André Manoukian (Nouvelle Star 10) : « Le profil idéal, c’est Julien Doré »

C’est le doyen du fameux télé-crochet qui a fait les beaux jours de M6, avant de se voir racheter par D8. André Manoukian, présent depuis la toute première saison de Nouvelle Star en 2003, a vu les présentateurs et le jury changer au fil des saisons, mais lui est resté. Pour Toutelatele, il revient sur des années riches en émotions musicales, et sur cette nouvelle saison, actuellement diffusée sur la chaîne TNT du Groupe Canal+.
Marion Olité : Cette année, Nouvelle Star fête ses 10 ans d’existence. Que retenez-vous de cette expérience ?
André Manoukian : En dix ans, je trouve que le profil des candidats a beaucoup évolué. Ils ont plus de facultés émotionnelles, et le niveau a augmenté à mesure que l’âge a diminué. Les « 16/20 ans » sont terrassants ! On a maintenant à faire à une nouvelle génération, très différente de ceux qui étaient avant eux il y a à peine cinq ou six ans. C’est évidemment à cause de l’évolution de la technologie. Leur culture musicale est dix fois plus importante. Dans l’histoire de l’humanité, les jeunes n’ont jamais consommé autant de musique. Ils vivent huit heures par jour avec le casque sur les oreilles. C’est une nouvelle génération de mutants qui est en train d’apparaître !
Quels candidats vont ont le plus marqué pendant ces neuf saisons ?
Mes plus beaux souvenirs sont ceux de Camelia Jordana et Julien Doré. Musicalement, mais aussi dans l’esprit, ils m’ont touché. Je me souviens quand Camelia est arrivée et qu’elle a entonné la plus belle chanson du monde : « What a wonderful world » de Louis Armstrong. Elle avait 16 ans, et c’était un diamant à l’état brut. C’est complètement dingue, c’était de l’instinct pur ! Elle n’avait jamais travaillé son talent, jamais fait de musique. Elle ne savait même pas qu’elle était douée. Julien Doré m’a séduit pour ses qualités d’alchimiste. Il transforme des bouses en or ! C’est le roi des situations. Il n’a pas fait les beaux-arts pour rien. C’est le plus anglo-saxon de tous les artistes que l’on a vu à Nouvelle Star. Il y a une vraie intelligence et une finesse dans sa pratique.
Après 10 ans au sein du jury de Nouvelle Star, vous semblez toujours en capacité de vous enthousiasmer et de vous émerveiller devant les prestations des candidats. N’éprouvez-vous donc aucun signe de lassitude ?
Quelqu’un qui aime la musique, est-ce que vous lui dites : « Ça fait dix ans que tu vas aux concerts, il faudrait peut-être arrêter maintenant » ! À partir du moment où il y a de la musique, avec des interrogations qui n’ont toujours pas été résolues, ça m’intéresse. Pourquoi un artiste qui chante super bien, qui est beau, bref, qui a tout bon, ne vous fait pas lever les poils ; alors qu’un autre plus maladroit, plus bouffi avec une voix moins chouette, va tout d’un coup vous donner des frissons et envie de chialer ? Je n’arrive toujours pas à l’expliquer. Quand je fais appel à des concepts philosophiques, ce ne sont pas des postures. J’y fais appel par pudeur, car on est dans le pur religieux. Je reste persuadé que le chanteur est un grand maître de cérémonie, un peu magique. Autrefois, seuls les sorciers avaient le droit de se servir d’instruments. Avec la musique, on avait le pouvoir de vous expédier dans le monde des esprits. C’est une réalité que je touche tous les jours à Nouvelle Star.
« En dix ans, le profil des candidats a beaucoup évolué »
Comment expliquez-vous la longévité de ce concept ?
C’est quelque chose de sincère. Il y a de l’émotion. Les journalistes demandent chaque année : « Quoi de neuf ? ». On ne va pas faire comme en Allemagne et les faire chanter avec des serpents autour du cou ou à poil sur une île ! Ce serait absurde. J’aime que cette émission se concentre sur ses fondamentaux : musique et talent pur. On ne se lassera jamais de ça. Et le fait d’être passé sur D8, c’est comme si vous redécouvriez la ville que vous aimez, à travers le regard de votre nouvelle fiancée. Tout est plus joli.
Partie 2 > Les candidats de la saison 10 et La chanson française
Comment se passent les relations avec cette nouvelle « fiancée », D8 ?
La fiancée D8 est super contente. Ils ont la banane ! Ils sont enthousiastes et ils nous laissent nous concentrer sur plus de musique. C’est bien de changer un peu de crèmerie pour prendre l’air, et tout le monde est content.
Que retenez-vous des castings de cette saison 10 de Nouvelle Star ?
Il n’y a pas beaucoup de français, c’est de pire en pire. Bizarrement, les gosses choisissent des vieux quand ils osent chanter en français : Aznavour, Brel, Piaf, Brassens... Le seul français contemporain entendu est justement inchantable a capella, c’est M. Ils n’écoutent plus de français, donc ils se réfugient dans des mélodies intemporelles écoutées depuis qu’ils sont gamins. La chanson française est devenue quelque chose d’un peu classique et figé. Depuis que je bosse à France Inter, je le vois bien. J’ai du mal à trouver des chanteurs français qui ont et de la voix, et de bons textes. Quand on veut écrire en français, il faut être Baudelaire, sinon ça ne passe pas. Vous savez comment faisait Bashung ? Il avait un auteur auquel il demandait dix textes. Il prenait une ligne de chaque texte, et il réécrivait, et il envoyait à son auteur... Chaque ligne doit être parfaite et se suffire à elle-même. Le tout ensemble doit fonctionner.
Quels chanteurs français appréciez-vous tout particulièrement ?
Il y a une nouvelle génération qui est géniale, comme Thomas Fersen ou Gaëtan Roussel. Je trouve aussi Benjamin Biolay super, il a pris de la bouteille. J’adore Stromae. C’est un vrai mec des mots. Il fait preuve de génie en prenant des sons cheap et de l’euro dance, sur lesquels il pose sa voix chaude et si particulière. Il vous emballe tout ça avec la classe de ses mots, et c’est juste génial.
« Les filles qui votent ont tendance à dégager les candidates »
Quel est le candidat idéal selon vos critères ?
Il n’y en a pas ! En fait, le profil idéal, c’est un peu un Julien Doré. Il faut être capable d’avoir un style et de pouvoir le transposer dans n’importe quel genre. Être capable de chanter « Les Bêtises » de Sabine Paturel comme si c’était une chanson de Jim Morrison.
Avez-vous déjà une petite idée du ou de la finaliste de cette saison 10 ?
J’ai vraiment eu des frissons sur cette nouvelle saison. Et j’ai mon trio dans la tête, mais on ne sait pas ce qui va se passer. Il y a plus de filles que de garçons, ce qui ne veut rien dire, car ce sont les filles qui votent le plus ensuite, et elles ont tendance à dégager... des candidates !