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Christophe Delay (Première Edition / BFMTV) : « Les présentations derrière le bureau sont vieillottes et datées »

Joshua Daguenet
Par
Rédacteur TV & Séries
Publié le 18/06/2020 à 06:41

Arrivé en 2007 sur BFMTV, Christophe Delay anime aux côtés d’Adeline François la Première Edition. Entre 6h00 et 8h30, elle rassemble près de 450 000 Français depuis le début du mois de juin, soit 17% du public. Retour sur la recette d’une matinale à succès. [L’interview a été réalisée avant la crise du Covid-19]

Joshua Daguenet : Parmi les chaînes d’information, BFMTV est très largement en tête le matin tandis que les écarts sont plus resserrés sur l’ensemble de la journée. Comment expliquer une telle domination ?

Christophe Delay : Cela est premièrement le fruit de beaucoup de travail. Et il est collectif. L’équipe a un fonctionnement collégial qui permet à tout le monde de suggérer des idées. Il y a aussi une équipe de fabrication dirigée par Denis Girolami, lequel pense déjà au lendemain quand la matinale est terminée. Grâce à son impulsion et la mienne, l’architecture de la future matinale se dessine dès neuf heures. La deuxième grande force est la rédaction de BFMTV, car nous avons la chance d’avoir une rédaction importante et très impliquée. Toutes les chaînes ne disposent pas de ces moyens-là. L’ensemble technique et humain permet au téléspectateur de s’y retrouver et de bénéficier d’une forte base de fidèles.

BFM a la particularité d’accueillir l’interview politique de Bourdin Direct, matinale diffusée sur RMC Découverte. N’est-ce pas pénalisant pour RMC Découverte de se voir amputer de cette dernière partie ?

Avec RMC Découverte, nous ne sommes pas concurrents, mais complémentaires. Je dis toujours que 1+1 = 3. Si nous avons des gens en parallèle qui proposent un programme similaire sur le canal d’à côté, c’est stimulant, car cela nous oblige à être bons. De plus, les personnes voyagent et ne regardent plus une chaîne, mais quatre ou cinq.

En fusionnant les matinales télés des chaînes du groupe NextRadioTV, le leadership de Télématin serait véritablement menacé alors que la cible commerciale des 25-49 ans positionne déjà BFMTV en tête…

C’est vrai, nous avons réussi à conserver des parts de marché fortes sur ces cibles alors que nos enfants ne regardent pas la télévision. Cela fait partie de nos forces. Je travaille avec l’idée d’aller chercher ces personnes encore attirées par le média télé.

« La structure d’une matinale se dessine à partir de 9 heures la veille »

La rubrique économique de Nicolas Doze est diffusée à trois reprises au cours de la matinale. Le public est-il majoritairement renouvelé durant chaque heure ?

Nous estimons que la durée d’écoute est d’environ 20-25 minutes. Nicolas Doze est tout le temps en direct, mais cela ne veut pas dire qu’il ne faudrait pas lui faire changer de chronique. Quand il est à 7h25 en direct chez moi, il l’est trois minutes avant sur BFM Business. Eu égard à sa charge de travail, on ne peut pas lui faire changer sa chronique, mais nous le ferions s’il ne travaillait que pour moi, car il est important de varier les angles et accroître la durée d’écoute.

Christophe Barbier commente et analyse tous les jours l’actualité politique. La politique est-elle le principal sujet à choyer dans une matinale d’information ?

Non, surtout pas. La politique est une thématique parmi d’autres. La variété de l’actualité fait notre charme. Christophe Barbier est présent trois minutes par heure et je n’ai pas l’impression que la politique écrase la matinale. Mon métier est aussi de doser et permettre aux téléspectateurs qui nous suivent à 7 heures de ne pas avoir l’impression de suivre le même sujet à 7h30. Il est très rare d’avoir les mêmes éléments de reportage d’une demi-heure à l’autre.

Dominique Rizet, spécialiste politique-justice, peut-être amené à investir la matinale. À son image, avez-vous à disposition l’ensemble des chroniqueurs susceptibles d’intervenir selon l’actualité ?

Tous ! Je parlais de la flexibilité, de la variété de compétences des gens de BFMTV. Si une actualité survient au milieu de la nuit, nous pouvons réveiller Dominique Rizet, Alain du Cardonnay [expert santé, ndlr] et nos spécialistes pointus pour les faire intervenir durant la matinale. Il y a quelques années, j’avais des pudeurs en me disant qu’il ne fallait pas les faire venir à six heures, car c’est tôt, mais maintenant, avec l’actualité, c’est important.

« Il faut se remettre en question tout le temps »

Sur CNews, Romain Desarbres est en solo depuis plusieurs mois. Imaginez-vous à quoi ressemblerait une présentation sans Adeline François ?

C’est compliqué parce que culturellement nous avons toujours travaillé ainsi à BFMTV. Cela ne veut pas dire que je n’aime pas la présentation solo. Je fais le 14 juillet chaque année donc je sais la faire. Cette matinale doit être un moment de convivialité, nous travaillons donc beaucoup les rendez-vous de 6h50 et 7h50 quand Lorène de Susbielle, Christophe Person, Christophe Barbier, Julien Mielcarek, Adeline et moi sommes autour de la table. Ces instants me manquent lors de la première demi-heure. La formule du duo marche bien, ce serait dommage de la changer.

Quelles différences établissez-vous entre une matinale à la radio comme celle de Jean-Jacques Bourdin et une matinale à la télévision ?

Il y en a de moins en moins. Nos amis de RMC l’ont bien compris. Jean-Jacques assure d’abord une matinale télé. Pour ma part, je viens d’Europe 1, j’ai toujours construit la matinale de la Première Édition sur le rythme de la radio. Tous les jours, la construction de la mise en page et la construction rythmique s’inspirent de ce milieu. Par exemple, nous ne pouvons pas avoir deux reportages qui s’enchaînent, deux duplex qui s’enchaînent, un duplex et un plateau qui s’enchaînent... car ça ne doit pas ronronner.

À quel moment hiérarchisez-vous l’information traitée dans vos éditions ?

Une fois ma journée terminée à l’antenne, je transmets à Denis Girolami un nombre d’axes de travail. Il en dispose aussi et nous fusionnons ces idées. À 18h30, nous avons une conférence téléphonique tous ensemble. Une première mise en page de la matinale du lendemain est élaborée. Je me couche en sachant très exactement ce que comporte la matinale : la position des sujets, les thématiques, les chroniques. Le lendemain, selon l’évolution de l’actualité, nous procédons à des ajustements jusqu’au dernier moment et même pendant l’émission pour avoir une antenne correspondant au déroulé de l’actualité.

La matinale de BFMTV affiche un ton décontracté sur des chroniques plus légères avec des animateurs qui se déplacent sur le plateau. Jugez-vous les matinales Françaises trop rigides par rapport à ce que l’on peut voir aux États-Unis, en Angleterre ou en Allemagne ?

Je veux introduire du mouvement. Je ne supporte plus les présentations derrière le bureau. Elles sont vieillottes et datées. Avec Adeline, nous sommes debout. Le journal de la demi-heure est désormais lui aussi un journal debout pour gagner en proximité et en décontraction. Notre ton est assez libre, cash, qui peut aller jusqu’au tutoiement. C’est exigeant physiquement et techniquement difficile pour les techniciens de BFMTV, car la mise en page n’est pas classique. La prise de risque fait partie de mes moteurs. Il faut se remettre en question tout le temps.