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Stéphane Gendarme (Directeur de l’information de M6) : « On n’insiste pas assez sur le fait qu’on nous copie »

Publié le 28/11/2017 à 18:44

Après un été record, cette rentrée s’est annoncée sous les meilleurs auspices pour les JT de M6. Nouvel écran de 55 m², la réalité augmentée et la 3D améliorée, la chaine a donné le tempo en révolutionnant les codes de la grand messe. Stéphane Gendarme, directeur de l’information du groupe, revient sur ces succès tout en répondant à certaines critiques…

Toutelatele : Les JT de M6 ont enchainé les records d’audience ces derniers mois avec un été particulièrement porteur pour le 12.45 qui a réalisé ses meilleures performances depuis sa création. Comment l’expliquez-vous ?

Stéphane Gendarme : C’est une bonne période, on est content de ces performances. Cet été, nous avons changé pas mal de choses en essayant de mettre la technologie au service de l’information. On a poussé le curseur plus loin en ajoutant encore plus de réalité augmentée, des mouvements de caméras et de réalisation différents. On essaye toujours d’avoir un coup d’avance. « Un JT en avance sur son temps » comme le disait notre slogan il y a quatre ou cinq ans.

Pensez-vous que seule la réalité augmentée suffit à faire croître votre audience ?

Très honnêtement, c’est un tout. Le public voit aussi le modernisme de nos JT. Après il faut être très vigilant, car un jour vous êtes moderne et le lendemain vous pouvez être vieux. Il faut donc aller vite et adapter les JT à la façon dont la société a envie de voir l’info.

Est-ce à dire que les JT concurrents ne sont plus dans l’air du temps ?

Pour moi, la grand messe c’est terminé, et ce n’est pas un jugement de valeur sur nos concurrents qui font de très bons JT. Aujourd’hui, sans avoir la science infuse, on voit que tout va beaucoup plus vite. Il faut faire un journal plus court, avec des sujets plus rythmés, une écriture différente… Avec ça, vous êtes plus dans l’air du temps qu’un grand messe avec des parties magazine. C’est mon avis… Je pense que le téléspectateur voit que c’est moderne, que c’est plus court, tout en ayant l’info qu’il voit ailleurs. Cette rumeur qui dit que M6 ne fait pas d’étranger ou de politique, c’est complètement faux ! On est sur tous les terrains étrangers quand ils se passent quelque chose… On est présent sur place. Pareil pour la politique où les quatre grands candidats à la présidentielle sont venus chez nous. Ces clichés, c’est n’importe quoi !

Où allez-vous chercher ces nouvelles technologies qui ont toujours un temps d’avance ?

Notre ADN est d’aller chercher ce que vous ne voyez pas ailleurs. Bouger, être différent… On fait partie avec TF1 et France 2 des vrais journaux. Ce côté outsider, dans l’esprit des gens, nous pousse à aller plus loin. Oui peut-être que nous sommes plus modernes, que nous respirons un peu plus l’air du temps... Pour la réalité augmentée, nous avons été les premiers à le faire au quotidien. Certes, on ne fait pas atterrir un A380 sur le plateau bien sûr, car c’est trop difficile. Mais on ne s’est pas trompé. On va chercher de la technologie au service de l’info.

« On essaye toujours d’avoir un coup d’avance »

Que dire de certains concurrents estimant que cette réalité augmentée n’est que de la « fioriture » ?

Quand nous mettons un de nos présentateurs à côté de la réalité augmentée, il se retrouve à l’arrière, ce n’est pas de la fioriture. Nous faisons passer l’info avant toute chose. On ne la fait pas apparaitre dans une petite fenêtre ! La réalité augmentée passe avant le présentateur sur le plan visuel. Alors qu’ailleurs, l’information est bien souvent derrière le présentateur…

Le présentateur debout, les rubriques, la réalité augmentée… M6 a mis en place bon nombre de codes pour ses JT, qui sont désormais repris ailleurs. Quelle analyse en faites-vous ?

On essaye d’être en avance technologiquement encore une fois. Les autres le font, donc on se dit qu’on ne s’est pas trompé. C’est comme le « expliquez-nous », qu’on a lancé il y a maintenant neuf ans, personne ne le faisait, et depuis les autres se sont mis à le faire à l’identique… Même chose lorsqu’on a lancé le présentateur debout… On n’insiste pas assez sur le fait qu’on nous copie. Mais tant mieux, cela veut dire qu’on ne se trompe pas ! Dernièrement, j’ai lu que « Anne-Sophie Lapix était debout… comme sur France 24 ». Franchement, j’ai souri, cela fait juste neuf ans qu’on le fait (rires). Après c’est peut-être aussi à nous de montrer un peu plus ce qu’on sait faire… En mai, il a été annoncé que « pour la première fois », une chaine a fait apparaitre le président élu en hologramme. On l’a fait il y a cinq ans pour l’élection de François Hollande… Certes, honnêtement, il n’était pas exceptionnel notre hologramme, mais c’était un vrai hologramme (rires).

Regardez-vous les JT étrangers pour optimiser vos propres rendez-vous ?

On regarde, mais vous dire que l’on a une veille précise, ce n’est pas le cas. Après ce n’est pas tant les JT que l’on scrute pour le coup, mais la technologie. Quand sur l’Euro, on a fait apparaitre la personne en duplex directement sur le plateau, technologiquement, ça veut dire qu’il y a des choses faisables, adaptées à la télé. C’était hallucinant. La chaine a gagné des prix pour ça. Après il faut que l’on reste très pointu sur l’éditorial, car le « maquillage » n’a pas grand intérêt sans ça. Avec cette fenêtre en réalité augmentée, on est novateur. Mais briller pour briller, cela ne sert à rien.

Certains reprochent encore au JT de M6 d’avoir des sujets parfois trop légers, catégorisés « people »…

On ne fait pas de « people » même si ce n’est pas un gros mot pour moi. 90% du JT, c’est de l’actu « hard news » que l’on voit partout ailleurs. On ouvre par l’actu du jour, mais c’est vrai qu’en fin d’édition, pourquoi se priverait-on de faire un sujet musical par exemple ? On n’a pas à se retenir. À partir du moment que l’on a parlé des sujets difficiles, on peut très bien proposer un sujet sur Beyoncé ou sur les grandes expos parisiennes… Il faut arrêter de faire du journalisme pour les journalistes ! Il faut faire du journalisme pour les gens qui nous regardent !

« Cette rumeur qui dit que M6 ne fait pas d’étranger ou de politique, c’est complètement faux ! »

M6 vise essentiellement les femmes de moins de 50 ans et s’en félicite fréquemment. Quand vous construisez le JT, pensez-vous à une cible spécifique pour adapter au mieux les sujets ?

En toute honnêteté, non ! Car on fait avant tout de l’information, et on ne doit jamais l’oublier. Le matin, en conférence de rédaction, quand on parle des sujets, on se demande par quoi on ouvre, quelle est l’info du jour. Et on ne se dit pas : « Qui nous regarde ? ». Effectivement, nous avons un public assez féminin. Certes, la forme joue tout comme les présentateurs, mais je ne cherche pas à le savoir. Le JT plait aux jeunes, car il y a ce rythme et ce côté moderne. Mais j’insiste vraiment, on ne fabrique pas le JT en fonction des gens qui nous regardent, ce serait une énorme erreur, et au final, le JT serait un magazine !

Les présentateurs sont-ils aussi importants sur M6 que sur les chaines concurrentes ?

Je pense qu’ils sont adaptés à nos JT. Ils incarnent exactement ceux que l’on veut mettre à l’antenne. Kareen Guiock incarne son JT avec sa proximité et son côté spontané. Xavier de Moulins a cette crédibilité et ce modernise qui plaisent. Ils participent tous de A à Z à l’écriture, aux choix des sujets, et écrivent leur JT au sein même de l’open space.

Les jokers réalisent également de très belles performances d’audience. Quels sont les critères pour les sélectionner ?

Laurie Milliat-Desorgher, Diane Douzillé, Ophélie Meunier et Marie-Ange Casalta font partie de la rédaction. Par exemple, Laurie fait du reportage quand elle n’est pas à l’antenne. Diane fait le « expliquez nous »… Passer des chaussons de reportage à ceux de présentatrice ça se fait naturellement pour elles. Elles font partie de la vie de la rédaction dans l’open space. Cette polyvalence est une véritable richesse. Et, effectivement en audience, ça marche aussi bien avec les jokers et les titulaires.

Nathalie Renoux est une figure historique des JT de M6. La stabilité des visages des titulaires est-elle importante ?

Je pense que pour les téléspectateurs, c’est un repère. Quand vous avez le premier plan de la caméra où le présentateur vient vers vous, ce n’est pas anodin, il rentre chez les téléspectateurs. Et Nathalie le fait avec une telle envie, ça se sent vraiment ! Elle connait les rouages, elle a une aisance… Chacun a un profil différent et est parfaitement adapté à ce qu’on fait aujourd’hui. Après, il faut être honnête, peut-être qu’un jour, ils ne le seront plus…

« Il faut arrêter de faire du journalisme pour les journalistes ! »

Commandez-vous des études sur la perception qu’a le public des présentateurs des JT de M6 ?

Non ça n’a pas été fait depuis très longtemps pour l’information. Par contre, on est attentif à la perception que peuvent avoir les gens du JT en lui-même.

Le 12.45 a multiplié par deux son audience en sept ans. Quand on voit ces records, peut-on dire qu’un lead-in comme Desperate Housewives n’est plus aussi important que cela pour le JT de la mi-journée ?

Cela signifie que le JT se suffit à lui-même, donc c’est très bien. Cependant, plus le lead-in est haut, mieux on se porte bien sûr. Le 12.45 est adapté à ce que le téléspectateur d’aujourd’hui veut voir. Tout comme le présentateur. Kareen Guiock a une spontanéité et un naturel... Quand elle parle d’un sujet, on voit qu’elle l’a écouté comme vous l’avez écouté. Elle partage cela, elle a cette proximité-là, avec aussi le côté didactique très important chez nous.

Vous démarrez le 19.45 de plus en plus tard, peut-on dire qu’il y a désormais trois JT de 20 heures ?

On ne démarre jamais à 19h45, mais cela se joue à deux ou trois minutes (rires). On peut dire en tout cas qu’il y a bien trois JT du soir, et c’est important ! Il y a 3 millions de personnes devant M6. Au tout début, les gens consommaient le 6 minutes avec l’idée d’aller rejoindre la grand messe de 20 heures. C’est terminé, le public reste à 20 heures devant M6. Bien sûr, le lead-out plait aussi beaucoup avec Scènes de ménages. Auprès des femmes de moins de 50 ans, nous sommes quasiment tout le temps au-dessus des concurrents. En nombre de fidèles, on est dessous, mais on n’est pas si loin que cela… Et les téléspectateurs restent chez nous, même en cas d’événements importants.

Cependant, quand il y’a un événement d’actualité, M6 case son antenne, mais les téléspectateurs ne vont pas sur vos éditions spéciales en journée. Comment l’expliquez-vous ?

On ne fait pas de breaking news, une demi-heure ou une heure après un événement. On se donne le temps de monter des éditions spéciales. Techniquement, on peut prendre l’antenne, et ce, n’importe quand, mais on fait le choix de préparer une émission complète pour le lendemain matin comme on l’a fait pour les attentats au Bataclan. Après, en audience, nous sommes en dessous effectivement. Mais je préfère faire cinq heures d’antenne complète et propre le lendemain plutôt que de casser l’antenne à minuit. Nous avons un angle didactique très important chez nous, j’aime mieux que l’on se laisse ce temps. On a sans doute encore du boulot dans ce domaine.