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Vous êtes ce que vous mangez > Jean-Michel Cohen

Ariane Grassi
Publié le 07/11/2006 à 00:55 Mis à jour le 13/04/2011 à 18:31

Médecin nutritionniste, le docteur Jean-Michel Cohen explore depuis plusieurs années l’univers de la télévision, de C’est mon choix à J’ai décidé de maigrir en passant par le succès de la rentrée, Vive la cantine. Désormais, il est seul en piste pour le nouveau magazine de M6, Vous êtes ce que vous mangez, dans lequel il compte bien distiller conseils et astuces pour une alimentation plus saine.

Ariane Grassi : Pourquoi avoir intitulé votre magazine Vous êtes ce que vous mangez ?

Jean-Michel Cohen : Le ressort psychologique sur lequel on a beaucoup joué, est le principe d’appropriation ; la phrase « vous êtes ce que vous mangez » est très révélatrice. C’est un principe archaïque, quand les Huns tuaient leurs adversaires, ils s’empressaient de manger leur foie, parce qu’ils étaient persuadés que c’était cela qui leur donnait la force et la virilité pour combattre l’adversaire. Vous allez le voir dans l’émission à travers ce que j’appelle « la mauvaise table ». Cela consiste à mettre sur la table des patients tout ce qu’ils ont mangé en une semaine. S’il y a des écarts, ils apparaissent hypertrophiés. Vous verrez que cela marque vraiment les deux participants, Bruno ne voulait pas le croire ! Il comprend que ce qu’il mange, le fabrique.

Ariane Grassi : La bande annonce de l’émission met d’ailleurs particulièrement l’accent sur Bruno...

Jean-Michel Cohen : Bruno est un des cas les plus difficiles dont j’ai eu à m’occuper. Il est restaurateur, donc dans un environnement de nourriture permanent. En plus il est dans l’excellence, son restaurant est extraordinaire. Il est tenté en permanence, sa vie c’est la nourriture.

Ariane Grassi : En quoi la situation de Gaëlle, la deuxième participante, est-elle différente ?

Jean-Michel Cohen : Le cas de Gaëlle était plus simple. Elle incarne un peu toutes les jeunes femmes de 20 à 30 ans, qui mangent avec les copains, à l’extérieur, et qui grignotent chez elles des produits sucrés type confiserie. Avec Bruno, c’était plus compliqué, d’abord parce qu’il a 55 ans et non 24 comme Gaëlle. Son environnement alimentaire est très complexe, il est capable de se lever à 3 heures du matin pour manger. C’est hallucinant. Je suis fier de lui, parce qu’on a fait de quelqu’un de désabusé, quelqu’un de victorieux.

Ariane Grassi : Est-il compliqué de créer une relation médecin/patient face à une caméra ?

Jean-Michel Cohen : C’est très difficile, cela nécessite une complicité hors caméra. Le point positif, c’est que la présence d’une caméra crée une sorte de tremplin, puisqu’on sait que l’on va être regardé.


Ariane Grassi : Pourquoi créer un nouveau magazine sur le sujet de la nutrition ?

Jean-Michel Cohen : Le challenge pour nous, c’était rénover le magazine santé en instaurant plus de convivialité, d’amusement et de représentations imagées. Comme pour Vive la cantine, je suis persuadé que pour faire passer des messages, il faut désormais créer un environnement divertissant. Cela fait plaisir à la chaîne quand je dis ça, mais je pense aussi que quand un programme n’a pas de fond, les téléspectateurs s’en rendent assez vite compte. Dans Vous êtes ce que vous mangez, on a réussi à créer une dynamique qui fait qu’on ne s’ennuie pas, tout en plaçant de nécessaires messages de santé publique. Je reproche beaucoup à la communication nutritionnelle actuelle de donner beaucoup de messages d’alerte, mais pas de mode d’emploi.

Ariane Grassi : Ce magazine s’inscrit dans un discours de santé publique plus que jamais d’actualité...

Jean-Michel Cohen : Les repères qui sont donnés dans l’émission sont de vrais repères nutritionnels, afin d’apprendre aux gens que manger sainement est une priorité. C’est nécessaire pour éviter des problèmes qu’on ne soupçonnait pas il y a encore deux ou trois ans. Nous, les nutritionnistes, avons été stupéfaits d’apprendre, par exemple, que le cancer de la vessie était lié pour 30% à l’alimentation. Avant on ne parlait de nourriture qu’en relation avec les régimes, on n’avait jamais imaginé le potentiel santé que représentait la nourriture.

Ariane Grassi : Estimez-vous que la télévision permet une démocratisation de votre discipline ?

Jean-Michel Cohen : On peut considérer la télévision, mais aussi internet, comme simplement distractifs, mais ils ont maintenant une dimension pédagogique. On a un potentiel d’éducation alimentaire de masse beaucoup plus important que n’importe qui. Une émission de télévision, c’est une réelle occasion de faire passer des messages, d’autant plus que ce sont les populations les moins favorisées qui sont le plus souvent victimes de problèmes de nutrition.

Ariane Grassi : On parle beaucoup de la pression des médias qui poussent les femmes à l’anorexie. Ce type de magazines ne risque-t-il pas d’accentuer le phénomène ?

Jean-Michel Cohen : On voit à l’heure actuelle se développer chez des jeunes filles des syndromes anorexiques. Elles ne savent pas quoi manger pour maigrir, ce sont plus des syndromes d’hyper-performance associés au stress que de vraies anorexies mentales, qui à mon avis ne sont pas en augmentation. Les gens ne savent pas de quoi ils parlent, c’est comme ceux qui développent des théories comme « On est libres, arrêtez de stigmatiser les gros ». On est face à une montée épidémique du surpoids, c’est pour ça que l’Etat est en train de s’organiser. Dans 15 ou 20 ans, les maladies liées au surpoids représenteront les dépenses n°1 en terme de santé publique.


Ariane Grassi : Comment expliquez-vous le succès des deux numéros de Vive la cantine ?

Jean-Michel Cohen : On s’est concertés chez Fremantle sur le fait qu’il fallait donner du fond à cette émission. On aurait pu être tentés de copier Jamie Oliver, mais il n’en sortait pas grand-chose. Là, je leur avais expliqué que l’on faisait une vraie enquête sur un problème de société, que cela réveillerait les consciences mais que l’émission serait aussi bonne ! Finalement, on a fait exploser l’audience de M6 !

Ariane Grassi : Avez-vous des échos de la part des téléspectateurs ?

Jean-Michel Cohen : Je reçois environ 60-80 mails par semaine, de la part d’intendants, de cuisinier ou de parents d’élèves. Certains ont vraiment « foutu le souk » dans les écoles ! On m’envoie aussi des exemples de menus aberrants, j’ai même répondu « 0/20 » à une femme qui me demandait ce que je pensais du menu de l’école de son fils !

Ariane Grassi : Quelle est la recette du succès de votre parcours à la télévision ?

Jean-Michel Cohen : Je crois qu’il ne faut pas tricher. C’est ma règle depuis que je participe à des émissions, même quand j’étais à C’est mon choix, cela marchait parce que les téléspectateurs percevaient de la sincérité et de l’authenticité. Les médias sont persuadés de se servir de moi, et moi je suis persuadé de me servir d’eux ! Je réussis à faire passer des messages, c’est l’essentiel.

Ariane Grassi : Vous semblez désormais bien installé sur M6...

Jean-Michel Cohen : Ma collaboration avec M6 est un peu le fruit du hasard, mais par la force des choses, j’y ai aujourd’hui plus d’amis que sur les autres chaînes. Mais je me sens à l’aise partout, puisque je suis « en délégation de mission », j’essaie de parler le plus souvent possible d’un sujet qui me tient à cœur. Mais on est bien à M6, il y a un esprit M6, c’est générationnel. Demandez à Marc-Olivier Fogiel, il n’est pas si malheureux à M6...