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Bomb Girls : série historique féministe et succès-surprise canadien

Claire Varin
Publié le 18/08/2012 à 16:28 Mis à jour le 03/09/2012 à 23:39

« We Can Do It ! » disait Rosie the Riveter. Bomb Girls, c’est en quelque sorte la mise en scène de cette affiche, icône du féminisme. La série historique fait, d’ailleurs, frontalement référence à la propagande dont elle est issue dans un de ses épisodes (« Bringing Up Bombshell »). Le sujet avait également intéressé Stacy Kravetz et Meredith Stiehm pour l’épisode « Factory Girls » de Cold Case. Bomb Girls reconstitue cette période de l’histoire du Canada où les femmes ont participé à l’effort de guerre en devenant ouvrières dans une fabrique de munitions.

La mini-série suit les parcours de Gladys, Lorna, Betty, Kate et Vera. Chacune représente la fille de bonne famille, la mère, la rebelle, la victime d’un père tyrannique et la « belle ». À travers ces archétypes, les scénaristes, Adrienne Mitchell et Michael MacLennan, dessinent des personnages féminins complexes. Les héroïnes cherchent leur place dans une société patriarcale et hétéro-normée. On expose alors la condition des femmes (objet sexuel, négation de leur sexualité et de leurs désirs) et un vent de révolte.

La jeune génération d’actrices canadiennes (Jodi Balfour, Ali Liebert, Charlotte Hegele, Anastasia Philipps) porte l’ensemble. Bomb Girls marque aussi le retour à l’écran de Meg Tilly, qui n’avait pas tourné depuis dix-huit ans. Elle avait choisi de se consacrer à sa famille. Puis, ses enfants ont quitté la maison et l’ennui s’est fait ressentir. Jennifer Tilly (Bound), sa sœur, l’a alors encouragée à reprendre sa carrière. L’actrice d’Agnès de Dieuet Valmont incarne Lorna, manager à l’usine de munitions. C’est une mère inquiète, car ses fils sont au front et une épouse, dont le mari est revenu de la Grande Guerre brisé. Mais c’est surtout une femme, terriblement seule dont l’actrice est « tombée amoureuse ».

Lors du Festival de Monte-Carlo, Meg Tilly confiait son analyse de cette époque, à la fois « difficile » et « merveilleuse » pour les femmes. La guerre leur a permis par le travail de trouver une autonomie et une vie sociale. « Une fois la guerre terminée, tout le monde a fait comme si tout ça n’était jamais arrivé. Soudain, les femmes ont dû à nouveau demander de l’argent à leur mari. Les hommes sont revenus de la guerre changés, aussi. Et tout monde prétendait que tout était normal. C’est pour cela que tout était tellement structuré dans les années 50. Puis, les années 60 et 70 ont été la libération. »

Certains pourront dire que Bomb Girls surfe sur le retour des period dramas remis au goût du jour par Mad Men. Bien que le thème de l’émancipation des femmes soit présent dans les deux fictions (à vingt ans d’intervalle), le format de Bomb Girls (6 épisodes de 45 minutes) évoque d’abord les mini-séries évènement du type The Pacific (hors comparaison de budgets). On note une reconstitution des années 40 soignée (décors, costumes) et documentée (témoignages de véritables Bomb Girls).

« Nous adorons la mini-série mais allait-elle intéresser le public ? Les gens auraient-ils envie de voir une fiction sur la Seconde Guerre mondiale et sur les femmes ? » raconte la productrice Janis Lundman, « Au Canada, si vous dépassez un million de téléspectateurs, c’est un succès. Nous en espérions 600 000. », Mais, Bomb Girls est le succès-surprise de la saison 2012. Le premier épisode a attiré 1.7 million de curieux et la saison a captivé plus de 1.2 million de téléspectateurs en moyenne sur Global TV.

En France, aucune chaîne n’a encore annoncé son acquisition. Mais internet a déjà donné une notoriété internationale à Bomb Girls. La série a bien évidemment été remarquée par les féministes et les lesbiennes. Elle a été conçue comme une mini-série de six épisodes, mais ce succès d’audience a rapidement permis l’annonce d’un renouvellement pour une seconde salve de douze épisodes. À Monte-Carlo, Janis Lundman confiait que la chaîne et la production avaient signé un accord pour cinq saisons. Le combat pour l’émancipation a de beaux jours devant lui.