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Arnaud Poivre d’Arvor (Enquête Chrono) : « J’ai très envie de relancer Non élucidé »

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Rédacteur - Expert TV & Séries
Publié le 01/11/2023 à 13:55

Arnaud Poivre d’Arvor est le producteur d’une nouvelle émission intitulée Enquête chrono et diffusée du lundi au vendredi dès 11h25 sur RTL9. De la façon de renouveler les faits divers à la télévision, jusqu’à ce qui lui a fait aimer ce genre en passant par le retour de Non élucidé, Arnaud Poivre d’Arvor se confie à Toutelatele.

Clément Mechouche Gauthier : Aujourd’hui, il y a toujours pléthore d’émissions sur les enquêtes criminelles (Au bout de l’enquête, Enquêtes criminelles, Faites entrer l’accusé, Chroniques criminelles… sans compter les ready made sur Planète+ Crime ou Discovery investigation) comment Enquête Chrono parvient-elle à se distinguer ?

Arnaud Poivre d’Arvor : Depuis que je traite du fait divers, j’ai essayé de renouveler les concepts, les écritures. Ma première émission de faits divers s’appelait L’affaire Scheffer sur France 5. C’était vraiment sur les coulisses de la criminologie. On ne traitait pas d’affaire sur un récit simple. Ensuite, j’ai créé Non élucidé (en 2008, NDLR) sur des affaires non résolues à l’époque. Faîtes entrer l’accusé existait donc on était sur quelque chose de totalement différent.

Puis, j’ai lancé une collection qui s’appelait Indices (dès 2015 sur Numéro 23 devenue RMC story, NDLR). On partait des principaux indices qui ont permis la résolution d’une affaire. À chaque fois j’essaye de trouver un point de vue différent, un concept nouveau, inédit.

Dans le cas de Enquête chrono , l’idée est de traiter d’enquêtes résolues dans un temps relativement court. Et en centrant le récit à partir du point de vue des policiers et des gendarmes. C’est une narration très rythmée, très chronométrée. On s’intéresse souvent à des affaires qui n’ont pas été traitées par ailleurs. C’est une autre façon de raconter des histoires et de renouveler le bassin des affaires traitées.

Comment choisissez-vous, avec vos équipes, les affaires à traiter ?

Je travaille depuis de nombreuses années avec la même équipe de journalistes et une rédactrice en chef. On a un pôle faits divers chez Phare Ouest Productions (la société d’Arnaud Poivre d’Arvor, NDLR) assez développé. Ces gens-là ont une expertise et mènent une veille sur toutes les affaires à travers la presse nationale, mais également locale. Et on s’est rapprochés des services de communication de la police et de la gendarmerie.

On a même été travaillé avec les policiers belges. On les a sollicités à ce niveau pour faire remonter des infos. On travaille aussi avec les avocats et les familles des victimes. On a un réseau très étendu nous permettant d’avoir accès à beaucoup d’histoires.

Dans ce réseau figurent également les enquêteurs de la SRPJ de Versailles. Avez-vous un contact privilégié avec eux ?

Je ne travaille pas spécifiquement avec eux. Je les connais historiquement. Jean-Marc Bloch, qui est mon coprésentateur de Non élucidé , était le patron de la SRPJ de Versailles. C’est peut-être aussi pour ça qu’on a fait le lien avec eux. On travaille avec tous les services de police judiciaire en France et aussi avec la gendarmerie. C’est le fruit de rencontres.

Parfois, on tombe sur des policiers qui nous parlent très bien de leur métier. C’est ça dont j’ai envie dans cette émission. Qu’ils puissent nous raconter d’un point de vue professionnel et humain la façon dont ils ressentent et traitent ces affaires. Ça a forcément un impact sur leur quotidien. On a envie de les interroger de ce côté-là.

Lors du récit des affaires, les enquêteurs vous ont-ils paru revivre les scènes ?

On essaie le plus possible de les replonger dans ces moments de l’enquête comme si on était dans une narration en temps réel. Mais ce n’est pas toujours possible. Le but premier est qu’ils puissent revivre ces histoires et nous les faire revivre dans le temps de l’enquête. Ça fait partie du concept de l’émission. Mickaël Reynaert (enquêteur de la SRPJ de Versailles, NDLR) est formidables, car il nous explique très bien les moments forts de l’enquête.

Proposer de l’inédit à un rythme quotidien n’est pas chose aisée, et demande une mécanique bien huilée. Depuis combien de temps travaillez-vous sur le projet ?

On a produit vraiment en un temps record. On a travaillé en amont sur la préparation et on a commencé vraiment la production au mois de janvier 2023. Sur quasiment huit mois, on a réussi à produit vingt numéros, ce qui est énorme. Cela a été possible, car on a une vraie expertise depuis longtemps sur ce sujet. Il faut toutes les autorisations, il faut enquêter sur les affaires, il faut tourner, il faut monter...

Pour le reste, c’est le choix de la chaîne RTL9 de diffuser en quotidienne. Je sais que l’émission leur plait beaucoup, mais ils attendent les audiences, comme c’est souvent le cas. Ils m’ont dit qu’ils souhaitaient continuer et partir sur une saison 2. Je suis confiant parce que c’est efficace. Ils étaient très contents de la qualité de production.

Vous avez longtemps porté Non élucidé. En 2019, l’émission était même revenue sur RMC Story. Le format est-il définitivement arrêté ?

Il y a eu 25 ou 30 numéros inédits sur RMC Story, en inédit. J’ai très envie de relancer Non Elucidé parce que jamais on a autant parlé des cold cases. Quand j’ai lancé l’émission, c’était un sujet que personne n’évoquait. Même au niveau de la justice, c’était des dossiers se retrouvant en bas de pile, et donc pas forcément prioritaires.

Aujourd’hui, heureusement les mentalités ont changé et j’espère y avoir un peu participé. Il y a un an et demi, il y a eu la création d’un pôle sur ces affaires non résolues créé pour coordonner tout ça au niveau national. Non élucidé reste moderne et très original. J’ai très envie de la relancer sans savoir sur quelle chaîne. Je vais essayer de faire les démarches.

Une enquête vous a-t-elle particulièrement interpelé pour vous intéresser ainsi aux affaires criminelles ?

C’est très étrange, car ce qui m’a donné envie de traiter les affaires criminelles à la télévision est une affaire très ancienne. C’était plutôt mon point de vue de conteur sur des émissions historiques. Il s’agissait de l’affaire Jack l’Éventreur. On est en 1888 à Londres, évidemment tueur en série qui a tué cinq victimes ou plus jamais identifiées. C’était un des premiers documentaires que j’ai produits. À l’époque déjà, j’avais rencontré la romancière Patricia Cornwell, spécialiste de toutes ces questions, et créatrice d’une héroïne médecin légiste.

J’ai rencontré aussi des spécialistes en police technique et scientifique. C’est la découverte d’un monde que je ne connaissais absolument pas qui m’a donné envie. Je ne m’intéresse pas aux faits divers depuis que je suis tout petit, ça c’est une certitude. La dimension humaine m’a beaucoup plu. Ceux qui travaillent sur ces affaires mènent une vie particulière à la frontière avec la mort. Ils côtoient beaucoup de violence et de tristesse.

J’ai pu discuter assez rapidement avec des familles de victimes, et j’ai été très touché par leurs histoires. C’est aussi pour ça que j’ai créé Non élucidé. Pour moi, le fait divers ce n’est pas quelque chose de virtuel. Il y a une réalité et des souffrances derrière.

Les faits divers relatés récemment dans les journaux télévisés doivent également avoir un impact particulier sur vous ?

Énormément. Quand il s’agit de disparitions et d’enfants... La première affaire que j’ai traitée dans Non élucidé était l’histoire d’un petit garçon qui s’appelait Jonathan Coulom, disparu dans une colonie de vacances à Saint-Brevin-les-Pins. Il a été enlevé en pleine nuit dans la chambre. On a retrouvé son corps trois mois plus tard dans un petit étang.

Quand j’ai fait la première émission de Non élucidé , j’avais des enfants qui avaient à peu près cet âge-là, ça m’a pris aux tripes. J’ai rencontré ses parents, ils étaient complètement détruits. Quand ça touche des enfants, c’est encore plus horrible surtout quand on ne connait pas la vérité. Cette histoire m’a vraiment marqué. Je continue à être en contact avec le papa. Le passage à l’acte pose beaucoup de questions. Pourquoi des gens tout à coup décident de faire ça ? Pourquoi ce basculement dans l’horreur ?