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Jonathan Rhys Meyers (Dracula) : « Sa petite dose d’humanité le rend irrésistible »

Guillaume Denis
Par
Rédacteur spécialisé TV & Séries
Publié le 30/10/2013 à 19:19 Mis à jour le 23/01/2017 à 19:21

Toutelatele : Votre Dracula se distingue des nombreux vampires que l’on peut retrouver dans la fiction. Pouvez-vous nous expliquer la mythologie de votre série ?

Jonathan Rhys Meyers : Mon complice dans la série, Van Helsing, a inventé un sérum grâce à l’électricité. Il permet au cœur de continuer à pomper pendant quatre heures, et de garder ainsi le corps en vie. Cela n’arrive que périodiquement, il doit ensuite se cacher. Dans le livre original, les vampires peuvent marcher au soleil. Pour je ne sais quelle raison, cela a changé par la suite.

Votre perception du rôle a-t-il évolué après lecture de l’œuvre de Bram Stoker ?

J’étais toujours séduit après. Ça m’a fait penser à de la littérature pulp pour les années 1900. Bram Stoker est le Dan Brown de l’époque classique, très populaire en Europe et sur la côte est des États-Unis. Mais le matériau de base est ce qu’il est : nous ne réinventons pas la roue.

Pourquoi ce personnage, ce monstre, séduit-il encore, génération après génération ?

Ce n’est justement pas seulement un monstre. C’est sa petite dose d’humanité qui le rend irrésistible. Il reste une petite part d’humain en lui, qui crée un conflit en lui. Cette dualité est sa malédiction. Je vois Dracula comme un être maudit par une terrible maladie. C’est comme un cancer qui grandit en lui.

Steve Shill, le réalisateur du pilote, a dit que vous aviez quelque chose « qui vient de la nuit » et que vous étiez donc parfait pour ce rôle...

C’est une jolie façon de me décrire. J’ai été choisi pour jouer le bad boy, car j’en ai l’apparence. [Rires.] Je suis la bonne personne pour jouer ce registre, car je vis moi-même dans le conflit la plupart du temps. Ce n’est pas quelque chose que j’ai besoin de travailler. Cette recherche vers un peu de paix, un sens de l’équilibre, je la poursuis personnellement. J’ai juste à continuer dans cette direction quand j’enfile le costume de Dracula.

Je vois Dracula comme un être maudit par une terrible maladie. C’est comme un cancer qui grandit en lui

Qui est le meilleur Dracula selon vous ?

Vous voulez dire, à part moi ? [Rires.] Lugosi, évidemment. Et j’adore Willem Dafoe dans L’Ombre du vampire, et bien sûr, Gary Oldman dans le film de Francis Ford Coppola. Malheureusement pour nous, aucun acteur ne pourra plus jamais porter de lunettes de soleil en jouant Dracula. Nous avons tenté à un moment, avec une petite monture cool, mais on a dû les bannir, car elles étaient trop identifiées au film. On ne pouvait pas non plus opter pour le chapeau et les jolies boucles. Mais aucun d’eux ne m’a vraiment influencé. Mon Dracula est différent. Il n’est pas exactement ce personnage dans cette version. Vlad est le personnage principal, et Alexander Grayson est son masque pour le public. C’est un amalgame de plusieurs personnages...

Certains pensent que Dracula est une métaphore de l’addiction...

Je partage cet avis et ça a influencé mon interprétation. On ne le voit pas boire beaucoup de sang dans notre série. Et il ne boit que sur des femmes, pas sur des hommes. C’est quelque chose en rapport avec sa sexualité. Pour moi, il reste un vampire hétérosexuel. J’ai aussi fait en sorte qu’Alexander Grayson boive beaucoup de whisky, pour refléter son addiction.

Dracula ne trouvera jamais le bonheur. Vous sentez-vous désolé pour lui ?

Il ne trouvera jamais l’amour. Il ne pourra jamais s’installer et vivre avec son grand amour. Bien entendu, j’ai de l’empathie pour lui, sinon il ne serait pas aussi populaire. On a n’a pas d’empathie pour Frankenstein, c’est un monstre sanglant. Mais Dracula a été humain il y a bien longtemps.

Pensez-vous que les sujets de la vie éternelle, et l’association avec la jeunesse et la beauté reflètent l’industrie dans laquelle vous travaillez ?

Je ne pense pas que cela reflète nécessairement les acteurs ou les stars de cinéma, mais davantage l’univers de la mode. Mais cet aspect n’est pas un gage de succès au box-office pour autant. Twilight a fonctionné en tant que roman de vampires pour jeune adulte, car il visait ce public précis. Le film a engrangé 70 millions de dollars lors de son premier week-end d’exploitation, parce qu’il avait de nombreux fans l’ouvrage.

J’aimerais jouer autre chose que des icônes

Il s’agit de votre première série depuis Les Tudors. Avez-vous hésité avant de signer ?

Oui ! Laissez-moi vous dire que faire une série revient à tourner quatre films en un. Maintenant, ça donne plus de place pour explorer le personnage, mais également plus de chances de « retomber sur ses fesses » . C’est un processus très long, et c’est dur parfois de conserver sa concentration.

Dracula est un exilé dans cette société, qui vit éternellement. De cotré côté, aimeriez-vous vivre pour toujours ?

Tout le monde aimerait ça, à condition d’avoir 29 ans et d’être svelte, beau et en bonne santé. Pas si tu deviens de plus en plus vieux à l’intérieur, et que tu ne peux plus marcher ! L’âge et la vie sont devenus une épreuve épuisante, plutôt qu’une belle chose qui devrait être appréciée en raison de sa courte durée. Je pense que c’est ce qui rend la vie excitante.

Entre Dracula et Henry VIII, vous avez joué des personnages très intenses, profonds, et provocateurs. N’exigez-vous jamais à votre agent une comédie ou une romcom ?

[Rires.] Quand j’ai appris au début qu’ils me voulaient pour un rôle principal sur NBC, j’espérais que ce soit une série policière avec une petite amie avocate qui veut se marier avec moi, où je peux porter des jeans et des tee-shirts. Ce n’est pas arrivé. Et puis, j’avais signé sur Les Tudors en pensant que c’était pour une seule saison. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle dure aussi longtemps. Quand c’est arrivé, j’étais horrifié ; ça fonctionnait pour la première saison et j’étais intéressé par la deuxième, mais je n’étais pas heureux sur les deux suivantes. Je voulais que quelqu’un de plus vieux reprenne le rôle. J’aimerais d’ailleurs jouer autre chose que des icônes.

C’est un rôle avec lequel vous devez vous nourrir d’une atmosphère gothique. Est-ce que le fait d’avoir grandi à Cork vous a servi ?

La maison dans laquelle j’ai grandi n’était pas très gothique, même si elle était vieille et délabrée. [Rires.] Je n’ai pas eu besoin de me nourrir d’une expérience. Je me suis appuyé sur ma confiance. Plus je suis à l’aise avec Grayson, plus je me sens confortable avec Vlad. Grayson aime tout le monde - Harker, Mina - alors que Vlad est triste. Il a le cœur lourd. J’ai essayé de sourire un peu dans cette série. J’ai des lèvres imposantes, donc j’ai du travailler dur pour ne pas avoir l’air de juste faire la moue, ce que j’avais fait sur d’autres projets. Je me fais attraper pour ça tout le temps !