conclue en famille.

Affaire conclue est adaptée d’un format allemand à succès. Le connaissiez-vous ?

On me l’a montré au moment du projet de l’émission. Le format a été considérablement transformé. En Allemagne, ça se passe dans une sorte d’hangar avec des experts « pas très glamour ». Les acheteurs encore moins et mon personnage n’existe pas. Je me suis dit qu’il fallait mettre ça à la sauce française. On s’est un peu cherchés, puis ça a rapidement matché entre les acheteurs, les experts et Sophie Davant. Affaire conclue est aussi une émission de copains. On se voit en dehors des tournages, il y a une vraie amitié et je pense que ça se ressent à l’antenne.

Selon vous, quelle clé la France a su apporter pour contribuer au succès d’Affaire conclue ?

Une touche de glamour et d’humour. En Allemagne, on ne peut clairement pas dire que c’est à tordre de rire. On se fait des blagues, on rigole, on chante… Je suis un peu l’élément perturbateur de la bande. Je suis naturel, j’ai toujours été comme ça. Si j’ai envie de chanter, de danser ou de faire une imitation, je le fais. Je tiens avant tout à parler de culture. Je pense que c’est aussi une grande partie du succès de l’émission. Les téléspectateurs ne voient pas seulement des gens achetés des cocottes minute et des objets à 500 ou 600 euros.

« Sophie Davant a un côté dynamisant, apaisant et candide »

Comment définiriez-vous votre rôle ?

Je donne envie à des gens de connaître l’Histoire de France à travers des anecdotes. Je peux aussi bien parler de Jacques Chirac, François Mitterrand, Charles Trénet, Napoléon ou Louis XIV. J’ai une double casquette dans Affaire conclue. Je suis un peu comme avec Stéphane Bern. Lui, il s’occupe des rois et des reines, et moi, des après-midis.

Comment appréhendez-vous l’Histoire à la télévision ?

Pour faire de l’Histoire, il suffit juste d’être passionné. On n’a pas besoin de dépenser des centaines de milliers d’euros pour faire un show. Mes premières émissions sur France 2 ou TF1, je les ai faites il y a vingt ans. J’ai fait le 20 heures, le 13 heures et je suis connu à l’étranger. Je viens d’exposer une partie de ma collection à Shanghai et aux États-Unis. Il ne faut pas sortir de Sciences Po ou avoir fait des hautes études pour comprendre ce que je raconte. On peut faire rire les gens tout en restant populaire. Je ne suis pas professeur d’histoire, mais je transmets à des enfants à qui on donne de moins en moins de culture générale. Sophie Davant a pris à bras le corps Affaire conclue. Elle a un côté dynamisant, apaisant et candide, tout en ayant un œil frais sur les objets. Parfois dans des émissions historiques, ils en ont font un peu de trop, mais là rien n’est surjoué.

Pourquoi Stéphane Bern a-t-il jeté l’éponge à l’issue du pilote ?

Cela ne lui plaisait pas trop. Il fait du patrimoine depuis très longtemps et avait envie de passer à autre chose. Avec Stéphane Bern, on se connait depuis trente ans. J’ai fait de nombreux numéros de Secrets d’histoire avec lui. J’ai été triste, car Affaire conclue aurait été la possibilité de travailler ensemble. Il ne croyait pas à l’émission. Après le refus de Stéphane Bern, France 2 avait encore envie de faire l’émission. Un an et demi plus tard, on casse la baraque. La Belgique et la Suisse regardent Affaire conclue, l’Israël, les pays du Maghreb et le Canada aussi. Les taux d’audience mesurés sont une moyenne, mais on est encore plus haut. C’est le succès de ces dix ou quinze dernières années pour France Télévisions. L’émission ne coûte pas très cher, on n’est pas « en studio » et il n’y a pas de public. On n’aurait jamais pu voir Affaire conclue sur TF1 et M6. Les gens ont envie d’art, d’histoire et de culture. Les brocantes font actuellement un tabac en France.

Comment définiriez-vous votre spécificité ?

Je ne suis pas brocanteur et marchand. Je suis spécialiste de Napoléon et j’ai toujours acheté des objets d’art. À l’instar de mes collègues acheteurs, je ne revends rien. Quand j’achète, c’est pour moi, pour garder ou pour faire des cadeaux. D’ailleurs, ça commence à devenir encombrer chez moi (rires). J’essaye maintenant de restreindre les objets volumineux. Je suis un amoureux de l’objet et de l’histoire que j’essaye de véhiculer.

« Vu que nous sommes à l’antenne et face aux gens, on est clairement plus généreux »

Quelle stratégie mettez-vous en place pour remporter les enchères ?

Il n’y a pas d’arrangement entre nous donc c’est à celui qui mettra l’enchère la plus haute. Je possède une case sympathie assez importante et on l’a bien vu avec le Rodin le mardi 6 novembre. Julien Cohen a proposé 7.500 euros et moi j’ai dit stop à 7.100. Le vendeur a préféré faire une « Affaire conclue » avec moi. Vu qu’ils savent que je ne fais d’argent sur les objets, certains préfèrent me les vendre. Chaque semaine, je reçois d’incroyables cadeaux chez moi de la part du public. Comme je ne revends pas, je fais aussi attention à mon argent.

Vous détenez la vente record de l’histoire d’Affaire conclue…

Sans me vanter, j’ai acheté quasiment tous les plus beaux objets de l’émission. Je suis quand même un des plus grands collectionneurs au monde de Napoléon et j’ai acheté des objets exceptionnels tout au long de ma vie. J’ai un œil assez féroce. Quand je vois passer un objet d’exception, je ne le loupe rarement. C’est ma force et ma chance face aux autres acheteurs. J’ai des choses qui valent beaucoup plus que ce qui peut être présenté dans Affaire conclue. Je suis un spécialiste de haut niveau, je sais comment acheter. Pour le Rodin, j’ai été très ému du geste du vendeur. Il y a en a pour dix euros, ils vendraient leur mère ou grand-mère…

Anne-Catherine Verwaerde a récemment confié que les acheteurs n’avaient « pas tous les mêmes moyens ». Vous fixez-vous des limites ?

Je ne veux pas surpayer des objets même si la plupart du temps ils le sont. Je me suis fait souvent engueuler par des brocanteurs ou des gens du marché de l’art. Vu que nous sommes à l’antenne et face aux gens, on est clairement plus généreux. Si un objet vaut 50, vous le payez 80 et que vous le revendez 130 euros, c’est la même chose que ça soit pour Anne-Catherine Verwaerde ou Julien Cohen. J’ai déjà un budget très limité et il y a des émissions où je n’achète pas. Je suis le personnage le plus handicapé de l’équipe, car je ne suis pas marchand. On tourne deux à trois jours par semaine, j’ai abandonné une partie de mes activités donc, financièrement c’est un handicap. Même si je suis connu, ça ne paye pas les impôts et les restaurants.

Votre capital sympathie et proche du public est-il la clé de votre ascension dans Affaire conclue ?

Avec Stéphane Bern, on a un fort capital sympathie auprès du public. Des gens préféreraient donner quelque chose à Stéphane Bern plutôt qu’à certains autres, car ils savent que ça va être mis en avant. C’est énorme pour un vendeur de se dire que je ne fais pas d’argent sur son dos. Je suis réputé pour payer de manière généreuse les enchères et j’offre beaucoup de cadeaux. Quand des people viennent dans l’émission, j’essaye d’acheter à chaque fois pour les associations. J’ai un côté bon samaritain et je suis comme ça dans la vie. J’ai connu des personnages de télé qui n’étaient pas les mêmes dans la vie. Ils étaient odieux dans la vie privée et absolument charmants sur les plateaux. J’ai dit que ma collection j’en ferais don à l’État ou je créerais une fondation. En rencontrant le public dans la rue, j’ai l’impression d’être le chouchou d’Affaire conclue. Avec Julien Cohen, on est les deux piliers de l’émission. Si demain, je quitte Affaire conclue, elle n’aurait plus le même attrait.

« Tout est vrai dans Affaire conclue, rien n’est maquillé »

Les enchères amènent parfois des tensions entre les acheteurs. Comment le gérez-vous ?

Des fois, je me dis que comme je ne compte pas le revendre, je vais faire une enchère de plus. Les autres acheteurs sont obligés d’avoir une marge pour compenser leurs frais. Je ne suis pas si perdant que ça. Julien Cohen a tendance à nous pousser dans nos limites, mais c’est le jeu. C’est plutôt sympathique et le public apprécie. Si on s’arrangeait dès le départ, ce serait horrible.

Au printemps, Alain Laugier a quitté Affaire conclue. Comment l’avez-vous vécu ?

J’ai vraiment été très triste. J’aime beaucoup Alain Laugier, c’est un garçon avec qui j’ai toujours eu de bons rapports. La télévision peut faire perdre la tête à des gens et je pense qu’à un moment il a pas su gérer sa soudaine notoriété. Dans la vie, il y a un premier, un deuxième, un troisième. Malheureusement, ce n’était pas lui le premier ou le deuxième. Si ça avait été le cas, la production l’aurait gardé. C’est lui qui est parti et je trouve ça dommage. Quand il me l’a annoncé, j’ai été choqué. Toute l’équipe d’Affaire conclue a été chagrinée par son départ. C’est plus facile d’aborder le fait d’être connu quand on est jeune. C’est comme les pauvres êtres de la télé-réalité qui n’ont pas trop de cervelle et sont connus du jour au lendemain. Une fois qu’ils sont lâchés par la production, ils pètent un câble et on entend plus parler d’eux.

Affaire conclue enchaîne les records d’audience historiques. Comment l’expliquez-vous ?

Entre acheteurs, experts et vendeurs, la mayonnaise a bien monté. L’émission est d’un principe de simplicité publique. Elle est tellement simple que personne n’y croyait au départ. On paye avec notre argent et ce sont de vraies personnes qui apportent les objets. Tout est vrai dans Affaire conclue, rien n’est maquillé. C’est une émission où on apprend plein de choses et c’est aussi le cas pour moi. Elle est populaire et séduit toute la famille. Avant, les gamins voulaient jouer à la marchande, maintenant c’est à Affaire conclue ! Il y a tellement d’émissions malsaines : Les Marseillais, Les Anges… C’est de la poubelle de télévision. Même sur une grande chaîne comme TF1, c’est nivellement par le bas. Les gens en avaient peut-être marre de tous ça à la télévision. On leur sert quelque chose de sain et intelligent. Je ne dis pas que je ferais ça toute ma vie, mais c’est un réel plaisir de faire partie d’Affaire conclue. Cependant, j’ai un tas de projets : exposition en Chine, je loue le Palais Vivienne parce que ce n’est pas France Télévisions qui me fait gagner ma vie…

« Les téléspectateurs se lassent même des meilleurs »

Affaire conclue occupe une large partie de la grille de France 2 à travers des rediffusions. N’avez-vous peur d’une lassitude du public ?

Je suis entièrement de votre avis. Je trouve que dès fois la chaîne en fait un peu trop… Stéphane Bern, on l’a vu beaucoup à un moment où tout marchait et puis, depuis quelque temps, ses émissions sont moins performantes qu’avant. Les téléspectateurs se lassent même des meilleurs. Je pense que France 2 doit faire attention, car le public n’apprécie pas qu’il y ait trop de rediffusions. J’espère qu’ils font le bon choix et que ça ne lassera pas les gens. Dans Affaire conclue, c’est des objets différents tous les jours donc ça varie fortement. L’émission évolue puisqu’il y a sans cesse des nouveaux acheteurs et commissaires priseurs.

Pourrait-on imaginer Pierre-Jean Chalençon à la tête de sa propre émission ?

J’aimerais beaucoup et j’y pense de plus en plus. Je ne dis pas que je lâcherais Affaire conclue, mais je cherche éventuellement à faire autre chose. Je souhaiterais que ça soit entre la culture, la connaissance et l’histoire. Ce serait bien que l’on pense à moi pour me proposer des projets d’émission. Je me sens tout à fait capable d’animer un programme, car j’ai déjà fait beaucoup de radios et j’ai été l’invité de nombreux talk-shows à l’étranger. J’aimerais bien travailler avec Thierry Ardisson et même la Warner. On m’a proposé des pièces de théâtre donc pourquoi pas une émission.

Quid de Cyril Hanouna ?

J’ai de très bons rapports avec les gens de C8. J’aime beaucoup Cyril Hanouna qui nous a très gentiment reçus dans Touche pas à mon poste. A chaque fois, il parle d’Affaire conclue avec le plus grand bien. Si c’est une émission culturelle et pédagogique, je n’ai rien contre aucune chaîne de télévision. Je serais même ravi de travailler avec TF1, car la culture est ce qu’il leur manque aujourd’hui. Mais si je devais avoir une émission, ce ne serait pas en tant que chroniqueur.