Toutelatele

Les Grandes Gueules, David Dickens : « Je suis conscient que ma personnalité est clivante »

Joshua Daguenet
Par
Rédacteur TV & Séries
Publié le 28/06/2020 à 19:10

David Dickens, directeur marketing d’une entreprise suisse, est aux Grandes Gueules depuis 2017. Pour Toutelatele, le chroniqueur a commenté l’actualité et ses combats personnels.

Joshua Daguenet : Après avoir mimé depuis votre fenêtre une mise en joue de joggeurs lors du confinement, vous avez été placé en garde à vue pour « incitation à la haine » et « appel au meurtre » à la suite de dénonciations anonymes. Avez-vous eu le fin de mot de cette histoire ?

David Dickens : Il y a eu énormément de signalements sur la plateforme Pharos. Le procureur de Paris a demandé une intervention de la BRI [brigade de recherche et d’intervention, ndlr] donc ça aurait pu être beaucoup plus grave, car la BRI est moins conciliante que la police judiciaire du XVIIe arrondissement. J’aurais eu ma porte défoncée et une perquisition musclée. La Police judiciaire s’est saisie de l’affaire, car ils savaient que je n’étais pas un meurtrier potentiel et j’ai bénéficié du statut de témoin libre avec des gens, fans de l’émission, qui ont été bienveillants avec moi. Je n’ai pas mesuré suffisamment la représentativité et l’exposition des Grandes Gueules de RMC. Mon geste n’était pas pertinent.

Vous êtes très actif sur les réseaux sociaux. Sont-ils, aujourd’hui, le premier terrain catalyseur de débats devant même les émissions de talk à la radio et à la télévision ?

Surtout pas. Les réseaux sociaux sont le degré zéro de la communication. Il est difficile d’émettre une pensée articulée en 280 signes et c’est la difficulté de l’exercice, car on est régulièrement interpellé sur différents sujets.

Le mouvement « Black lives matters » dont vous êtes un fervent défenseur, reste-t-il perfectible ?

Je suis arrivé à New York, issu d’une famille très singulière. J’ai grandi à Trappes où on parlait le français, le créole, l’italien, le polonais, l’anglais, l’espagnol et l’allemand. Je vois la France par ce prisme-là, mais on ne s’inscrit pas dans ces tensions-là. Ce qu’on appelle le grand remplacement n’est pas un sujet dans notre famille. S’il y a un grand remplacement, ce n’est pas un grand remplacement unilatéral de la population d’origine étrangère. Dans ma famille, il n’y a plus d’enfant noir, ce n’est pas un problème, mais une richesse. Je ne suis pas manichéen et j’ai tendance à penser que la vérité se trouve au milieu. « Black lives matters » est un mouvement important, mais il est américain, car le racisme est structurel aux États-Unis. Pas ici. On constate que la procureure de Los Angeles est noire, le procureur de Minneapolis est noir, mais le système est pervers, car ils sont élus par des syndicats de police, à la tête d’une machine infernale. George Floyd n’est ni un héros ni un martyre, mais cela ne justifie pas que l’on meure à l’issue d’une garde à vue. La police n’a pas le pouvoir de condamner à mort.

« Le racisme est structurel aux États-Unis. Pas en France »

En 2019, vous êtes revenu très marqué d’une mission humanitaire en Irak où vous avez rencontré des jeunes victimes de Daesh. Comptez-vous repartir sur le terrain ?

Tout à fait. Cela a été mis entre parenthèses à cause du Covid-19. Ce sont des enfants yézidis, d’ex-soldats de Daesh, qui ont survécu à la Guerre de Mossoul ayant touché durablement les chrétiens d’Orient. Ils vivent des problématiques que l’on ne connait pas aujourd’hui. Ces enfants ont été entraînés à gravir des façades d’immeuble avec un câble, retenir leur respiration longtemps... En leur faisant pratiquer du sport, je me suis rendu compte que ce qui pouvait avoir été appris par Daesh pouvait être déconstruit. Nous avons fait participer ces enfants aux arts du cirque.

La culture est aussi l’une de vos préoccupations avec des secteurs d’activité en rade. Faut-il pour autant appeler les Français à se ruer vers les théâtres et les cinémas, de nouveau accessibles ?

Se ruer, je ne sais pas, mais il faut une logique nationale. Je crois que les tensions viennent de la nébuleuse qui émane de ce déconfinement. Les enfants doivent respecter les gestes barrières à l’école, mais ils font ce qu’ils veulent dans les parcs. Les cirques et les théâtres ne sont pas ouverts. On déplore d’être les dindons de la force. On n’a pas vu le Ministre de la culture, Emmanuel Macron n’a pas parlé de la culture dans sa dernière allocution. Nous avons mis en ligne des spectacles en téléchargement gracieux pour accompagner les Français, mais nos efforts n’ont pas été récompensés. Nous ne disposons d’aucune information pour la reprise des spectacles de plus de 5 000 personnes, or, ce sont des spectacles internationaux qui nécessitent huit ou neuf mois avant le permis de travail. Il faut procéder à une demande de visa, caster des artistes, fabriquer des costumes, louer les salles...

« Les jeunes de l’immigration me témoignent un grand intérêt »

En 2007, vous avez soutenu Nicolas Sarkozy, pas en 2012. En 2017, vous avez défendu Alain Juppé, Manuel Valls puis Emmanuel Macron. Votre choix est-il fait pour 2022 ?

Je ne suis pas le vassal d’un héros supposé. Il est plus facile d’opposer que de soutenir. Pour 2022, ma décision est soumise à un certain nombre de paramètres, comme la sortie de crise sanitaire. J’ai été très fervent à l’égard de Nicolas Sarkozy. Je l’ai vu apporter un changement de paradigme dans ce qu’était la France et je m’inscris dans cette affiliation. J’ai aimé dans Emmanuel Macron cette volonté de rassembler, mais il m’a un peu déçu sous certains aspects. J’ai aussi beaucoup d’admiration et de respect pour Édouard Philippe.

SSE Group vous emploie en tant que directeur marketing. Comment a évolué votre activité ces dernières semaines avec la crise sanitaire ?

L’activité a été terriblement impactée. Nous avons subi un nombre incommensurable d’annulations, dont Airbus, qui est un gros client qui avait pris plusieurs dizaines de milliers de places. Nous sommes arrivés à une perte du chiffre d’affaires de 50%. Depuis la mi-juin, nous connaissons un frémissement. Notre chef commercial a entré deux séances complètes représentant 111 000 places.

Vous voyez-vous à la table des Grandes Gueules la saison prochaine ?

C’est très singulier, car lorsque j’ai commencé l’émission de manière candide, à 53 ans, ma carrière est déjà faite. Ce boulot est formidable, car les Grandes Gueules est la seule émission qui met en avant des personnalités de la société civile. Elle ne brigue pas les gens, la parole est libre. Nous ne sommes pas journalistes et ne sommes pas soumis au devoir de réserve. J’ai aussi subi de plein fouet la violence, car ma personnalité est clivante, j’en suis conscient. Paul Larroque, le producteur, m’a fait comprendre que les gens qui m’insultaient ne me diraient rien dans la rue. J’ai décidé de poursuivre, car j’y suis vraiment bien, je me rends compte du rôle de représentativité, notamment auprès des jeunes de l’immigration qui me témoignent d’un grand intérêt.