Toutelatele

France 3 : recherche téléspectateurs désespérément...

Alexandre Raveleau
Publié le 13/11/2009 à 12:58 Mis à jour le 13/11/2009 à 13:48

Début octobre, stupeurs et tremblements étaient les maîtres-mots pour qualifier l’état de santé présumé de France 3. Si Plus belle la vie et l’information paradaient toujours au fronton, l’agitation était de mise dans l’arrière-boutique de la chaîne des régions. Les audiences moyennes du mois de septembre publiées, un arbre ne pourrait plus cacher la forêt : avec 11.2% de part de marché moyenne contre 11.3%, France 3 cédait sa place à M6 dans le trio de tête de la télévision. Une situation inédite au pays des médias. En 2007, France 3 affichait encore une moyenne de 14.1% de part d’audience...

Même si l’écart qui sépare les deux diffuseurs n’est le fruit que d’une poignée de téléspectateurs, les symboles ont mauvaise presse. Programmes jugés vieillissants, crise d’identité réaffirmée, prime-time en berne, un cap était sérieusement franchi à l’annonce des résultats. Et la parution ayant valeur de confirmation, France 3 n’a pas tardé à procéder à plusieurs ajustements de circonstance sur sa grille. Pour partir prestement à la reconquête du public, la chaîne a donc commencé à jouer la carte des valeurs sûres du moment. Cuisine (Côté cuisine) et affaires criminels (Faits divers) ont ainsi été déplacées à l’heure du déjeuner pour une mise en orbite, tandis que les fins d’après-midi ont vu fleurir un « nouveau » jeu, Slam.

Lancés aux dernières lueurs d’octobre, ces rapides aménagements n’ont pas suffi pour remonter une pente, au demeurant pour le moins savonnée. En effet, en plus d’une crise peut-être plus profonde que prévue, France 3 doit mener de front sa croisade face aux « petits » de la TNT, escamoteurs de précieux points d’audience. Au final, sur l’ensemble du mois d’octobre, France 3 a fait jeu égal avec M6, avec 11.2% de part de marché. Le chantier lancé ces dernières semaines par la chaîne publique pourrait n’être finalement que le point de départ pour de plus profondes modifications. Longtemps royaume des enfants, les fins d’après-midi figurent en première ligne de ce front. Un genre y est dorénavant omniprésent : les jeux.

Il faut dire que France 3 n’a jamais rien lâché sur ce créneau fédérateur. Depuis de longues, très longues années, Questions pour un champion et le 19/20 fédèrent un large auditoire en access, resté fidèle à Julien Lepers et aux informations régionales. Au cours du premier semestre 2009, les questionnaires culturels ont réuni plus de 2.2 millions de téléspectateurs en moyenne, affichant un leadership quasi-inviolable sur la cible des plus de 35 ans. Pourtant, le jeu ne touche plus qu’en moyenne 15% du public sur sa tranche de diffusion, contre 20% avant le lancement du Dîner presque parfait (M6), et 25 voire 30% aux heures de gloire des années 90.

Juste avant, à 17h15, Laurent Romeijko joue toujours inlassablement aux Chiffres et des lettres, là où jadis des millions d’enfants se régalaient, en compagnie de France Truc, TO3 ou des Minikeums. A la rentrée 2006, France 3 confirmait ainsi son intérêt pour les séniors plutôt que la jeunesse. En basculant des Chiffres et des lettres de la 2 à la 3, la direction de France Télévisions envoyait un signal fort aux téléspectateurs, confirmant son virage éditorial. 1.3 million de joueurs suivent toujours la caravane d’Armand Jammot, soit 14% du public en moyenne. Au final, si 61% du public du jeu est composé de femmes, le rendez-vous touche bel et bien un public de retraités, celui là même sur lequel Julien Lepers a construit sa notoriété et son succès.


D’abord relégués à 16h35, les programmes pour enfants n’ont, quant à eux, pas résisté longtemps au changement de public. Pis, depuis l’arrivée des Chiffres et des lettres, aucun programme n’a réussi à percer sur la case. Fred et Jamy, les deux héros de C’est par sorcier, en ont à leur tour fait les frais en 2008. @ la carte, réplique sans relief de C dans l’air consacrée à la consommation, qui a pris leur relais, n’a tenu la marée que quelques mois, peinant à atteindre les 8% de part d’audience. En septembre 2009, 30 millions d’amis collector, autre programme « vintage » limitait la casse, en attendant de jours meilleurs, avec 475 000 fidèles...

France Télévisions a finalement décidé de rejouer l’acte 3 de la rentrée 2006. Après le succès des Chiffres et des lettres, Slam a été préféré à la Liste gagnante pour muscler cette tranche horaire. Lancé au cours de l’été avec Thierry Beccaro, le jeu a traversé juillet et août sans faire de vague, mobilisant les fidèles de Motus à l’heure de leur programme favori. Dorénavant avec un nouvel animateur, Slam convainc moins de 500 000 Français, pour 7% de part de marché en moyenne. Également présent sur la grille du samedi, le divertissement rassemble légèrement plus, soit un peu moins de 800 000 fidèles, avec 8.5% de part d’audience. En seconde semaine, les résultats sont restés stables, malgré une part de marché de 5.9% le 11 novembre, avec toutefois 755 000 curieux compte tenu d’un plus grand nombre de téléspectateurs un jour férié.

Une seule chose est sûre : jamais France 3 n’avait ainsi vu fleurir autant de jeux à la fois sur sa grille. Bien avant ce trio inédit, les essais en la matière n’avaient pas manqué. Depuis quinze ans, les fins d’après-midi sont un véritable vivier de programmes et réjouissances ludiques. Le Kadox, le Kouij et Je passe à la télé, entre autres concepts, ont déjà prouvé l’étendue de la palette des couleurs.

L’alliance Slam, des Chiffres et des lettres et Questions pour un champion est donc la nouvelle arme de France 3. Après avoir définitivement tourné le dos aux enfants pour le goûter, la chaîne publique mise son va-tout sur un genre qui ne connaît pas vraiment la crise. Des fins de matinée de France 2, à son access, en passant par celui de TF1, les Roue de la Fortune, Tout le monde veut prendre sa place et Tournez manège ont pour le moins le vent en poupe. Même à 18 heures, homonymie et orthographe rencontrent l’intérêt du public sur France 2. Sur la case désertée du pre-access, Julien Courbet et En toutes lettres sont en passe de réaliser l’impossible.

Ce premier remodelage effectué, France 3 a décidé de s’attaquer maintenant à ses secondes parties de soirée. Dédiée Frédéric Taddéi en semaine, la case a été avancée de quelques minutes, depuis ce lundi 9 novembre. Le but ? Capter un maximum de téléspectateurs, restés hagards à la fin des génériques de TF1 ou M6. Désormais, Ce soir (ou jamais !) démarre donc déjà à 22h55. Mireille Dumas ouvrira quant à elle Vie privée, vie publique l’hebdo ce vendredi à 23 heures, et Samuel Étienne 7 à voir, chaque dimanche à 22h40.

Aux retouches sporadiques, France 3 a donc préféré jouer sur le terrain de la sécurité. Restent que plusieurs de ses rendez-vous vedette sont à leur tour touchés par la crise. Début novembre, des Racines et des ailes passait sous la barre des 10% de part de marché. L’été prochain, la chaîne devra sans aucun doute composer sans Intervilles ni la Carte au trésor. La lumière n’est pas encore tout à fait au bout du chemin.