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Homeland : une saison 1 exigeante et passionnante

Claire Varin
Publié le 27/10/2012 à 18:00 Mis à jour le 12/11/2012 à 16:57

Le 13 septembre 2012, 1.5 million de curieux étaient rassemblés devant leur petit écran pour découvrir le premier épisode de Homeland , diffusé sur Canal+. Ce fut le début d’une addiction pour ces téléspectateurs français, puisqu’ils étaient encore 1.4 million pour suivre le dernier épisode de la saison 1, le 18 octobre dernier. En France, comme ailleurs, Homeland a su fidéliser son public. La série américaine de Showtime, plébiscitée par la critique et la profession (six Emmy Awards 2012, dont meilleure série dramatique, meilleure actrice et meilleur acteur), est déjà assurée de la production d’une troisième saison. Devant tant d’exposition médiatique peuvent naître les réfractaires. Comme Mad Men peut agacer. Encensées par la critique française, les deux séries câblées ont quelques points communs. Si ce n’est que Homeland, elle, est un succès d’audience.

Créée par Alex Gansa et Howard Gordon (24 heures chrono), Homeland est l’adaptation de la série israëlienne, Hatufim, signée par Gideon Raff. La série met en scène Carrie Mathison (Claire Danes), un agent de la CIA, assignée à Langley. La jeune femme est en probation après avoir dirigé une opération illégale en Irak. Là-bas, un informateur lui avait affirmé qu’un soldat américain avait été recruté par Al-Qaeda. Survient alors le retour au pays d’un soldat américain, Nicholas Brody (Damian Lewis), porté disparu après une mission en Irak en 2003...

“Nous pensions que peut-être le public en aurait assez du terrorisme. Mais avec de bons personnages et une histoire bien écrite peut-être que nous intéresserions suffisamment les gens”, a ainsi déclaré Howard Gordon. C’est vrai qu’après huit saisons de Jack Bauer, le public avait des raisons d’être usé par le genre et le sujet. La première réussite de Homeland est son écriture. Parmi les scénaristes, on retrouve des noms qui ont déjà marqué l’histoire du storytelling : Chip Johannessen (Millenium), Henry Bromell (Homicide, Rubicon) et Meredith Stiehm, la créatrice de Cold Case. Homeland est plus qu’un simple thriller, dont on salue aussi la grande efficacité. On nous parle de menace terroriste et de traumatisme de guerre (et de torture) mais aussi de la famille et de la paternité (un élément essentiel qui structure le personnage de Brody).

La série convoque l’intelligence du téléspectateur et le pousse à s’interroger. Notamment, à remettre souvent en cause sa perception des deux héros. Carrie et Brody sont ses personnages très complexes. Chose inédite, Homeland choisit pour héroïne une jeune femme bipolaire. Le personnage de Claire Danes offre une visibilité à une autre tranche de la populaire sous représentée. Le téléspectateur s’attache à un homme, projetant un attentat. La relation entre ces personnages - seuls et abimés par la vie - est centrale. Malgré, une opposition de “camps”, elle tend vers la romance. Ainsi, Claire Danes et Damian Lewis aiment la comparer à celle des héros de Casablanca.

Aux côtés du talentueux Damian Lewis (Band of Brothers, Life), Claire Danes fait un comeback gagnant et livre une de ses meilleures performances. Elle est d’une grande intensité. Homeland offre de belles partitions à chacun de ses acteurs. Même Morena Baccarin, fraîchement débarquée de son vaisseau spatial (V), n’est pas épargnée par la dureté émotionnelle et physique d’un rôle, pourtant secondaire. Celui de l’épouse du soldat traumatisé, qui ne l’attendait plus et qui peine à le retrouver.

Comme Breaking Bad ou Mad Men avant elle, Homeland est LA série du moment. Au-delà de son succès, sa qualité narrative et ses personnages font d’elle une série à découvrir absolument. Ce DVD est l’occasion d’une séance rattrapage.


Côté bonus, le coffret DVD offre des scènes coupées, des résumés d’épisodes ou encore un prologue de la saison 2 (Carrie est à l’hôpital et Brody vient la voir). Le pilote est également proposé dans une version commentée par Howard Gordon, Claire Danes, Damian Lewis et Alex Gansa. Il est ainsi question de scènes coupées et déplacées, d’une heure et demie de maquillage pour donner une barbe hirsute et les cheveux longs à Damian Lewis ou encore d’un bonnet “controversé” de Claire Danes, qui avait simplement froid. Les deux comédiens et les scénaristes évoquent aussi la difficulté de trouver le bon ton dans le jeu. Howard Gordon félicite notamment Damian Lewis de la richesse de ses propositions lors de la séquence du retour au pays de son personnage. Le public doit-il voir un héros, un “traitre”, un homme traumatisé ou simplement un homme, retrouvant sa famille ? Les deux créateurs mentionnent aussi la musique. Si importante dans la série. Entre Jazz et partitions à suspense “à la John le Carré” (auteur de L’espion qui venait du froid et The Constant Gardener).

Avec “Homeland saison 1 : Sous surveillance” , le making-of de la série prend la forme d’une note d’intention de la part de l’équipe. Durant trente minutes, scénaristes, réalisateurs et acteurs font un décryptage de la série. On revient alors à la genèse de Homeland et donc en Israël où a été créée Hatufim. Gideon Raff explique comment il a envoyé ses scénarios aux producteurs, qui les ont adorés. La série israélienne réfère à un statut particulier donné aux soldats. Ils sont l’objet d’une grande attention et accueilli comme des héros. Howard Gordon explique alors que cette spécificité était difficilement transposable aux États-Unis. “Il fallait trouver autre chose, on en a donc fait un thriller raconte le scénariste-producteur. Le document revient ensuite sur la composition de l’équipe de scénaristes. On apprend alors qu’Alex Cary est un ancien soldat et qu’il travaille en particulier sur l’aspect traumatique de l’expérience vécue par le personnage de Brody. Henry Bromell est, lui, le fils d’un ex-agent de la CIA. Tandis que Meredith Stiehm est en charge du développement autour de la maladie de Carrie.

Puis, le documentaire aborde les personnages et leurs relations. Notamment, celle de Brody et sa femme Jessica. Leur incapacité à retrouver une intimité. Morena Baccarin exprime alors la difficulté de tourner les scènes - en particulier les violentes scènes de sexes - mais la comédienne se félicite que la série ose aussi montrer cette vérité-là. Il est évidemment question de la complexité des deux héros. Claire Danes raconte qu’elle a fait beaucoup de recherches pour ce rôle et lu beaucoup de livres sur la CIA et les bipolaires. L’actrice regarde des vidéos de témoignages de personnes atteints de cette maladie entre les prises. La jeune femme évoque une scène particulièrement difficile à tourner (lorsque la CIA vient détruire son mur, sa “timeline”). Le moment où Carrie “craque” n’était pas écrit. C’est une idée du réalisateur. “C’était très dur. Ils ne m’ont pas laissé conduire pour rentrer chez moi ce jour-là” confie la jeune femme. “La relation entre Carrie et Brody est totalement irrationnelle” , déclare Alex Gansa. Pour Damian Lewis, il s’agit d’une “codépendance” entre deux êtres profondément seuls. “Et en même temps, ils n’ont pas confiance l’un envers l’autre” commence Henry Bromell, “Brody l’a détruite à la fin de la saison. Pourtant, si dans la saison 2 il venait lui proposer un dîner, il est probable qu’elle dise oui.”

Enfin, la musique de Sean Callery fait l’objet d’une attention dans ce making-of. Le jazz est apparu comme la musique exprimant le mieux ce qui se passe dans la tête de Carrie. Après le pilote, le personnage de Claire Danes a trouvé “son thème”. En revanche, pour Brody, les choses se sont révélées plus compliquées. La musique risquait d’influencer la perception du public sur le personnage (terroriste ou pas terroriste ?). Il a alors été décidé que la musique serait utilisée uniquement lors de séquences importantes.

Série exigeante et populaire, Homeland a trouvé un équilibre. Ainsi, son succès donne une “profonde satisfaction” à Claire Danes. Et si l’ambition de Howard Gordon est de rendre les téléspectateurs “addictes”, pour Mandy Patinkin une bonne série est une fiction permettant aux gens, qui la regardent, de “se poser des questions et de s’écouter”.

À noter, un bonus dans le bonus. Le générique de fin de “Homeland saison 1 : Sous surveillance” se compose d’un mini-bêtisier.

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