Les Anges de la télé-réalité > Jérémy Michalak dresse le bilan

Apparu aux yeux du grand public sur le plateau de la télé-réalité, Les Colocataires, aux côtés de Fred Courtadon, Jérémy Michalak, alors âgé de 24 ans, est le trublion du programme. Deux ans, plus tard, il crée, avec Zuméo et Thibaut Vales, la société de production, La Grosse Équipe. Depuis, leurs concepts fleurissent sur les chaînes de la TNT, et plus particulièrement sur NRJ12 avec leur dernier succès en date, Les Anges de la télé-réalité. Retour sur une aventure qui n’a pas été tellement évidente à gérer, en raison de certains égos de candidats...
Tony Cotte : Du jeune animateur sur Fun TV, au comédien dans une sitcom sur France 2 en passant par de multiples participations à l’antenne du groupe M6, quel regard portez-vous sur tout ce qui vous arrive depuis 1998 ?
Jérémy Michalak : Comédien, c’est un bien grand mot ! (rires) Mon parcours c’est un coup de chance, pas mal de travail et beaucoup de passion. J’ai toujours aimé faire plein de trucs différents, que ce soit de la télévision, de la radio ou du journalisme. Dans le milieu de l’audiovisuel, si on se débrouille bien, on n’a jamais de routine. C’est ce qui me plait et m’excite, sinon j’aurais fait banquier ou trader.
Depuis vos débuts, vous multipliez les casquettes, dont celle plus récemment de producteur. Comment vous définiriez-vous ?
Je suis un hyperactif, j’aime bien être très occupé et c’est de cette manière que je suis le plus créatif. J’aime ne jamais débander, sinon je m’endors.
En 2006, vous avez créé la société de production « La Grosse équipe », en association avec Zuméo et Thibaut Vales. Aviez-vous l’assurance, à l’époque, d’avoir des diffuseurs en guise de clients dans un secteur que l’on imagine bouché ?
La télévision est un domaine ultra concurrentiel. Il y a une multitude de boites de prod pour peu de chaînes qui commandent des émissions. Non seulement nous n’avions pas la moindre assurance, mais, pour être honnête, nous nous sommes découragés plus d’une fois... Jusqu’au jour où on a produit les Frenchy pour NRJ12. Mais si tout va bien aujourd’hui, nous avons parfaitement conscience que tout peut s’arrêter du jour au lendemain. On a certes beaucoup de volume et un gros chiffre d’affaires, mais ça a été le cas pour Bataille et Fontaine avant leur plan social et la clé sous la porte. J’y pense chaque jour : nous ne sommes pas seuls, il y a des salariés et donc une certaine responsabilité.
Quand on ne s’appelle pas Endemol, Banijay ou Fremantle, peut-on survivre sur le long terme ?
Il faut prendre en compte le copinage et les influences politiques. Dans ces conditions, c’est assez difficile de vendre des émissions. L’avantage, c’est qu’avec Zuméo et Thibaut, nous bossons tous les trois depuis plus de dix ans à la télévision. Des mecs que nous avons connus stagiaires occupent désormais des postes importants. Forcément, avec le temps, on y arrive mieux. Pour autant, le service public nous est encore inaccessible.
Vous travaillez beaucoup avec les chaînes de la TNT. On a souvent dit qu’elles étaient le « laboratoire » des diffuseurs historiques. Comment les qualifieriez-vous d’un point de vue de producteur ?
Je ne suis pas sûr que le terme soit valable, c’est plus une idée reçue. Les prises de risques se trouvent uniquement sur la TNT. Après le succès de la première émission des Frenchy, j’ai rencontré un représentant d’une chaîne hertzienne qui n’a pas compris pourquoi nous ne lui avions pas proposé le programme. Mais il ne l’aurait jamais pris ! Maintenant que ça a marché sur NRJ12, c’est facile de dire que c’est génial.
La menace de l’audience est-elle également présente sur la TNT ?
Elle l’est de plus en plus. À neuf heures du matin, nous sommes tous à attendre les chiffres Mediamétrie. J’avoue qu’avec Les Anges de la télé-réalité, je me réveille avec la banane. On fait de super belles audiences depuis quatre semaines. Au lancement de l’émission, nous avions malgré tout des appréhensions. Il y a eu une pression générale compte tenu du dispositif, du budget et des enjeux pour la chaîne. Cinquante personnes bossent dessus depuis plusieurs mois, donc, forcément, on a envie que ça marche.
Avec cette émission, peut-on dire que votre société a atteint un nouveau palier ?
J’ai l’impression, mais ça ne change pas notre quotidien, nous travaillons toujours de la même façon. À ce jour, cette émission ne nous a pas permis d’ouvrir les portes de ces putains de chaînes historiques (rires). On aimerait bien essayer de taper un peu plus haut, un peu plus gros et travailler avec un peu plus de confort.
Le succès des Anges ne s’est pas fait sans critique. Laurent Ruquier, votre mentor, a déclaré « J’ai de la chance de ne pas avoir à produire ce type d’émission pour gagner de l’argent ». Ce commentaire vous a-t-il vexé ?
Je ne l’ai, du moins, pas trouvé indispensable. Le matin, à Europe 1, nous faisons la revue de presse l’un en face de l’autre. J’ai découvert ses propos en même temps que lui et Il m’a assuré que ce n’était pas le fond de sa pensée. C’est toujours un peu pareil quand on réécrit. Je peux comprendre après son avis sur la question, mais il serait préférable qu’il la regarde avant de juger.
Pouvez-vous revenir sur la genèse de cette émission ?
Les Anges de la télé-réalité est née autour d’un café avec Stéphane Joffre, directeur des programmes de NRJ 12. À l’occasion des 10 ans de la real-tv, la chaîne voulait marquer le coup. Nous sommes passés par plusieurs idées avant d’envoyer des anciens candidats à Los Angeles pour les proposer d’avancer dans leur carrière.
Peut-on parler d’une influence des productions américaines de MTV comme Real World ?
Nous avons été davantage influencés par la construction de The Hills et Laguna Beach, à savoir une « série-réalité » sans processus d’élimination ni de mécanique intrusive, et par Jersey Shore. Bon, certes, en moins trash.
Le choix des candidats a-t-il été imposé par Stéphane Joffre et aviez-vous la liberté de faire des propositions ?
Ca a été une sélection commune. Ils ont choisi des candidats, et nous aussi. Nous avons ainsi retenu les huit en commun. Pour le cas Loana, comme cela a pu être ébruité, je ne la voulais pas à titre très personnel. Ca ne lui aurait pas rendu service. Pour essayer d’assurer encore davantage la communication, je crois que NRJ12 a tenté de l’avoir, non pas pour entrer dans la villa, mais pour laisser un petit message.
Contractuellement parlant, les candidats Senna et Amélie, issus de la dernière édition de Secret Story, sont-ils faciles à signer aussi peu de temps après leur sortie de l’émission produite par Endemol ?
Tout le monde dans Les Anges a le statut d’intermittent du spectacle. Chacun a eu un cachet en tant que comédien, avec une pige par jour de tournage, exactement de la même façon qu’un acteur dans Navarro. Pour le cas Senna et Amélie, ils se sont engagés à ne pas avoir de contrat d’exclusivité.
En tant que producteur, les clashs sont à la fois une aubaine en termes d’images mais un enfer à gérer sur place. Comment les avez-vous vécus ?
C’est au-delà de l’enfer ! En plus, je ne suis pas vraiment diplomate. Gérer les égos des uns et des autres à quatre heures du mat parce qu’ils sont à moitié en train de se foutre sur la gueule, c’est usant. Je préfère passer mon temps et mon énergie à organiser une sortie plutôt que gérer les querelles. C’était vraiment le mauvais côté de cette aventure.
Vous auriez donné votre accord à ce qu’un Français que Diana a ramené à la maison puisse passer la nuit avant de lui payer l’hôtel le lendemain soir, suite au désaccord de Cindy Sander. Que s’est-il réellement passé en coulisses ?
Nous n’avons pas payé une nuit à l’hôtel, du moins pas à ce que je sache. Dans ce cas précis, Diana a rencontré un Français dans la rue qui n’avait plus de blé. Elle a flashé sur ce type-là et a demandé s’il pouvait dîner puis coucher à la villa. Sur place, il y a des mecs de sécurité devant la maison et une nounou qui dort avec eux. Il n’y avait donc pas de soucis. Le lendemain, il s’est barré parce qu’il avait autre chose à foutre et c’est tout.
Oops étant partenaire officiel de l’émission, les romans-photos que sont les vies des candidats constituent-ils un story-telling mis en place pour promouvoir aussi l’émission ?
Le partenariat avec Oops s’est décidé avec NRJ12 après le tournage. À la base, nous avons envoyé les candidats à Los Angeles pour leur décrocher des rendez-vous avec des producteurs. Au final, nous avons autant de vie de quotidienne et de couple que de vie professionnelle, ce qui n’était pas notre ambition. Les candidats se mettent eux-mêmes en scène, ils organisent comme des grands leurs paparazzades, leurs conneries ou leurs histoires de « Je suis enceinte » à la Une de la presse people.
Estimez-vous que la rupture ultra médiatisée d’Amélie et Senna a été une aubaine pour l’audience de l’émission ?
Ils ont sans doute un certain nombre de personnes qui suivent les aventures du couple le plus célèbre de Belgique, ça a surement aidé en termes de communication. Mais pour l’audience, je n’en sais rien. Moi, je ne regarde pas l’émission pour ça. Ce qui m’intéresse c’est le suivi de leur histoire, le côté feuilletonnant. En tant que téléspectateur, comme en tant que producteur, la vie de couple d’Amélie et Senna, je m’en branle !
Vous sentez-vous prêt pour une deuxième saison des Anges ?
Bien sûr ! On est les premiers en France à avoir proposé une série-réalité de ce genre. Bien sûr, ça ne ressemble pas complètement à The Hills, on se retrouve avec Amélie et Senna au lieu des héroïnes fashion-victim de Laguna Beach. Dans la forme, à l’exception des parties « interviews », c’est assez proche. À ma connaissance, nous sommes les seuls à avoir produit quelque chose qui s’y apparente en France.