Toutelatele

Les Grandes Gueules, Gilles-William Goldnadel : « La gauche extrême est en majesté dans les médias... »

Joshua Daguenet
Par
Rédacteur TV & Séries
Publié le 12/07/2020 à 19:01

L’avocat Gilles-William Goldnadel est un orateur accompli. En plus de plaider dans les tribunaux, il débat et se débat avec ferveur dans Les Grandes Gueules (RMC Story) et L’heure des pros (CNews). Cette rencontre a été effectuée peu avant le changement de l’équipe gouvernementale.

Joshua Daguenet : Est-il d’un commun exercice de débattre avec des journalistes dans L’heure des pros et des Français de tout horizon dans Les Grandes Gueules ?

Gilles-William Goldnadel : Je ne vois pas de différence notable. J’ai tout autant plaisir à débattre avec des journalistes et ceux qui façonnent notre société. Et puis, dans L’heure des pros, d’autres corps de métiers sont représentés. Moi-même je suis avocat.

Vos parents proviennent chacun d’une famille de pensée tendant à gauche. Comment vous êtes-vous ancré dans un courant marqué profondément à droite ?

Ce n’est pas moi ou ma famille qui avons changé, c’est le monde. Si j’avais vécu à l’époque de mes parents avec une misère ouvrière profonde, un antisémitisme d’extrême-droite profond... en dehors de la question communiste, j’aurais été ancré à gauche. Mais aujourd’hui, mon analyse me conduit à penser que la vie n’est plus la même. Les Français ne vivent pas dans l’infinie pauvreté même s’il demeure des inégalités. D’autre part, de mon point de vue, c’est plutôt l’extrême-gauche et l’islamisme qui sont racistes et antisémites.

La fonction d’avocat médiatique, qui est la vôtre comme plusieurs de vos confrères, n’est-elle pas un pléonasme ?

Non parce que vous avez des avocats plus discrets que celui qui vous parle. Vous avez des gens qui exercent leur profession d’avocat sans éprouver le besoin d’en parler. En réalité, il est vrai que j’ai des affaires médiatiques en tant qu’avocat, que ce soit en droit pénal financier, en termes de crimes et d’assassinats horribles, car les journalistes sont en demande. Mais je suis aussi un citoyen et un essayiste culturel. Je m’inscris pleinement dans un combat culturel. Depuis des années, mon analyse est la suivante : la gauche extrême est en majesté dans les médias et si des gens représentant mon courant de pensée ne parlent pas, ils n’auront qu’à s’en prendre à eux-mêmes. Je reproche largement à la Droite républicaine d’accepter, sans maudire, par exemple, que l’audiovisuel de service public soit largement colonisé par la gauche et l’extrême-gauche. Je m’inscris pleinement dans ce cadre de combat -plutôt dans la causticité que dans l’agressivité.

« Nous sommes arrivés à un état d’insécurité juridique »

Entre le mur des cons, l’affaire Fillon, les écoutes de Sarkozy... peut-on parler de crise profonde au sein de la magistrature ?

Oui. Cette crise profonde au sein de la magistrature est à relier avec la crise profonde sociétale et la crise profonde médiatique. Je me plains de la justice française depuis trop d’années. Je me plains de la paralysie de la justice française qui est du fait du trop-plein de plaintes et de la judiciarisation de la société. J’ai visé le fait qu’il existe une idéologie de beaucoup de magistrats. J’ai mené la procédure du mur des cons du syndicat de la magistrature et nous avons fait condamner l’ancienne présidente du syndicat. Il y a quelques années, et Dieu sait que je ne suis pas fillonniste, quand j’ai eu le malheur de dire que je n’avais jamais vu une procédure sprint comme celle qui a été menée contre ce pauvre Fillon pendant la présidentielle, on me prétendait de parti-pris. Ensuite, l’ancienne Garde des Sceaux, Nicole Belloubet, expliquait qu’en raison de l’émotion et d’une manifestation sur le parvis du palais de la justice, alors il fallait tolérer des manifestations interdites... ce qui est la négation du droit. Maintenant, on vous explique qu’on fait espionner des avocats. Le problème, c’est l’idéologie du corps des magistrats. Maintenant, il y a aussi beaucoup d’avocats idéologues… ainsi que de nombreux journalistes. Notre justice n’a jamais été formidable. Elle est humaine donc elle est imparfaite par définition. Mais nous sommes arrivés à un état d’insécurité juridique qui fait que le justiciable a manifestement le droit de craindre sa propre justice.

Vous semblez parfois désabusé par votre propre profession. Vous avez notamment affirmé que « des magistrats, dépendants de leur propre idéologie, voulaient vous faire la peau parce qu’ils n’aiment pas votre gueule »...

Regardez ce qui a été fait à Sarkozy. On a validé une conversation téléphonique qui devrait être sacro-sainte entre lui et son avocat. Quel que soit le regard que vous portez sur Patrick Balkany, c’est la première fois dans ce type d’affaires que l’on met en prison - alors même qu’il a fait appel et qu’il est donc juridiquement présumé innocent - quelqu’un qui s’est toujours soumis à la justice. Je pourrais vous multiplier les exemples qui montrent que lorsque vous êtes un homme d’affaires un peu en vue ou un homme politique, surtout à droite, vous risquez de tomber sur un juge idéologisé et vous avez le droit de ne pas être dans vos petits souliers. Au fil des ans, j’ai vu ce système pernicieux prendre de l’importance.

« J’ai dit à Dieudonné que je ne lui pardonnerai pas d’avoir gâché son talent »

Christophe Castaner a été vivement critiqué en s’exprimant sur les violences policières. Nicole Belloubet, quant à elle, n’avait-elle pas outrepassé son rôle en invitant la famille Traoré alors que les expertises se multiplient et se contredisent dans l’affaire Adama Traoré ?

C’est terrible... Dans le cadre d’une affaire en cours, elle a invité une famille d’une certaine réputation et sans vous parler du manque de preuves... il ne me serait jamais venu de demander au fils de Madame Knoll, que je représente, ou à la famille de Sarah Halimi, dont je représente la sœur, d’être reçu par la Ministre de la Justice. Vous me permettrez d’ajouter que l’affaire Knoll ou l’affaire Halimi est infiniment plus claire que l’affaire Traoré. Bien évidemment que c’est d’une tristesse infinie. Je ne sais même pas si Madame Belloubet a eu conscience de ses manquements.

Éric Zemmour, que vous connaissez bien, aligne les records d’audience dans Face à l’info avec jusqu’à 700 000 téléspectateurs sur CNews. Que vous inspire ce succès ?

Il y a plusieurs choses. Il se trouve que Zemmour est excellent. Dans la forme bien sûr. Sur le fond, il est trapu. Il a un côté transgressif puisque c’est quelqu’un qui déchaîne des sentiments pour le moins mélangés. Vous ajoutez le talent, la transgression ou la prétendue transgression, et vous obtenez ce résultat formidable. Indépendamment de ce cocktail détonant et explosif qui explique grandement le succès de cette émission qui n’existe nulle part ailleurs, Christine Kelly s’est révélée avec sa gentillesse et sa vivacité. Les autres intervenants, chacun dans leur domaine de compétence, sont bons.

Vous qui prônez la liberté d’expression, seriez-vous prêt à débattre avec une personnalité comme Dieudonné qui nourrit un courant antisioniste, opposé au vôtre ?

J’ai débattu avec Dieudonné sur LCI il y a beaucoup d’années. Il n’était pas encore passé de l’autre côté du miroir. C’est compliqué, car je suis pour la liberté d’expression, mais pas à l’Américaine. Quand j’ai plaidé contre lui en tant qu’avocat et que je l’ai fait condamner, je lui ai dit que je ne lui pardonnerai pas d’avoir gâché son talent, car ce type est merveilleusement doué. Il a un talent, une capacité de faire rire indéniable. Je n’ai pas de plaisir à voir la dérive de ce garçon. Malheureusement, il s’est gâché pour des raisons qui heurtent la logique.