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Faites entrer l’accusé / Frédérique Lantieri : « Remplacer Christophe Hondelatte a été un sacré défi à relever »

Publié le 13/05/2021 à 16:18 Mis à jour le 27/05/2022 à 00:29

Pour les 20 ans de Toutelatele, Frédérique Lantieri est revenue sur les coulisses de Faites entrer l’accusé, émission qu’elle a présentée dès 2011, après Christophe Hondelatte.

Toutelatele : Le 6 juin 2000, France 2 a lancé une série de trois documentaires intitulés Histoires de…, thématisés autour des crimes sexuels avec des psychologues et experts. En tant que journaliste judiciaire à l’époque, vous souvenez-vous de cette collection ?

Frédérique Lantieri : Oui car j’y ai participé en tant que journaliste. J’avais couvert l’histoire de la josacine empoisonnée dans laquelle une petite fille est morte après avoir avalé un antibiotique où il y avait du cyanure. Je me souviens très bien que l’on marchait en pleine nuit le long de la Seine, dans une atmosphère « 36 quai des Orfèvres » façon polar, comme dans Maigret. Christian Gerin, le producteur, Bernard Faroux et Christophe Hondelatte ont amélioré l’émission petit à petit et ont trouvé la structure et la peinture qu’elle a aujourd’hui.

Il s’agissait des prémices de Faites entrer l’accusé. Et le 30 octobre 2011, vous êtes propulsée aux commandes du magazine, après déjà onze ans d’existence. Comment est-ce arrivé ?

C’est un peu par hasard. Je suis restée amie avec le producteur Christian Gerin. Et à l’époque, j’habitais en Inde, et il est venu là-bas avec toute sa famille. Nous avons discuté d’un fait-divers que j’avais couvert et j’étais étonnée, car il était question d’une erreur judiciaire alors que je pensais qu’il n’y avait pas plus coupable que l’accusé en question. Peu de temps après, il m’appelle de Paris pour me proposer la présentation de Faites entrer l’accusé. J’ai accepté de passer les essais et après plusieurs mois, je pensais que France 2 avait choisi quelqu’un d’autre. Puis mon téléphone a sonné alors que j’étais en reportage. Christian m’a annoncé que la chaîne avait opté pour moi. J’ai commencé tout de suite.

À l’antenne, votre première enquête diffusée a été celle de « Zibha, l’homme du ferry » Vous en souvenez-vous ?

Oui, et cette histoire était très intéressante car elle présentait une course contre-la-montre entre les enquêteurs et cet homme ayant pris la fuite. Il avait tué sa compagne et cherchait à rejoindre l’Algérie. Or, s’il y parvenait, il ne pouvait pas être expulsé. Zibha avait pris un train puis le ferry. L’enjeu était d’éviter qu’il parvienne aux eaux algériennes. Les enquêteurs ont convaincu le Capitaine d’arrêter le bateau et de faire une petite entourloupe pour permettre l’arrestation de Monsieur Zibha.

« Faites entrer l’accusé raconte un crime à la manière d’un roman policier avec un début, une fin, des rebondissements et des personnages étonnants »

Avez-vous suivi vos premières audiences aux commandes de Faites entrer l’accusé ?

C’était un sacré défi à relever, car Christophe Hondelatte avait extraordinairement imprimé sa marque à cette émission. Il la jouait très flic avec son blouson donc je devais incarner quelqu’un d’autre, jouer un nouveau personnage, on avait pensé à un juge. Pour moi, ce n’était pas gagné, mais les audiences nous ont réconfortés. La suite a continué ainsi, donc tant mieux.

L’émission a connu plusieurs liftings avec l’intervention, à l’antenne, de quelques techniciens du crime…

À un moment donné, nous avions demandé à Dominique Rizet de partir avec sa moto et d’interviewer les techniciens du crime dans des lieux emblématiques. Cela n’a pas fait long feu, donc nous sommes repartis sur un concept plus traditionnel. Nous avons cependant modernisé les choses tout en gardant l’ambiance polar, nuit, les couleurs chaudes, les lumières tamisées, le remplacement du calepin par la tablette…

Comment se prépare un numéro type de Faites entrer l’accusé ?

Nous sommes un certain nombre à voter pour les histoires et nous déterminons si nous avons de quoi tenir 90 minutes avec des rebondissements, du suspense, et des personnalités suffisamment intéressantes sinon cela ne tient pas la route. L’affaire est ensuite confiée à un réalisateur et durant cette période, je n’interviens pas vraiment. Je reprends mon rôle lors du montage et nous nous mettons d’accord sur les invités et le contenu du film. Après cette sélection, j’essaie d’écrire les questions et mes relances. Je dois très bien connaître le dossier pour poser des questions pertinentes, car les témoins doivent avoir cette impression que l’on possède cette affaire. Les deux jours d’enregistrement demandent beaucoup de concentration et de préparation. Je répétais mon texte, car je n’ai jamais eu de prompteur pour ma part.

« La narration n’a porté atteinte à la rigueur journalistique dans Faites entrer l’accusé »

De nombreux magazines similaires ont vu le jour par la suite. Ont-ils affaibli la marque ?

Non, en aucun cas. Personne n’est jamais arrivé à la cheville de Faites entrer l’accusé, car ce ne sont pas les mêmes moyens, et ce, sans vouloir dénigrer mes confrères. Cette mode du fait-divers sur toutes les chaînes a peut-être banalisé notre propos qui était original à l’époque.

Sur la centaine de numéros que vous avez présentés, une affaire vous a-t-elle particulièrement marquée ?

Plusieurs dossiers m’ont particulièrement marqué. Dans l’une des affaires, l’assassin s’appelait Ponce Gaudissard. Un personnage très cruel. Il a failli ne pas être intercepté. J’ai aussi en mémoire l’histoire de Claude Nobilé, accusé du meurtre de sa fille juste parce qu’il était là, qu’il l’avait prise dans ses bras alors qu’elle arrivait ensanglantée, poignardée. Les enquêteurs n’avaient pas d’idées donc ils l’ont accusé. Il va tout perdre : sa famille, ses amis, sa maison, son travail… en plus de sa fille. On ne trouvera que quelques années plus tard le véritable assassin. Et c’est l’une des rares fois ou un Procureur va s’excuser au nom de la justice auprès de cet homme qui n’avait pas forcément les mots, ni l’attitude, car il n’avait pas les clés.

Faites entrer l’accusé est-il finalement un format immuable ?

Oui car les criminels sont toujours là, même si le taux de résolution est bien meilleur et plus rapide. Je pense que vous aurez toujours des polars dans dix ans à la télévision. Faites entrer l’accusé raconte un crime à la manière d’un roman policier avec un début, une fin, des rebondissements et des personnages étonnants. La notoriété de l’émission fait que nous avons toute l’étendue de l’affaire avec des interviews de personnes que nous sommes les seuls à obtenir. Le téléspectateur est au cœur du dossier et il peut se créer son opinion. En aucun cas, la narration n’a porté atteinte à la rigueur journalistique, et cela mérite d’être signalé.

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