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Enora Alix (Affaire conclue, France 2) : « Je participe avec plaisir, après j’ignore si je resterai... »

Joshua Daguenet
Par
Rédacteur TV & Séries
Publié le 03/03/2020 à 15:45

Enora Alix est l’une des rares commissaires-priseurs présente dès le coup d’envoi d’Affaire conclue en août 2017. Pour Toutelatele, l’experte a décrit ses rapports à l’émission, aux objets et à son métier.

Joshua Daguenet : L’émission est partie pour durer longuement eu égard aux très fortes audiences. Vous voyez-vous sur le long terme dans Affaire conclue ?

Enora Alix : Ce n’est pas du tout moi qui vais choisir. Le téléspectateur ne doit pas se lasser. J’aime ce que je fais. Les commissaires-priseurs voient beaucoup d’objets, nous sommes curieux et aimons parler de ce qui nous intéresse. Je participe avec plaisir à Affaire conclue, après j’ignore si j’y resterai, mais actuellement tout se passe bien. J’espère que ce succès encouragera les gens à acheter des objets d’art et des objets de brocante.

Comment sont désignés les commissaires-priseurs qui vont effectuer l’estimation d’un objet plutôt qu’un autre ?

C’est le hasard. En une journée, nous estimons plusieurs objets. Cela n’a pas d’incidence car le commissaire-priseur est généraliste. Nous savons tous estimer une commode antique, une miniature, un bronze art-déco, un vase Gallé… Nous pouvons rencontrer plusieurs vases Gallé mais ils seront toujours différents. Moi, quand je vais en estimer un, je vais davantage insister sur la technique tandis qu’un confrère appuiera sur l’art nouveau et un autre sur l’école de Nancy. Ce serait triste si c’est toujours la même personne qui estimait les bijoux ou les instruments à musique. Cette répartition par la production est très bien. Nous n’enchaînons jamais trois objets de suite pour ne pas être essoufflé et cela permet de se reconcentrer sur un autre objet.

Quelles sont vos relations avec les autres experts de l’émission ?

Les relations sont faciles, tout se passe hyper bien. De mon côté, je connais plus Harold [Hessel, ndlr] et Jérôme [Duvillard] que les nouveaux. Tout le monde est content d’être là et l’ambiance est bonne. Chacun écoute les expertises des autres. Ce qui est plus surprenant est que l’on connait moins les acheteurs car nous sommes totalement séparés. Une fois que nous expertisons l’objet numéro 3, ils sont en train d’acheter l’objet numéro 2. Les commissaires-priseurs vont avoir terminé leurs expertises alors que les acheteurs continuent de négocier leurs lots. Quand je termine ma journée admettons à 19 heures, je suis bien contente de rentrer chez moi.

« Vis-à-vis de notre clientèle, on ne peut pas se décrédibiliser »

Les acheteurs ne sont jamais venus vous voir pour revenir sur des objets estimés ?

Ce n’est pas le but de l’émission, et non, puisque on enchaîne toute la journée avec les expertises alors qu’eux enchaînent toute la journée avec les achats. On peut se croiser autour d’un café mais le rythme est intense et nous n’avons de pause qui permettrait à tout le monde de se rassembler de telle heure à telle heure.

Quels objets vous ont profondément marquée jusqu’à présent ?

En vente aux enchères, nous rencontrons beaucoup d’œuvres exceptionnelles. Tout ce que j’aime bien à Affaire conclue sont les objets intéressants sur lesquels il y a des choses à dire car ils sont caractéristiques d’une époque, ont un style ou proviennent d’un nom connu. J’ai été ravie de faire les argenteries, de parler de bijoux. J’ai peut-être été moins fascinée quand on m’a présentée une mallette de médecin ou un nécessaire de toilette en métal argenté parce qu’il y avait moins à dire en matière de l’histoire de l’art. J’ai en mémoire une belle broche du XIXe siècle ornée d’un gros insecte et qui avait été estimée par Marie [Renoir, ndlr]. Un tel objet a beaucoup de potentiel et vous le croiserez une fois dans votre vie.

Il y a quelques jours, Sophie Davant a taclé votre manque d’humour dans la séquence où vous aviez estimé une levrette le plus sérieusement du monde, alors que l’animatrice était partie dans un interminable fou rire…

Dans Affaire conclue, chaque animal est source d’amusement. De mon côté, je suis restée sérieuse. Mon petit rôle de commissaire-priseur est de faire de l’expertise et transmettre des petites informations au téléspectateur. Je n’avais jamais fait de télé avant, tout est fait en une seule prise et on ne veut pas dire de bêtise. Donc, oui, je suis restée dans mon expertise comme à mon habitude. Je n’ai aucune vexation à ce sujet, au contraire. Avoir une image sérieuse me fait plaisir. Vis-à-vis de notre clientèle, on ne peut pas se décrédibiliser.

« Certains clients que je n’ai pas revus depuis des années sont revenus vers moi »

Il est vrai que vous laissez l’image d’une grande professionnelle et d’une commissaire-priseuse imperturbable en toute circonstance…

Une émission émane de la vie de tous les jours. C’est un équilibre. Si tout le monde a les mêmes qualités et les mêmes défauts, ça ne peut pas fonctionner. Ce qui peut rendre malheureux est la susceptibilité et il n’y avait pas lieu de l’être car elle n’a rien dit de mal.

Quels conseils pouvez-vous donner aux vendeurs inexpérimentés de l’émission pour tirer un prix optimal de leur objet en salle des ventes ?

Les amateurs n’ont pas besoin de faire de recherches sur leurs objets. Nous allons leur donner tous les points forts et le conseil que je leur donnerais est de bien retenir toutes les informations. Il y’a peu, j’ai estimé une coupe faite par René Lalique de son vivant. La Maison Lalique existe encore et il y a une vraie différence entre les pièces réalisées de son vivant et celles après sa mort. J’ai donné cette information au vendeur et j’espère qu’il l’a dit en salle des ventes. Les acheteurs ont tous leur domaine de prédilection et de compétence : des éléments fiables peuvent susciter la convoitise.

Votre arrivée dans Affaire conclue coïncide avec la création d’Enora Expertise. Est-ce que l’un aurait pu se faire sans l’autre ?

J’aurais pu le faire car j’étais déjà commissaire-priseur. Enregistrer une entreprise ne coûte pas très cher, tout le monde peut le faire. L’émission a donné de la notoriété mais j’avais déjà une clientèle qui regarde maintenant Affaire conclue. Certains que je n’avais pas vus depuis des années sont revenus vers moi.

Pensez-vous que l’émission de France 2 a « déringardisé » les ventes aux enchères ?

Je ne le dirais pas comme ça car je n’ai jamais trouvé que l’on exerçait un métier ringard. Affaire conclue a permis aux téléspectateurs de se rendre compte que le commissaire-priseur est une personne accessible. Notre génération n’est pas ce vieux monsieur en costume trois pièces, coincé derrière un bureau. J’estime qu’il reste du job à faire car il y a encore des personnes qui achètent des meubles neufs, moches, en bois, aggloméré, avec de la peinture toxique. Nous pourrions avoir un plus grand impact au niveau de la consommation. Aujourd’hui, le commissaire-priseur est une personne passionnée par la brocante mais qui peut aussi être très branchée, moderne, et si tout le monde ne s’en était pas rendu compte, c’est un joli message.