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Nabilla Benattia : enquête sur les ventes réelles de son livre

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Directeur de la publication
Publié le 30/07/2013 à 18:01 Mis à jour le 09/08/2013 à 11:48

Contrairement à une information parue sur le site du Figaro et reprise par l’ensemble de la presse, le livre de Nabilla, « Allô ? Non, mais allô quoi ? », ne peut être considéré comme un succès à l’heure actuelle. Comment expliquer qu’un ouvrage vendu à moins de 1 200 exemplaires puisse être annoncé par son éditeur comme vendu à 35 000 exemplaires ? Pour tenter de comprendre cette guerre des chiffres, Toutelatele est parti en immersion dans l’industrie du livre à la rencontre d’éditeurs rodés par les méthodes de la profession. Enquête sur les rouages d’un métier où la communication fait partie du nerf de la guerre...

« Disponible depuis le 11 juillet dernier, le titre édité aux Éditions Privé a trouvé 1161 acquéreurs à ce jour » (Toutelatele)

Le 25 juillet dernier, soit deux semaines après sa sortie, Toutelatele a voulu en savoir plus sur les ventes du livre de Nabilla Benattia. La bimbo fait partie de l’actualité et s’est retrouvée sur les plateaux de nombreuses émissions télé. Rarement une telle déferlante n’avait eu lieu auprès d’une candidate de télé-réalité encore inconnue il y a quelques mois. Le livre « Allô ? Non, mais allô quoi ? », sorti aux Editions Privé appartenant au groupe Michel Lafon, venait ainsi confirmer - ou pas - ce que certains appellent le « phénomène Nabilla ».

La candidate, désormais connue pour sa participation aux Anges de la télé-réalité, proposait ainsi à ses adeptes 200 répliques humoristiques adaptées de son fameux gimmick comme « Allô ? c’est comme si j’te dis t’es un chien et t’as pas d’aveugle !  » ou encore « Allô ? T’es un Kinder et t’as pas de surprise ? Non, mais allô quoi ! », le tout sur 154 pages.

Et au regard des premiers chiffres de ventes publiés par l’institut EdiStat, une des références du secteur, Nabilla a réussi à écouler 1161 exemplaires de son ouvrage entre le 11 et 21 juillet. Un « score honorable » selon les professionnels, compte tenu d’un marché du livre « en pleine crise  ».

« Tout ce que ce que nous pouvons vous dire, c’est que les ventes s’élèvent aujourd’hui à 35.000 exemplaires, pour un tirage à 40.000 » (Editions Privé)

Reste que cette performance peut sembler décevante par rapport à la médiatisation du personnage. Interpellé par ce chiffre, le site du Figaro a décidé de contacter le groupe Michel Lafon pour en savoir plus : «  Nous n’étions même pas au courant que cette fausse information circulait. Tout ce que nous pouvons vous dire, c’est que les ventes s’élèvent aujourd’hui à 35.000 exemplaires, pour un tirage à 40.000 » aurait alors déclaré une responsable commerciale des Éditions Privé.

35 000 exemplaires d’un côté, 1 161 exemplaires de l’autre. Y-a-t-il vraiment une « fausse information » ? Si oui, où se trouve t-elle ? EdiStat fournit des chiffres détaillés, estimés à partir des relevés de caisses issus d’un panel de près de 1200 magasins en France métropolitaine. Celui-ci est représentatif du poids des différents circuits de distribution dans la vente de livres neufs aux particuliers, hors Club et VPC. Avec Gfk, il fait partie des deux sources d’information qu’utilisent les professionnels pour en savoir plus sur les ventes. Les éditeurs interrogés expliquent : « On a des premières remontées Fnac une semaine après, mais pour avoir un panel plus précis il faut attendre dix jours environ. En tout cas, personne ne peut annoncer des chiffres de vente dès le lendemain d’une commercialisation. » Comme tout « sondage », une marge d’erreur est possible. Elle a été évaluée à +/- 10% par les professionnels. À l’instar de Médiamétrie en télévision, ils sont un « outil vital » pour les éditeurs afin de suivre l’évolution des ventes d’un livre : «  On étudie ces chiffres à la loupe, c’est le nerf de la guerre, il y a de l’argent en jeu.  »

Il n’en fallait pas moins pour que d’autres supports relaient « la vérité » en arguant haut et fort qu’avec 35 000 ventes, «  le livre de Nabilla n’est pas un échec ». Le site de l’hebdomadaire people Public allant encore plus loin en assurant avoir été surpris par de tels résultats (« Ça nous paraissait bien bizarre et on avait raison d’avoir des doutes. »)

Partie 2 > Un livre en rupture de stock ?


« Allô, non, mais allô quoi, tu donnes une fausse information et tu dis qu’elle est vraie ? Non, mais allô quoi ! »

Effectivement, tous les doutes sont permis, surtout que Nabilla assène entre temps sur son compte Twitter, pour, peut-être, atténuer les chiffres de vente publiés par Toutelatele : « Grand succès pour mon livre. Merci à tous. » Une belle opération de communication et au final un joli buzz pour la bimbo et sa maison d’édition.

Et il y a de quoi être comblé. Le livre « Allo, non, mais allo quoi ? » a bien été vendu à 35 000 exemplaires... aux librairies pour en garnir leurs rayons. Explication avec un professionnel du secteur sur ce qui est appelé dans le milieu, la « mise en place » : « C’est ce que nous vendons et facturons aux libraires qui achètent un certain nombre d’exemplaires souhaités. Mais cela ne signifie pas pour autant que ces livres trouveront tous des acheteurs. C’est bien là tout le problème des retours pour un éditeur. »

Là est donc toute la subtilité de la communication des maisons d’édition. Un subterfuge très fréquemment usité, surtout en période de lancement : « En général, on grossit le tirage lorsqu’on l’annonce a Livres Hebdo (le magazine référence, ndlr) ou à la presse » nous fait savoir un professionnel qui rajoute spontanément « qu’aucun éditeur ne dira la vérité.  » Un jeu de dupes, car le sujet est sensible dans le milieu.

Pour aller plus loin, nous avons souhaité savoir ce qui allait se passer si ces 35 000 exemplaires de Nabilla ne trouvaient pas preneurs : «  Quelques mois après la sortie, le libraire retourne les invendus. On reprend ces retours et on lui rembourse chaque exemplaire . » Sur le site dédié « aux univers du livre », Actualitte.com, Chicxulub, internaute-intervenant pousse encore plus loin l’explication : les éditeurs « intègrent dans leurs comptes des provisions pour retour pendant les 18 premiers mois d’exploitation d’un ouvrage, parce que justement ils savent au départ uniquement la mise en place (mise en rayons) et qu’il peut y avoir ensuite des retours massifs...  »

L’avenir des ces exemplaires remboursés est peu glorieux : direction le pilon (terme pour désigner la destruction des livres) pour les uns, la solderie (la vente de livres à très bas prix lors d’opérations de déstockage comme le font souvent les grandes surfaces alimentaires ou des magasins spécialisés) pour les autres.

« Allô, non, mais allô quoi, mon livre frôle la rupture de stock, mais tu le trouves sur internet ? Non, mais allô quoi ! »

Retour à nos 35 000 exemplaires de « Allô, non, mais allô quoi ? » (33 891 pour être précis) actuellement dans les rayons des magasins. Avec un tirage annoncé par l’éditeur à 40 000 exemplaires, nous avons voulu savoir où se trouvaient les 5 000 exemplaires de différence : «  Ils sont certainement en stock chez l’éditeur, mais il s’agit là alors d’un stock conséquent. » Si tel est le cas, «  l’éditeur pense donc que son livre a un gros potentiel. » Pourtant à en croire certains médias et acheteurs, le livre serait en « rupture de stock ». Dans ce cas précis, l’éditeur a la possibilité d’opter pour la réimpression de l’ouvrage. Le livre de Nabilla n’en est pas encore là, loin s’en faut.

Une visite sur le site Amazon, où « Allô, non, mais allô quoi ? » est, ce 30 juillet, 399e des ventes générales et 8e de la catégorie humour, permettra de se procurer l’ouvrage sans délai. Et en cas de déception, la plate-forme est prête à le racheter 2.38 euros pour le revendre d’occasion. Du côté du site de la Fnac, où le livre est également disponible à l’achat (avec un délai passé les trois exemplaires achetés simultanément), « Allô, non, mais allô quoi ? » a été élu -apparemment de manière ironique- « coup de cœur » du magasin de Rosny 2 avec le message « Tu es libraire et tu vends le livre de Nabilla... non, mais allô quoi ??!!! Le livre de l’été à jeter... à l’eau ! ». Du Nord (via la chaîne du Furet du Nord) au Sud (via la chaîne Decitre), l’ouvrage est également disponible avec, pour certains magasins, un délai de sept jours.

Au final, à la date du 21 juillet, 35 000 exemplaires -selon l’éditeur- du livre de Nabilla Benattia, « Allô, non, mais allô quoi ? » ont donc été mis en rayon, et 1 200 exemplaires ont trouvé preneurs auprès des consommateurs, des clients privés, entendre par là, le grand public. Un démarrage qualifié de satisfaisant, mais qui doit être confirmé dans les jours à venir. Toutelatele s’en fera l’écho comme il se doit, histoire d’éviter toute... « fausse information ».