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Orelsan, le représentant français aux MTV Europe Music Awards dit tout

Tony Cotte
Publié le 24/10/2009 à 18:24 Mis à jour le 27/05/2022 à 00:42

Si tout le monde ne connaît pas la musique de Orelsan, ce pseudonyme est forcément familier. Au printemps dernier, un de ses titres, paru uniquement sur la toile, fait polémique. Le parti socialiste, et particulièrement Ségolène Royal, crie au scandale. Le jeune homme dérange une classe politique, est érigé en faire-valoir de la liberté d’expression par une autre et plaît à la fois à la presse élitiste et populaire. Aujourd’hui, l’artiste a été élu par le public comme digne représentant de la France à la prochaine cérémonie des MTV Europe Music Award. L’occasion pour l’interprète de Soirée ratée de prouver que son parcours semble, finalement, être bien réussi...

Tony Cotte : MTV Europe Music Award et Prix Constantin, vous êtes en lice pour deux distinctions. Après toute la polémique autour de « Sale p*te », considérez-vous ces nominations comme une revanche ?

Orelsan : Ce n’est pas de cette façon que je conçois la musique. Je ne pense pas qu’il y ait cette notion de compétition. Ces nominations permettent simplement de recentrer l’attention sur mes chansons. À l’origine, quand mon album est sorti, il a eu de bonnes critiques, puis, avec la polémique, on ne parlait plus que d’un seul titre. Forcément, aujourd’hui je suis content, mais je ne parlerais pas de « revanche » pour autant.

Quelle a été votre première réaction en apprenant que vous seriez le représentant de la France lors de la prochaine cérémonie européenne de MTV ?

Je ne m’attendais pas à figurer parmi les nommés et encore moins être désigné comme le « Meilleur artiste Français ». Je viens d’une génération qui a grandi avec MTV, sans forcément avoir la chaîne depuis longtemps. On a toujours connu les Video Music Awards et les performances des artistes lors de la cérémonie américaine. Être assimilé à cette chaîne fait plaisir. Après la polémique, je quitte enfin les colonnes de Libé et les médias institutionnels pour aller là où est ma place, sur un support plus jeune qui me parle davantage.

Les professionnels vous ont nommé pour le Prix Constantin, et le public vous a élu via MTV. Lors de la polémique, vos confrères comme Bénabar, Cali, Anaïs ou encore Olivia Ruiz ont également pris votre défense. Quel effet cela fait-il d’être soutenu de la sorte ?

Sans le public, j’aurais du mal à faire ce que je fais. Mais les encouragements des autres artistes ont également été importants. À un moment, j’ai été jugé comme un gamin qui a fait une connerie en mettant une vidéo sur internet qu’il regrettait. Le soutien de la part de mes confrères, qui ne sont pas forcément dans le rap, a prouvé que j’étais avant tout un artiste. Je ne fais que de la musique, rien de plus.

Vous avez été à la fois l’étendard de la liberté d’expression pour l’UMP et la bête noire du PS. Regrettez-vous la tournure politique autour de cette affaire ?

Ca a été n’importe quoi. Lors des Francofolies de La Rochelle, l’UMP m’a défendu, ce qui était loin d’être le cas lors de la première polémique, quand on voulait me déprogrammer du Printemps de Bourges. En réalité, il ne s’agit pas de droite contre gauche, mais plus de personnes qui ont pris des initiatives personnelles. Beaucoup ont pris parti sans même avoir écouté la chanson. À part éventuellement le Ministre de la Culture, je ne vois pas en quoi les autres ont eu le droit de s’exprimer sur le sujet. Ils ont parlé de choses qu’ils ne connaissaient absolument pas sans avoir nos codes, notre culture audiovisuelle, ou comprendre notre style de vie.


Ne pas chanter aux Francofolies vous a cependant permis de vous faire connaître auprès du grand public, et d’avoir une couverture médiatique bien plus importante que suite à une simple prestation sur scène...

Ce n’est pas aussi simple. Oui, les gens connaissent aujourd’hui mon nom, mais j’aurais préféré monter sur cette scène. C’est un festival important et mon boulot est de convaincre les gens avec ma musique, pas me retrouver au cœur d’une polémique un peu bidon. Contrairement à ce qu’on peut penser, mes ventes n’ont absolument pas augmenté suite à cette affaire qui m’a uniquement fait connaître auprès d’un public plus âgé, loin d’être concerné par ce que je fais.

Quand des rappeurs un peu plus « underground » font l’apologie de la violence, personne n’ose relever leurs propos. N’avez-vous pas l’impression de par votre origine, provincial issu de la classe moyenne haute, d’avoir été une proie facile...

Dans le clip de Sale p*te je suis en costard, je représente le type « normal », le fonctionnaire ou le banquier. Ça a peut-être plus choqué et transmis le message que je voulais faire passer. Au-delà de ça, je ne connais pas les tenant et aboutissant politiques et sociaux, mais je ne pense pas que ce soit si réfléchi de la part de mes détracteurs. S’ils ont trouvé plus facile de s’en prendre à moi, car je ne rentrais pas dans certains clichés, ce serait vraiment très con.

Dans d’autres chansons, dont certaines ouvertement autobiographiques, vous n’épargnez pas la gent féminine en parlant, entre autres, d’un « idéal féminin moitié pute moitié soumise » ou en évoquant votre « meuf » que vous trompez. Comprenez-vous, de ce fait, que certaines femmes aient un problème avec vous ?

La majorité de ce que je chante est autobiographique, mais romancé à un certain point et mis en musique. Il ne faut pas croire que tout ce que je dis soit une vérité générale. Après l’« idéal féminin moitié pute moitié soumise » suit « c’est pour les meufs intelligentes, celles qui savent que je plaisante ». Il ne faut pas sortir toutes les phrases de leur contexte. Elles ne reflètent souvent qu’une pensée sur un instant. Ce n’est pas une question de machisme, je parle de relations de couple du point de vue d’un garçon. Les filles, elles aussi, sont comme nous. Il leur arrive de vouloir un copain soumis, qui fait le ménage et qui soit un bon coup. Dans ce cas, personne ne va venir se plaindre. Quand on écoute une artiste comme Yelle, elle raconte la même chose que moi, mais dans l’autre sens.

Quand dans votre disque vous dîtes « J’ai tout mis dans mon premier album, y’en aura pas de deuxième », s’agit-il également d’une phrase sortie de son contexte ?

(rires) Ce n’est plus à l’ordre du jour. Je suis en train de préparer un deuxième disque. A l’époque, je n’avais plus d’inspiration, je ne voulais pas 13 chansons, alors j’ai fait ce titre, Logo dans le ciel. J’ai galéré pour le faire, j’ai envoyé le titre 6 heures avant de l’envoyer au pressage. J’avais l’impression d’avoir tout épuisé et d’être incapable de faire davantage de morceaux. Mais tout revient au fur et à mesure. Bien sûr, le discours sera un peu différent. Mon prochain album ne parlera plus du fait de me faire recaler de boite, ou de ma galère pour trouver des meufs, ce n’est plus vraiment le cas aujourd’hui...