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Dîner vraiment parfait / MasterChef : le public au bord de l’indigestion ?

Alexandre Raveleau
Publié le 01/09/2010 à 12:04 Mis à jour le 03/09/2010 à 09:15

Deux soirs par semaine, les amateurs de bonne chère ont les papilles en émoi en regardant la télévision. Chaque lundi, M6 propose la deuxième édition du Combat des régions, avec la crème de la crème des hôtes de son Dîner presque parfait. Trois jours plus tard, à la même heure, les concurrents de Masterchef jouent du couteau et de la mandoline sur TF1. Outre leur thématique, les deux programmes ont un point commun : ils opposent des non professionnels, à l’épreuve des fourneaux. La toque assumée, les amateurs sont plus que jamais présents dans les brigades, remplaçant les experts et chefs en cuisine.

Il paraît bien loin le temps où Michel Oliver et Anne-Marie Peysson expliquaient leurs secrets de fabrication dans La Vérité est au fond de la marmite, jadis sur Antenne 2. Dès années plus tôt, à l’aube des années 60, son père, le chef Raymond Oliver, partageait déjà son plan de travail avec Catherine Langeais. Ensemble, ils enseignaient l’art de la Cuisine pour les hommes et la Magie de la cuisine, sur la seule antenne de l’ORTF. Depuis lors, Maïté et sa comparse Micheline, Jean-Pierre Coffe, Vincent Ferniot, David Martin, Joël Robuchon, ou plus récemment Julie Andrieu, Laurent Mariotte et Cyril Lignac ont conquis les gourmands avec leurs recettes inédites.

Tous ces as de l’assaisonnement et de la juste proportion cohabitent dorénavant sur les grilles des programmes avec leur propre public. Nourris aux conseils des chefs, les amateurs sont devenus les nouvelles vedettes des émissions culinaires. Après cinquante ans de leçons sur petit écran, place a donc été faite à la pratique pour tous. Portée par l’énergie de Cyril Lignac (Oui chef !, Chef la recette...), M6 a plongé la première dans la mêlée. Proposé sur la grille en 2008, son Dîner presque parfait devait très vite symboliser la soudaine passion dévorante des Français pour la gastronomie, supplantant la déco dans le cœur des ménagères. Et cerise sur le gâteau, jamais le 18 heures de la chaîne privée n’avait connu pareil succès. Il n’en fallait pas plus pur que les diffuseurs passent à la vitesse supérieure.

Après plusieurs « spéciales » adaptées de son access, M6 s’est lancé à corps perdu dans son premier Combat des régions à la fin de l’été 2009. Programmé en deux phases distinctes, en première et seconde partie de soirée, le concours a touché jusqu’à 4.36 millions de téléspectateurs en prime time, lors du dernier numéro. Ce même soir, en direct entre 23 heures et 0h30, la victoire de Grégory avait alors réuni 4.59 millions de Français, pour 35.8% du public. Triomphe en deuxième partie de soirée, succès crescendo en prime time, un Dîner presque parfait : le combat des régions avait rassasié les moins de 50 ans et son diffuseur.

Absent sur le créneau, TF1 aura donc mis plus d’un an avant de débuter son aventure Masterchef, le 19 août dernier. Avant cela, sa concurrente a déjà joué le deuxième mouvement de sa symphonie gustative avec Top Chef. La real tv mettant en scène de jeunes chefs expérimentés a tenu en haleine pendant tout l’hiver et le printemps derniers 3.45 millions de téléspectateurs, touchant en moyenne 16% du public et 24.2% des femmes de moins de 50 ans. Avec deux succès d’avance en prime time et un en access, M6 apparaissait jusqu’à ce mois d’août 2010 comme infaillible en la matière. Elle a par ailleurs d’ores et déjà annoncé les castings de son Top Chef 2011, actuellement en cours.


Pour entrer en piste, et démarrer un service impeccable, TF1 a donc choisi de voir les choses en grand, voire très grand. 18 000 candidats, « la plus grande cuisine au monde » avec 10 000 mètres carrés d’espace, des lieux insolites de défis tels qu’un bateau militaire ou le Mont-Saint-Michel et un camion d’oignon en guise de bienvenue : l’heure est plus que jamais à la surenchère sur la case du jeudi soir. Sur fond de mécanique classique en matière de real tv (castings, épreuves éliminatoires et sentences du jury), Masterchef a même eu la primeur de congédier les sacro-saints policiers du jeudi...

Malgré des moyens colossaux, tant au niveau publicitaire que matériel, et une programmation de premier ordre, l’émission de Carole Rousseau a démarré sans conviction. Devant la télévision, tout juste 3.81 millions de téléspectateurs ont réservé leur place à la table des chefs Anton et Camdeborde, au soir du lancement. Bien que leader de la soirée, la real tv n’a rassemblé qu’un petit 23.8% de part de marché entre 20h45 et 23h40. Le 26 août dernier, fabrication d’une mayonnaise et recettes du marché n’ont encore convaincu que 4.03 millions d’amateurs, pour 23.6% du public. Mis au régime sec en matière d’inédit pendant l’été, les amateurs de Bones ont dans un même temps offert à M6 le leadership entre 21h30 et 22h15, à l’occasion d’une nouvelle enquête de la saison 5.

En appliquant les recettes de sa concurrente, avec un zeste d’épreuves de techniques basiques en plus, TF1 ne semble pour le moment pas du tout récolter les fruits de ses réflexions. À trop « festoyer » - jusqu’à 3h30 de durée d’antenne par épisode - le public semble avoir déjà perdu un peu de son appétit... De l’autre côté du PAF, le Combat des régions deuxième édition a lui aussi démarré bien calmement. Au lancement, la région Est a intéressé tout juste 2.62 millions de Français en prime time, et le Dîner vraiment parfait 2.74 millions en seconde partie de soirée. La sélection du Sud n’a guère plus brillé, à quelques milliers de curieux près ce lundi 30 août. Même si ces scores correspondent à ceux du tournoi 2009, M6 compte sur un succès grandissant. TF1 en espère au moins tout autant.

Ne jurant longtemps que par ses figures emblématiques en la matière, France Télévisions a, elle aussi, mis plusieurs mois avant de s’engouffrer dans la brèche. Samedi 4 septembre, France 3 lancera son Repas de familles sur le créneau de 20 heures. Chaque week-end, deux fratries que tout oppose se retrouveront autour de la table, en lieu et place de Cyril Hanouna et Fa si la chanter. Le nouveau divertissement s’installe sur une case désertée par le grand public. En choisissant la cuisine, la chaîne publique espère que cette fois-ci la sauce prendra...

La saison 2010 / 2011 sera donc celle de tous les dangers culinaires. Jamais la télévision n’avait en effet recensé autant de programmes sur la question. Et si pour les plus connus la mécanique semble déjà bien huilée, d’autres pourraient rapidement être renvoyés en cuisine, peu au goût des téléspectateurs... Le PAF friserait-il la boulimie ?