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Gaëlle Cholet (Gazelle et cie) : « La Stagiaire est née d’une envie de travailler avec Michèle Bernier »

Claire Varin
Publié le 03/02/2015 à 18:43 Mis à jour le 11/02/2015 à 01:31

A l’occasion de la diffusion de La stagiaire, avec Michèle Bernier, sur France 3, Toutelatele a rencontré la productrice Gaëlle Cholet (Gazelle & Cie). Elle évoque ici la naissance de cette future série, mais aussi WorkinGirls, Duel au soleil, Fais pas ci, fais pas ça, ou encore Le Lac, mini-série en tournage pour TF1...

Claire Varin : Comment est né ce projet de La Stagiaire ?

Gaëlle Cholet : Tout est parti de l’envie de travailler avec Michèle Bernier. On avait fait un pilote avec elle autour des injustices pour TF1, qui n’avait pas très bien marché. Mais il y avait sous-jacent un potentiel. Et France 3 avait aimé le pilote pour TF1. On a retravaillé ce qu’on avait déjà travaillé pour la Une un peu différemment, avec elle. Et Michèle a un vrai goût pour ce genre. Elle est fan de polar et regarde toutes les séries policières. Quand on lui a parlé de ce mélange des genres, elle a tout de suite eu envie de le faire. Et elle est très à l’aise dans la comédie, mais elle a une forte empathie. Là, on joue aussi beaucoup sur des ressorts d’émotions et elle est très forte aussi de ce côté-là. C’est quelqu’un de populaire, mais dans le sens où les gens se sentent proches d’elle. Et on sent cette ouverture vers les autres.

La Stagiaire aborde la thématique de la reconversion professionnelle. Est-ce un sujet qui intéressait particulièrement France 3 ?

C’est une thématique que France 3 avait envie de traiter. Ils ont un public entre 50 et 60 ans. Quelquefois, ce sont des périodes de la vie où l’on est obligé de changer de métier pour x raisons. Ce n’est pas toujours évident de le faire à cet âge-là. Pour eux, c’était une problématique qui pouvait se poser à leur public.

Sans La stagiaire, Michèle Bernier forme un duo avec Arié Elmaleh. Pouvez-vous parler de la combinaison que vous avez cherché à créer ?

Ils ont vraiment trouvé une complicité. Ils étaient heureux de tourner ensemble. Il s’est vraiment passé quelque chose. Peut-être que dans l’écriture, Arié ou le duo n’était pas aussi présent. Mais c’est vrai qu’on n’avait pas envie de laisser Michèle seule et le concept faisait qu’elle était en duo avec un juge puisqu’elle est stagiaire de quelqu’un. Et pour montrer la spécificité du personnage de Michèle, son côté entier, très passionné, il fallait quelqu’un qui soit en contre point de l’autre côté. Au début, c’était pour mettre en valeur Michèle, puis par le casting, par ce qu’Arié a fait de son personnage, on a un vrai duo. C’est aussi la magie d’un tournage. Parfois, ce n’est pas toujours ce que l’on a écrit. Et maintenant, dans l’écriture, on en tient compte pour la suite. On travaille beaucoup plus sur ce duo parce qu’on trouve que ça fonctionne bien, que c’est assez moderne. En plus, il y a une vraie différence de génération entre les deux, de problématiques de vie, qui nous intéresse.

Pouvez-vous parler de votre choix de tourner à Marseille ?

France 3 est plutôt une chaîne des régions, donc ils aiment bien s’implanter dans une région et en exploiter la typicité. Marseille, c’est aussi par goût personnel. J’ai été y tournée la mini-série, Jusqu’au dernier, pour France 3. J’ai découvert une ville et une région que j’ai vraiment adorée. Tout y est très cinématographique. La lumière est incroyable. Et Marseille a beaucoup bougé. L’image du pastis et de la nappe provençale est un peu passée, maintenant, il y a une ville qui s’est modernisée. Chaque lieu a une vraie personnalité. Et il y a cette mer incroyable et ce brassage culturel méditerranéen intense. Il se passe toujours quelque chose d’intéressant là-bas. Et puis, j’en avais parlé avec Michèle, qui, elle, est très attachée à la région parce que toute une partie de sa famille est là-bas, donc elle avait très envie. Le climat permet aussi de tourner à peu près n’importe quand. Et il y a un vrai dynamisme, des techniciens et des comédiens formidables là-bas. Il y a une richesse et ça nous change un peu de Paris, que l’on a vu beaucoup et qui devient difficile à filmer de façon un peu originale.

La Stagiaire est au format 90 minutes. Est-ce une demande spécifique de la chaîne ?

Si jamais on a la chance que ça marche, on partira sur 6 épisodes de 52 minutes. Le choix du 90 s’est fait pour plusieurs raisons : on voulait faire un pilote pour voir si le mélange des genres marchait bien. Et puis, le 90 nous a permis une chose, qu’on n’aurait peut-être pas pu faire dans un 52, qui est d’avoir une intrigue et d’exposer un peu le passé du personnage et la situation familiale. Dans un 90 minutes, on a évidemment un peu plus de temps pour parler du personnel et de poser les bases de ce personnage. Une fois qu’on a posé ces bases, nous, on souhaitait vraiment retourner au 52 minutes, qui est un format, en termes d’écriture et de rythme, dont on a plus l’habitude.

Vous introduisez pas mal de personnages, avec un potentiel d’histoires secondaires à développer, pensez-vous avoir l’espace suffisant pour le faire avec du 52 minutes ?

On est en train de doser dans l’écriture. Dans l’écriture d’un 6x52 min, on peut répartir un peu plus les choses. On n’aura pas la même proportion, on ne les verra pas tous de la même façon dans chaque épisode. Mais sur une saison, on va essayer de répartir les choses et de faire en sorte que tous les personnages existent.

Le personnage de Michèle Bernier souhaite devenir magistrat, après avoir fait de la prison pour un crime qu’elle n’a pas commis. Ce lourd passé aura-t-il sa place dans une future saison ?

On va redévelopper quelque chose autour de ça. Afin de faire vivre ce passé qui l’a guidée, puisque c’est la base de sa reconversion.

Il y a des scènes en prison dans La Stagiaire, mais vous l’évacuez assez vite. On sait que c’est compliqué de traiter de la prison en France. Pourtant, vous vous y êtes collée dans le spécial de WorkinGirls...

De façon très réinterprétée (rires). D’ailleurs, ce que l’on avait envie de faire avec WorkinGirls, c’était une saison complète en prison. Canal+, c’est déjà bien, nous a laissé faire 90 minutes, mais c’est vrai qu’ils n’ont pas souhaité que l’on fasse toute une saison en prison. Pour eux, c’était un peu anxiogène. D’autant plus pour femmes, il n’y a pas un appétit fulgurant des chaînes pour ça. C’est dommage parce qu’il y a des séries sur les femmes, comme Orange is the new black aux États-Unis. Ou même de façon détournée, il y avait une série anglaise, Prisoners’ Wives, qui était absolument géniale. Et c’est vrai que nous, on a un peu du mal à le traiter.

Ce développement à l’étranger, avec aussi Unité 9 au Québec ou Wentworth en Australie, aurait pu donner une impulsion à une chaîne comme Canal+...

Je crois qu’ils ont un projet autour de la prison. Mais proprement en prison, je ne sais pas. C’est un milieu qui fait assez peur aux diffuseurs en France. On a peut-être un peu de retard par rapport à tous ces pays cités en termes d’exploration d’univers. Parce qu’on n’en explore pas tant que ça non plus. Il y a plein d’univers que l’on pourrait explorer avant et qu’on n’a pas fait. L’hospitalier, on ne l’a pas fait ou alors très peu et pas très bien. On se cantonne beaucoup aux mêmes univers dans la fiction française. C’est le policier et la famille. il n’y a pas un champ énorme. J’ai l’impression que la prison paraît encore très loin dans l’imaginaire de création française. Il y a encore des barrières. Alors est-ce parce que la prison en France est encore quelque chose de polémique, très en chantier ? Traiter la prison aujourd’hui avec tout ce qui se passe, c’est comme, pour moi, une série sur l’école, il faudrait le faire de façon assez approfondie et assez sérieusement.

Les Revenants est souvent citée en exemple d’ouverture à des univers différents. Et Arte s’intéresse à l’anticipation (Occupied, Trepalium). Avez-vous des projets allant dans ce sens ?

On développe justement quelque chose avec Arte. On a envie d’explorer de la légère anticipation. Pousser les curseurs sur certaines choses, ça permet de réfléchir à notre société. Avec Canal+, on est en train de réfléchir à revisiter un genre. Après, je ne sais pas si ça marchera ou pas, mais on développe parce que nous avons envie d’aller vers des choses qui soient plus fictions, vers des univers plus marqués.

Gaëlle Cholet parle de Jusqu’à dernier, Le Lac, WorkinGirls saison 4 et de la saison 2 de Duel au soleil


Jusqu’au dernier a plutôt bien marché sur France 3. Cette mini-série aux airs de saga d’été vous a-t-elle donné envie de continuer dans cette direction ?

Oui, vraiment. J’ai beaucoup regardé toutes les sagas d’été quand j’étais plus jeune. Et je trouve que c’est vraiment un genre de la télévision qu’on a boudé, que j’ai toujours adoré et qui faisait l’attraction de la télé. Non seulement ça m’a redonné le goût, mais ça a redonné le goût à France 3, qui m’en a recommandé une ainsi qu’une autre à un autre producteur. Et puis, le phénomène Broadchurch, qui n’est pas complètement une saga d’été, a relancé l’intérêt des chaînes. La saga d’été a beaucoup évolué de toute façon. Ça ne peut plus être les mêmes problématiques et les mêmes typologies de personnages qu’avant. On a glissé vers quelque chose d’un peu plus polar ou thriller. De notre côté, on refait une mini-série pour TF1, qui s’appelle Le Lac, qui est un peu plus dans cette veine aussi. Ce que fait TF1 avec Harlan Coben, c’est un peu ça aussi. Le côté mini-série feuilletonnante bouclée comme ça, je pense que tout le monde y revient. Le feuilleton est le genre de la télévision par excellence. Et je pense que les gens ont envie de voir ça. Ça reste graver dans toutes les mémoires et l’imaginaire collectif de la télévision.

Pouvez-vous en dire un peu plus sur Le Lac ?

Nous sommes en tournage. C’est un 6x52 minutes, réalisé par Jérôme Cornuau, avec Barbara Schulz, Lannick Gautry, Arié Elmaleh, Philippe Duquesne, Armelle Deutsch, Cyril Lecomte, Claire Borotra, Laurent Bateau... Et ça se passe dans la région de Marseille et au Lac de Sainte-Croix. C’est l’histoire d’une jeune femme qui revient dans sa ville natale parce que sa mère est malade, elle n’y pas mis les pieds depuis quinze ans. Elle a vécu quelque chose de traumatique quand elle avait une quinzaine d’années. Il y avait une fête annuelle dans leur village et le soir de cette fête, deux de ses amies ont disparu. On n’a jamais retrouvé les corps et on a mis en prison un de leurs camarades de classe. Elle est devenue policière et elle revient le lendemain de cette fameuse fête où la petite voisine, qui a quinze ans, a disparu.

Vous travaillez de nouveau avec TF1, pour qui vous aviez produit Mon histoire vraie...

On est très content de retravailler avec TF1. Le fait qu’ils s’ouvrent à d’autres genres et qu’ils retrouvent cette envie de faire des choses très différentes et plus ambitieuses est plutôt une bonne nouvelle pour tout le monde. Pendant un certain temps, leur ligne éditoriale s’était un peu resserrée et on n’avait un peu du mal à y trouver notre place. Là, ils ont à nouveau envie de choses nouvelles. Pour Le Lac, ça a été hyper rapide et à l’écriture très agréable. On a eu de vrais partenaires. Ça a été une très bonne expérience jusqu’à maintenant. Nous réfléchissions à leur proposer de nouvelles séries.

Pouvez-vous parler de l’expérience sur Mon histoire vraie, scripted-reality de 13 minutes. Un format que vous aviez déjà testé avec WorkinGirls ?

Effectivement, le format 13 minutes, c’est un peu une expérience que l’on a tentée avec Canal+, qui s’est révélée être chanceuse. Et la scripted, pourquoi on l’a fait en 13 minutes ? On trouvait que le format 22 minutes obligeait à faire beaucoup de face caméra, de tirer beaucoup les histoires, de faire beaucoup de voix-off. Le 13 min nous semblait être le bon format pour moins délier les choses. On a arrêté de produire Mon histoire vraie, mais c’était une expérience qui était assez enrichissante parce que j’ai travaillé avec un producteur, qui travaille encore avec nous aujourd’hui, mais qui nous avait amené son expérience de producteur sur Pékin Express. C’était un apport d’équipe un peu mélangée, à qui on a appris des codes fiction et qui, eux, nous ont apporté des codes de flux. Cette interconnexion était très intéressante. Je sais qu’il y a une polémique autour de la scripted, mais pour nous, ça a été un vivier de nouvelles rencontres, avec de jeunes auteurs, monteurs et réalisateurs.

WorkinGirls aura-t-elle une saison 4 ?

Nous sommes en train d’y réfléchir. Normalement, oui. Il faut qu’on trouve le bon univers parce que là, on est sorti du bureau. Et on n’a plus tellement envie d’y retourner. On a l’impression qu’on en a fait un peu le tour.

Duel au soleil aura-t-elle une saison 2 ?

Absolument. On est en train de travailler pour optimiser les points positifs et réduire les points négatifs qu’il pouvait y avoir dans la saison 1. On ne sait pas encore combien d’épisodes, mais il y aura une saison 2, et c’est une chance pour améliorer ce qui n’allait pas.

Quelles sont vos déceptions sur la première saison ?

Quand on a écrit, on ne savait pas que ce serait Gérard Darmon et Yann Gael. Et quand on a le casting, ça optimise les choses. Après, les histoires n’étaient pas toujours très claires. Et nous avons envie d’aller vers plus de romanesque parce qu’il y a des personnages très romanesques qui sont dessinés. Et d’augmenter visuellement la puissance de La Corse, qui était peut-être un peu sous-exploitée pour l’instant. En gros, ce sont les choses que l’on va essayer de corriger. Et dans la réalisation, d’avoir des choses un peu plus découpées, plus dynamiques, en gardant aussi ce que l’on a aimé, ce côté contemplatif par moment. En tout cas, on sait qu’il y a une marge de progression.

Vous dites vouloir “aller vers plus de romanesque”. Diriez-vous que le romanesque est un élément qui s’est perdu dans la fiction française ?

Ça s’est perdu, mais on y revient. Pour la plupart des gens, on revient voir des séries, mais on revient surtout voir des personnages. C’est ça aussi le principe de la série, c’est des rendez-vous avec des personnages, des personnalités et des univers. Même si on a des séries récurrentes bouclées par épisode, il faut qu’on travaille cette implication des personnages et cet attachement aux personnages plus fort que ce qu’on a, parfois. Quand je parle de romanesque, c’est vraiment fouillé nos personnages et leur faire vivre des choses qui font plonger les téléspectateurs dans leur intimité.

Dans quelle mesure le succès de Fais pas ci, fais pas vous stimule au sein du groupe Elephant ?

Quand on a un succès, on en est fier, mais il faut aussi être à la hauteur de ce succès dans les autres productions et pour que le succès lui-même reste de qualité. C’est sûr que pour nous c’est une super vitrine. Ça nous permet face aux diffuseurs, sans arrogance bien sûr, d’être un peu plus fort pour affirmer nos idées et nos envies. Il ne faut pas en abuser, il faut en user avec parcimonie. Et puis, ça amène des gens qui ont envie de travailler avec nous parce qu’on a fait un succès. Le cœur de notre métier de producteur est d’avoir des talents qui ont envie de travailler avec nous. C’est quelque chose de très stimulant et de très vivant pour nous.

Le départ prochain de Rémy Pfimlin à la direction de France Télévisions ouvre une perspective de changements. Comment l’appréhendez-vous ?

On a tellement l’habitude des changements à France Télé. La période va être un peu floue forcément. Les prises de décisions vont être un peu retardées. Après, on travaille très bien avec les gens qui sont là, donc on espère qu’ils resteront. J’ai assez confiance en cette valeur de travail. C’est-à-dire que nous, nos projets, on ne les fait pas passer de façon politique. Si France Télévisions fait nos projets, c’est, je pense, pour de bonnes raisons. Même si les dirigeants changent, si on a de bons projets, qui sont bons pour leurs chaînes, je ne vois pas pourquoi ils les changeraient et les arrêteraient. Je préfère ne pas être trop inquiète et plutôt optimiste parce que, toute façon, on n’y peut rien et c’est inhérent au service public.