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Bruno Guévenoux (La gym des neurones, Motus, Télématin...) : « La télé est une sorte de No man’s land avec des personnes qui ne devraient pas être là »

Joshua Daguenet
Par
Rédacteur TV & Séries
Publié le 01/11/2019 à 15:47

Toutelatele vous propose de découvrir une série d’interviews pour remonter le fil du temps des jeux télévisés. L’ancien animateur Bruno Guévenoux ouvre le bal. Celui qui a assuré des remplacements dans Télématin, Motus ou encore Qui est qui ?, tout en incarnant La gym des neurones de 2001 à 2002, est revenu sur sa période active dans la petite lucarne. Aujourd’hui, il brille dans l’art contemporain et malgré un réel épanouissement, Bruno Guévenoux ne referme pas la porte à un retour sur le devant de la scène.

Joshua Daguenet : quels souvenirs gardez-vous de La gym des neurones, le jeu phare de votre carrière d’animateur entre 2001 et 2002 sur France 2 ?

Bruno Guévenoux : Je garde un bon souvenir de ce jeu et de l’équipe. On y croyait beaucoup avec David Rosconval, aujourd’hui patron de French TV. Quand ce jeu s’était arrêté, j’étais triste parce que les retours étaient bons. Les gens aimaient bien le côté ludique, démo qui rappelait un petit peu C’est pas sorcier. Malheureusement, des chaînes prennent des décisions et La gym des neurones est passé à la trappe. Je trouve que ce concept n’a pas eu la longévité qu’il aurait du avoir, il était presque mort-né.

Vous avez collaboré avec une certaine Isabelle Piana, voix-off de cette émission, qui connait une belle et longue carrière à RTL. Cela ne vous laisse-t-il pas un goût d’inachevé avec le milieu des médias ?

Je fais un petit coucou à Isabelle car nous sommes toujours en contact. J’écoute son dernier CD dans mon atelier. Je n’ai pas ce sentiment d’inachevé. Aujourd’hui, en tant qu’artiste, je n’ai pas d’intermédiaire : je prends une toile, je peins, je fais une sculpture, je diffuse. En télévision, nous sommes tributaires et nous ne pouvons pas influencer le cours des choses quand nous sommes dans des chaînes importantes. Avec le temps, j’ai compris plein de choses.

Abordiez-vous différemment la présentation d’une émission dans la peau du titulaire d’une autre avec le statut de remplaçant ?

Pas du tout. C’est compliqué de démarrer sur un jeu qui n’est pas le sien comme Qui est qui ?, pour lequel j’étais face au 19/20 de France 3, face au Bigdil sur TF1... J’ai une pensée pour Yves Bigot, qui m’a fait confiance à plusieurs reprises, ancien directeur des émissions de variétés de France 2. C’est deux fois plus dur de remplacer quelqu’un au pied-levé car il y a une certaine pression pour assimiler le jeu et être à la hauteur. De mon côté, j’ai toujours essayé de faire du mieux possible.

Suivez-vous toujours l’actualité du petit écran, marquée cet été par la disparition de Motus que vous avez animé en février 2001 ?

Oui, je suis ça mais avec un peu de recul. J’en profite pour avoir une pensée pour Thierry Beccaro, un mec bien que j’apprécie. C’est un vrai professionnel. Avec lui, j’ai co-animé C’est l’été sur France 3, qui a pris la suite de 40 degrés à l’ombre en direct sur les plages. Un jour, il m’a dit : « Tu sais Bruno, dans ce métier, il ne faut pas compter, il faut décompter ».

« C’est deux fois plus dur de remplacer quelqu’un que de présenter son propre jeu »

L’animation en télévision est un exercice plutôt cadenassé qui laisse peu place à l’inventivité…

Il y a une trame, un conducteur et vous, l’animateur, devez amener de la folie, de la liberté, de la déconne, en essayant de retomber sur ses pieds. Mon métier de base est journaliste et on m’a ensuite proposé de faire du divertissement. Je me suis rendu compte au fur-et-à-mesure que l’animation était un vrai métier mais les gens ne doivent pas se rendre compte que tout est cadré.

De par votre attachement à la région Ch’ti, trouvez-vous le milieu de la télévision excessivement parisianisé ?

Oui, il faut dire les choses. Il y a beaucoup d’entre-soi. Tout se passe à Paris et vous avez peu de chance si vous êtes en Province. Excepté si vous avez fait votre trou en acquérant une certaine notoriété, vous pouvez revendiquez le côté « Je ne suis pas Parisien », sans être offensant ni aigre.

Mentionnez-vous votre carrière médiatique auprès des relations professionnelles qui sont les vôtres aujourd’hui dans le monde de l’art ?

Rarement. On m’en parle car certaines personnes ne sont pas amnésiques (rires). En même temps, cela me sert. Je fais partie des gens qui pensent que toutes les expériences sont enrichissantes. La télévision m’a permis de comprendre que l’on ne pouvait pas plaire à tout le monde !

L’artiste contemporain que vous êtes devenu est-il plus épanoui que l’animateur ou le journaliste que vous étiez par le passé ?

Cette question est difficile. Aujourd’hui, j’ai la liberté de créer comme je veux quand je veux. En même temps, il y a encore deux, trois ans, j’aurais tenu des propos différents. La télévision me manque à certains moments et c’est très paradoxal. Que l’on fasse de la télévision ou de l’art contemporain, le plus important est d’être soi-même et en ça réside la vraie liberté.

« J’aimerais revenir en télévision »

Qu’est-ce qui a fondamentalement changé pour vous ces deux, trois dernières années ?

Je suis un créatif. Je réfléchis à pleins de choses. J’essaie de suivre mes envies. J’étais récemment l’invité de l’émission quotidienne Vous êtes formidable sur France 3 Hauts-de-France. Cela faisait longtemps que je n’avais pas investi un plateau et j’ai pris un réel plaisir. Je me suis rendu compte que ça me manquait vraiment.

Souhaiteriez-vous replonger dans l’univers de la télévision ?

J’aimerais bien revenir car je pense pouvoir apporter certaines choses. J’ai quelques projets qui ont mûri dans ma tête au fil des années. Si un producteur ou une chaîne se montre intéressés. Mais je suis bien conscient que personne n’est irremplaçable, je ne suis pas attendu et le monde a tourné. Comme on dit : 100% des gagnants ont tenté leur chance. Si vous ne tentez pas, personne ne viendra vous chercher. Les conseilleurs ne sont pas les payeurs.

Que symbolise cette effusion de couleurs déployée dans votre univers artistique ?

Je le ressens comme ça. J’aime la couleur et ses mélanges. Des retours de spécialistes d’art ou de galeries me qualifient de « coloriste ».

L’univers des jeux télé étant lui-même très coloré, n’est-ce pas un aspect de l’animateur qui ressort sur ces œuvres ?

Je trouve que cette analyse mérite d’être étudiée. On peut effectivement lier les plateaux télés très colorés et certaines de mes toiles. Il va vraiment falloir que je reparte en télévision (rires).

Le thème de la festivité est aussi l’une de vos marques de fabrique avec notamment une galerie de feux d’artifice. Pourtant, les artistes ont une image de gens assez torturés…

Il y a des jours où on a plus ou moins la pêche. De mon côté, je ne revendique pas de faire passer le moindre message mais véhiculer des émotions. Je ne suis pas un artiste torturé. Je considère qu’il y a un émetteur et un récepteur dans l’art : je suis un émetteur et s’il y a un récepteur en face, tant mieux. Pour moi, il n y a pas besoin d’être un grand spécialiste, quelque chose vous parle ou non, vous ressentez ou vous ne ressentez pas. C’est une vision peut-être simpliste des choses mais c’est la mienne.

En vous plaçant du côté récepteur, quels artistes vous touchent particulièrement ?

Je ne veux pas être dans des cases. Je suis très éclectique. Je peux aimer un artiste qui va jouer avec les couleurs, et un autre avec un côté plus sombre. Evidemment, j’ai un petit penchant pour certains artistes comme Pollock. Je l’aime bien en tant que peintre mais un Pollock moins sombre. Vous pouvez m’amener dans une petite galerie ou un centre d’art contemporain, peu importe, tout m’intéresse.

En comparant votre époque à la télévision, le début des années 2000, avec aujourd’hui, quels changements sautent aux yeux de l’artiste ?

D’une part, il y a pléthore de chaînes. Je trouve qu’il y a moins de fond aujourd’hui, dans une ère ou il faut faire attention à plein de choses. Cela manque de grain de folie, de créativité. Toutes les émissions sont aseptisées, dirigées par des groupes. Aujourd’hui, si vous vous ramenez avec votre projet, vous avez peu de chance. Certaines fois, en regardant les programmes, je me dis que ce n’est pas la télé que j’aime. Pendant des années, j’ai présenté une émission en direct le soir sur la chaîne Voyage qui s’appelait L’heure de partir avec plein de gens qui sont sortis de là. Nous mettions les mains dans le cambouis et nous faisions des choses qu’il serait impossible de reproduire de nos jours. Je n’ai envie d’attaquer personne mais emploie-t-on les gens pour leur qualité professionnelle ou pour ce qu’ils représentent et véhiculent comme image ? On se retrouve avec une sorte de « No Man’s Land » avec des personnes qui ne devraient pas être là.

« Feu d’artifice 1 » par Bruno Guévenoux

« Feu d’artifice 11 » par Bruno Guévenoux