Toutelatele

Oscar Sisto

Alexandre Raveleau
Publié le 23/10/2003 à 01:30 Mis à jour le 14/03/2010 à 17:07

Professeur de théâtre de la Star Academy, Oscar Sisto n’a pas la langue dans sa poche. Repéré par Alexia Laroche-Joubert pour la première saison de la real TV, il décline pourtant l’offre de TF1 faute de temps. Depuis, une saison est passée et Oscar Sisto est devenu l’un des profs préférés du public français. Rendez-vous est donc pris avec ce personnage hors normes...

Alexandre Raveleau : Vous êtes arrivés en deuxième saison de la Star Academy, après une année de succès. Comment s’est passée votre première rentrée ?

Oscar Sisto : Ca s’est plutôt bien passé, le système était bien huilé déjà. Et puis j’avoue quelque part que je me suis dis : « tiens je suis bien content de pas avoir fait la première Star Academy ». Elle était bien mais je pense qu’ils essuyaient un peu les plâtres et qu’à la deuxième c’est devenu beaucoup plus porté sur l’enseignement et l’apprentissage des différentes disciplines.

Vous faites partie maintenant des « personnages » de l’émission. Vos cours sont plutôt atypiques. Comment avez-vous adapté votre enseignement au format de la real TV ?

Ecoutez, la production est venue me filmer dans mon école de théâtre et a trouvé que c’était exactement l’esprit des cours que je fais à la Star Academy. Les élèves de mon théâtre, quand ils me voient à la télé, trouvent que je suis exactement le même. Je ne sais pas comment vous le dire... C’est moi ! (rires).

Vous avez un objectif précis pour les élèves ou c’est une simple découverte de l’univers du théâtre ?

Non, c’est l’objectif de toujours, c’est-à-dire la recherche de la sincérité à travers des moyens divers et variés, des techniques qui ont fait leurs preuves à New York, à la Royal Shakespeare Company. Un artiste c’est un artiste. Les élèves de la Star Academy ont absolument besoin de jouer sur scène, parce qu’après ils ont une longue tournée, il n’y a pas que le disque. Ils s’habituent en studio à retoucher leur voix, à refaire des prises... Ils perdent le sens de la présence et du danger de la scène. Le théâtre apporte une grande profondeur, c’est à la fois un amusement, et en même temps, ils sont confrontés à leurs limites qu’ils essaient de dépasser. Et puis, ils sont jeunes, c’est l’expérience qui fait un artiste aussi.

Dans une récente interview, Nikos Aliagas nous confiait qu« être artiste, ça s’apprend ». A votre avis, Star academy est-elle une école qui forme de véritables artistes ?

Vous savez, artistiquement c’est un stage d’initiation et, médiatiquement, vous n’avez pas besoin de chanter si bien que ça pour être célèbre en quinze jours.

Y a-t-il certains élèves en qui vous sentez un potentiel pour le théâtre ?

Je trouve oui... Mais je ne donne pas de noms (rires)... Il y a en a même qui peuvent être l’équivalent d’un Souchon. On ne peut pas continuer à dire en France : « est-ce que vous êtes chanteur, acteur »... Non ! on est interprète et on doit être acteur forcément. Le théâtre mène à tout, le théâtre est à la base de tout.

Vous allez un peu dans le sens de la comédie musicale...

Pas forcément, mais c’est pour ça que les comédies musicales sont souvent ennuyeuses. Il y a beaucoup de musique... Dès que vous y faites parler un chanteur, c’est nul à chier... Au lieu de les diriger en tant qu’interprète de la voix parlée et bien on fait des chansons pour qu’ils deviennent des petits chanteurs. Donc c’est des chanteurs qui minaudent, c’est des chanteurs de variétés. Je trouve que le travail d’acteur ce n’est pas le théâtre en tant que Théâtre parce que c’est encore une autre chose mais il faut qu’ils deviennent plus acteurs. Je serais ravi qu’ils fassent du cinéma également. Le théâtre ça sert à tout. On se pose encore la question en France : à quoi ça sert le théâtre pour des chanteurs ? Et bien cela sert à négocier son discours, à sa mémoire, à écouter l’autre surtout.


Star Academy est classée dans la catégorie télé réalité, entre Loft Story et L’Ile de la tentation. Quel est votre regard sur ce phénomène ?

Je suis complètement marginal par rapport à tout ça. Je regarde par curiosité comme tous. Vous savez, je suis bien allé récemment avec une dame de 75 ans dans un porno shop... Elle voulait pas mourir sans voir un godemiché...

Canal + avait programmé une télé réalité, Le Cours Florent, consacrée au théâtre justement. Vous aviez trouvé ça judicieux ?

C’était un peu raté parce que la façon de travailler n’était pas adaptée. Il y a une façon de présenter Shakespeare, Molière ou Marivaux quand vous êtes à la télévision. Vous ne pouvez pas travailler comme si vous étiez en huis clos avec des acteurs. La ménagère de moins de 40 ans n’est pas instruite au point de tout savoir, ce qui est tout à fait normal pour le public. Donc il faut que le langage soit accessible et que l’on voit d’une séquence à l’autre comment le jeune comédien peut évoluer. Et là, la pédagogie est complètement différente. Il faut faire appel à diverses techniques et non pas seulement à l’analyse de texte parce que le peuple lui ne lit pas. Il faut que le message de Hugo, de Musset, de Molière, passe automatiquement et que tout le monde puisse comprendre. Et Peter Brook, et un grand écrivain, et Bernard Pivot et ma femme de ménage. Alexia Laroche-Joubert m’a, du reste, proposé de faire une sorte de master class Actor Studio sur TF1. Nous sommes encore en pourparler...

Ce projet avec Alexia Laroche-Joubert serait donc l’adaptation de votre propre académie de théâtre à la télévision ?

Oui c’est ça, ce sera comme les master classes, avec le travail de l’acteur mais sur une chaîne de télévision très populaire où on parlera de Shakespeare comme on le parlait au 15ème siècle. Pour le public, on doit faire un superbe plat, on doit se faire chier pendant 14 heures pour préparer un plat et au moment où on sert il faut que ça ait l’air d’une soupe normale. Je pense que le rôle de l’artiste, c’est de faciliter, de ruminer suffisamment pour que le public lui, consomme quelque chose. Et qu’il n’ait que du plaisir et non pas à analyser de façon intellectuelle l’œuvre d’art. L’art est devenu extrêmement élitiste et les théâtres qui se veulent populaires aujourd’hui sont à chier... moi, ça me donne envie de partir tout le temps.

Vous préparez également un livre pour avril 2004...

Un livre que j’ai appelé « Les aventuriers du naturel perdu ». C’est un peu tous les déboires des jeunes comédiens. Aujourd’hui un jeune de 18 ans ne connaît pas Gérard Philippe, Jean Vilar ou Orson Welles. Mon but c’est de prendre par la main un jeune et dire voilà : « Il était une fois Jean Vilar, etc... », de faire le pont entre une génération trop jeune et une qui a été même vieille pour moi. Et au théâtre on perd la notion de passé. Mon rôle c’est de mettre un peu à l’heure du jour l’existence des metteurs en scène, des réalisateurs, des comédiens qui ont marqué les deux derniers siècles.

Oscar Sisto, vous apportez beaucoup à la Star Academy mais que vous a t-elle apporté ?

Oscar Sisto : De l’argent (rires). Une notoriété et des gens très chaleureux dans la rue qui m’embrassent. Ca ouvre les cœurs et ça ouvre les portes des ministères et des théâtres. Que demande le peuple !