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Evelyne Thomas / C’est mon choix : « Un jour, un des primes a battu TF1, et les ennuis ont commencé... »

Publié le 06/05/2021 à 14:33 Mis à jour le 06/05/2021 à 16:09

Pour fêter les 20 ans de Toutelatele, Evelyne Thomas, animatrice de C’est mon choix, est revenue sur la genèse et le succès de l’émission culte de France 3.

Toutelatele : Le 22 novembre 1999, C’est mon choix a été propulsé sur l’antenne de France 3. Comment êtes-vous arrivée à l’époque sur ce projet ?

Evelyne Thomas : C’est une longue histoire parce que j’ai démarré ma carrière de journaliste il y a fort longtemps. J’ai un parcours assez éclectique : j’ai présenté des JT, j’ai fait des émissions de culture rock, de faits divers… Un jour, des Américains ont débarqué en France pour monter le premier talk-show à l’américaine. Il s’est appelé Evelyne et était sur TF1 à 11 heures du matin. Le programme a fait un carton, mais n’a, pourtant, pas duré très longtemps. Jean-Luc Delarue, aimant beaucoup les talk-shows américains, m’avait repéré. Un jour, il a frappé à la porte de ma loge et m’a dit : « Écoutez, je trouve formidable ce que vous faites. Bravo, c’est tout ce que j’aime. On se reverra. » Deux ans après cette rencontre, j’étais au chômage, et Jean-Luc Delarue m’appelle. J’ai cru que c’était un ami avocat me faisant une blague. Je ne savais plus quoi dire. Jean-Luc me dit : « Est-ce que vous êtes libre pour venir me voir cette semaine ? » Tout a démarré ainsi…

Pourquoi le talk de TF1, Evelyne, s’est-elle brusquement arrêtée ?

L’émission était fabriquée par la régie publicitaire de TF1. Etienne Mougeotte (directeur d’antenne et des programmes, NDLR) n’avait pas la main dessus, donc il y avait des bisbilles internes. Cela gênait un peu... On a commencé en janvier, on a pris la tranche à 12% de part d’audience, et on l’a amenée à 36/40% fin juin. À l’image de Jean-Marc Morandini et Jacques Pradel, on a été sacrifiés dans l’histoire de la quête de sens. J’ai eu cinq mois pour m’éclater à faire le premier talk-show à l’américaine en France. J’ai appris beaucoup de choses : pas de prompteur, pas d’horloge, pas de retour antenne… Une heure, toute seule avec mes invités ! Les producteurs américains ont été séduits par le fait que j’étais journaliste.

« Sur TF1, j’ai eu cinq mois pour m’éclater à faire le premier talk-show à l’américaine en France »

Auguriez-vous un tel succès et une telle longévité au moment de lancer C’est mon choix sur France 3 ?

Dans ma vie professionnelle, j’ai toujours eu des rêves. En arrivant à la télé, je voulais faire une émission culture rock à la De Caunes. Je me suis donné les moyens d’y arriver, j’étais déjà coproductrice à l’époque. Après, je me suis dit que je voulais faire le JT. J’ai un parcours très éclectique. Bien qu’en France on met les gens dans des cases, je me suis toujours battue contre cela. Quand les Américains m’ont recruté, je présentais le JT de France 3 Paris. Je m’ennuyais derrière mon prompteur, j’en avais un peu marre. J’ai rencontré des producteurs américains incroyables et je me suis dit : « Il y a un truc ». L’émission s’est arrêtée au bout de six mois sur TF1, mais j’avais mes audiences pour moi. Avec ses équipes, Jean-Luc Delarue a eu le talent de franciser le concept et de trouver un titre culte : C’est mon choix. Pourtant, il a eu du mal à le vendre, aucune chaîne n’en voulait. France 3 a mis du temps à l’accepter. De la même manière que la relance en 2015 sur Chérie 25, je sentais qu’il y avait un coup à jouer. Ce n’était pas facile de moderniser une émission qui avait déjà existé. J’avais la vision de ce qu’il fallait faire d’une émission mixant des invités ayant des choses à dire, avec un public pour interagir avec eux et une animatrice chargée de faire tourner la mayonnaise.

Vous souvenez-vous du thème de la première de C’est mon choix ?

Oui, il s’agissait de « Je fais tout pour maigrir », un très bon angle. On l’a refait quinze ans plus tard. La première a fait de bonnes audiences. La chaîne était contente. Mais, le lendemain, on a passé « J’ai fait un bébé à 45 ans » et cela a été un bide monstrueux. Comme on avait monté une quinzaine d’émissions, on a changé toute la grille de programmation avec l’accord de France 3. On s’est dit : « Il y a des thèmes qu’on ne va plus faire ». En très peu de temps, on a tout remanié. Le mercredi, c’était reparti et cela n’a plus cessé de monter.

Il y a eu un thème ayant marqué les téléspectateurs, devenu régulier par la suite, à savoir le relooking avec le fameux miroir. Comment cette mécanique est-elle arrivée dans le programme ?

Quand je travaillais avec les Américains pour Evelyne, ils avaient l’habitude de faire du relooking en plateau. On a monté dans cette émission avec les premiers relookings de la télévision française. Quand j’arrive chez Jean-Luc Delarue, je lui dis qu’on se devait d’en faire. J’ai mis un an à batailler pour qu’on fasse le thème. C’est toute une alchimie. Il ne faut pas se rater, et les proches des candidats ne doivent rien voir. Souvent, on leur fait des surprises. C’était tout un ensemble de mécanique qu’on a peaufiné.

« Jean-Luc Delarue a eu le talent de franciser le concept et de trouver un titre culte »

Par la suite, des primes ont été proposés. À l’époque, il était assez atypique de passer d’une quotidienne à une première partie de soirée. Pouvez-vous nous parler de la genèse de ces prime times ?

On n’était pas pressé, moi la première ! Je n’ai jamais été à cheval sur les primes. Je suis une fille de daytime. Les primes, m’ont toujours fait un peu peur. C’est très « casse-gueule ». Un jour, on nous l’a proposé. On s’est beaucoup posé de questions, mais on s’est lancés. On ne savait pas si on allait en faire un deuxième.

Comment avez-vous vécu le succès de ces primes ?

Un jour, un des primes a battu TF1, et les ennuis ont commencé (rires). Personne ne croyait au daytime à l’époque. On est aussi passé en best of à 20 heures où on a talonné de près le 20 heures de PPDA sur TF1. Du coup, la chaîne mettait C’est mon choix un peu partout sur sa grille, et cela marchait.

Il y a eu une polémique avec le CSA sur le contenu éditorial. Cela avait fait beaucoup parlé dans les journaux. Comment l’avez-vous vécu et avez réagi en interne ?

Cela a commencé quand on a fait de l’ombre aux autres chaines... À l’époque, peu d’émissions faisaient parler le public. C’est mon choix était très populaire, mais choquait une « certaine intelligentsia », car le public intervenait. J’étais extrêmement protégée par les équipes de Réservoir Prod qui produisait le show. C’est la « rançon du succès d’une émission populaire »… Strip-tease, qui faisait les grandes heures des journaux intellectuels de l’époque (sur France 3, NDLR), était beaucoup plus « voyeuriste » que l’ambiance bon enfant de C’est mon choix.

« Avec C’est mon choix, on a réussi à faire une émission que personne d’autre est parvenu à lancer ni à maintenir »

C’est mon choix s’arrête une première fois en 2004. Le quotidien Le Parisien annonçait alors que l’arrêt faisait suite « à une discorde avec la production sur le contenu éditorial ». Quelles étaient vos requêtes à l’époque ?

On était en plein renouvellement du président de France Télévisions, Marc Tessier. Je sentais qu’il fallait qu’on s’adoucisse un peu. J’avais dit à Jean-Luc : « Tu sais, il faudrait qu’on fasse quelque chose d’un peu plus posé avec des thèmes plus sérieux. » Ce n’était pas le choix a priori de la chaîne. Jean-Luc ne voulait pas trop et il s’est passé plein de choses…

Aviez-vous conscience que C’est mon choix révolutionnait le talk de daytime ?

Ce qui m’amusait, et m’amuse toujours, est de tenter de faire des choses que les autres ne font pas et d’aller là où on ne m’attend pas. On a réussi tous ensemble à faire une émission que personne d’autre est parvenu à lancer ni à maintenir. Quand j’arrivais sur le plateau, on sentait qu’il se passait quelque chose, et cela était encore le cas sur Chérie 25.

Pensez-vous que C’est mon choix est un format intergénérationnelle étant donné le succès de l’émission sur YouTube ?

Le pari C’est mon choix sur Chérie 25 n’était pas gagné. Quand je suis revenu en 2015, il a fallu moderniser l’émission de la version de France 3. Les habitudes des téléspectateurs et les temps ont changé. Il fallait que cela soit différent, plus fun et que cela change. Il n’y a pas de recette miracle, juste un feeling et cela a marché. Quand l’émission était en rediffusion les dimanches avec cinq épisodes, nous étions leaders TNT ainsi que sur la ménagère. J’en suis très fière. Concernant la chaîne YouTube, celle-ci dépasse le million d’abonnés. C’est très amusant parce que cela fait longtemps que je disais à Réservoir Prod : « Il faut qu’on se lance dans le digital ». L’avenir de toutes les émissions de flux est digital et c’est le cas pour C’est mon choix.

Si aujourd’hui on vous propose de prolonger, à nouveau, l’aventure C’est mon choix, que répondez-vous ?

Oui, sans hésitation ! Même si j’adore faire autre chose, l’étiquette C’est mon choix me collera toute ma vie. Je fais Snapped, une émission qui fonctionne très bien en prime sur Chérie 25. C’est mon choix a beaucoup d’avenir sur le digital. D’ici quelque temps, on pourrait même avoir quelques surprises !

Découvrez la vidéo sur C’est mon choix

«  Bon anniversaire Toutelatele ! Ce n’est pas un choix, mais des années qui marchent ! C’est un carton, c’est super ! Merci à vous !  » Evelyne Thomas, journaliste et animatrice