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Fort Boyard : un jeu d’aventures culte, à bout de souffle

Alexandre Raveleau
Publié le 20/08/2010 à 12:15 Mis à jour le 20/08/2010 à 19:08

La saison n’a pas été bonne pour Fort Boyard. Vingt et un après sa création, l’émission phare de France 2 laisse apparaître de sérieux signes d’essoufflement. Chaque samedi de l’été, Olivier Minne, a accueilli en solo de nouveaux valeureux candidats, hissant cette fois-ci pavillons « Cuivre » et « Titane ». Des inconnus du grand public ont cette année pris le relais des Eva Longoria, Chloé Mortaud ou autre Patrick Poivre d’Arvor, les stars de l’été dernier. À cette occasion, la mécanique du jeu a été complètement transformée.

Et la sentence, fatale, n’a pas tardé : le public n’a plus été au rendez-vous. En moyenne, plus d’un million de fidèles ont en effet quitté le navire par comparaison avec 2009. L’emblème des jeux d’aventures à l’ancienne semble plus que jamais écorné. Plus encore, un genre est peut-être en train de vivre ses dernières heures. Sur France 3, dans un style similaire, Mission Millénium est un échec total. Le successeur du classique la Carte au trésor termine sa diffusion dans les bas-fonds de la seconde partie de soirée.

Sur le Fort, finie donc la bonne humeur aux seules fins caritatives, retour aux fondamentaux du jeu. Après plus de dix saisons de mise à mal de vedettes, place a été faite aux « vrais » candidats, avec option stratégie. Réactions à chaud, confessions face à la caméra, les joueurs et les enjeux ont été replacés au centre de toute la mécanique. A cela s’est ajouté un aspect « feuilletonnant » de la dernière mode, les gagnants étant invités à revenir en deuxième semaine.

Au démarrage de l’été, 52 candidats affichaient fière allure, cheveux au vent sur l’ile d’Aix. Lors de chaque numéro du rendez-vous, huit d’entre eux devaient former les deux équipes partant à l’assaut des boyards. Après tirage au sort, la course pouvait démarrer, sur fond de duels mano à mano et cellules à prisonnier. Remporter la manche éliminatrice dite des clefs était la condition sine qua non pour affronter les « champions », cette fois-ci durant la quête du mot-clef. Au final, dans l’antre des tigres, seul un groupe repartirait avec le magot. L’objectif clairement affiché : amasser un maximum de gains au fil des émissions. Les trois quatuors ayant réuni le plus de boyards participent ce samedi 21 août à la grande finale, avec 50 000 euros en point de mire.

Le résultat de ces nombreux aménagements est traduit par des chiffres sans appel. Le jeu n’a dépassé qu’à deux petites reprises les deux millions de téléspectateurs au cours de ses deux mois d’exploitation. Avec des parts de marché gravitant autour de 13%, Fort Boyard enregistre son pire été historique. Ambitions surévaluées ? Règles trop compliquées ? Les questionnements ne manquent pas. Pour se rassurer, la chaîne publique peut justifier d’une concurrence déloyale au soir du lancement de son programme. Le 10 juillet effectivement, le match pour la troisième place de la Coupe du monde 2010 avait naturellement remporté tous les suffrages, ne laissant plus que quelques égarés à la concurrence. L’exposé des nouvelles règles n’a donc pas eu lieu dans les meilleures conditions.


Les deux semaines suivantes, les résultats avaient toutefois permis d’avancer en des eaux plus calmes. Le 17 juillet, Olivier Minne rassemblait 3.07 millions de curieux, soit 19.6% du grand public. Ce soir-là, à 30 000 Français près, France 2 prenait la tête des audiences devant TF1 et sa Soirée de l’étrange. Sept jours plus tard, 2.7 millions de fidèles retrouvaient les cellules, soit 16.8% de part d’audience. Mais ces chiffres ne sont en réalité que l’arbre qui cache la forêt. Bons scores cette saison, ils n’en demeurent pas moins des plus moyens au regard des saisons passées. Les numéros diffusés au mois d’août n’ont quant à eux pas résisté face aux rivaux, noyés au milieu des séries.

Depuis la création de Fort Boyard, le public n’avait pourtant jamais vraiment sourcillé à la découverte d’une mécanique inédite. Nouvelles cellules, épreuves de nuit, jeu des couleurs, duel du conseil ou plongée dans la citerne, on ne compte plus les aménagements. Seuls les clefs, les indices et la salle du trésor ont toujours été des éléments ancrés au centre du concept. En guise de guides, le Père Fouras, Passe-partout et la boule ont eux aussi toujours répondu à l’appel. Seul Passe-temps était aux abonnés absents cet été. En début de saison, son éviction avait fait couler ici ou là un peu d’encre, depuis bien vite séchée.

Reste alors le fond. Au début des années 90, l’inédit Fort Boyard a servi d’exemple à bon nombre de productions, telles que la Piste de Xapatan, le Trésor de Pago-Pago, la légende de Mélusine ou les Forges du désert. Sur France 3, l’aventure portait elle aussi un nom : la Carte au trésor. Le jeu avec Sylvain Augier a même réuni jusqu’à 5 millions de téléspectateurs. C’était en 2002, en des temps déjà lointains... Depuis, des real tv ont imposé leur rythme et, surtout, leur marque de fabrique. Koh-Lanta et Pékin express en tête, les amateurs de sensations fortes se sont laissé séduire par ces concepts où le dépassement de soi et l’exotisme ont remplacé clepsydres et roses des vents. Au Mexique, sur un mode hybride entre télé-réalité et jeu d’aventure, l’essai Mission Millénium a engendré l’un des plus beaux ratés de la télévision publique en matière de taux d’écoute. Nul besoin de s’y attarder.

Du large des Charentes, Fort Boyard serait-il donc passé de mode ? Après cet été tourmenté, la nouvelle direction de France Télévisions devrait se laisser un temps de réflexion avant d’accorder un crédit supplémentaire à l’aventure imaginée par Jacques Antoine. Fort Boyard délaissé par son public, ratage complet pour Mission Millénium, les jeux d’aventures à l’ancienne de France Télévisions ne sont plus vraiment en odeur de sainteté auprès du public...