Pan Am : nostalgie et survol de l’émancipation féminine


Le vent de nostalgie insufflé par Mad Men n’est sans doute pas pour rien dans l’apparition de Pan Am sur l’antenne d’ABC le 25 septembre 2011. À l’instar de la série acclamée de Matthew Weiner, elle replonge le téléspectateur dans les années 60. Et plus précisément en 1963. Année charnière pour les États-Unis, marquée par l’espoir de changements et la fin d’une certaine innocence avec l’assassinat de JFK. Avec Pan Am, le créateur Jack Orman (ex-scénariste de JAG et Urgences) se penche sur l’histoire des hôtesses de l’air de la célèbre compagnie aérienne américaine transatlantique (Pan American World Airways). C’est glamour, ça revisite les moments historiques marquants de cette période (début de la conquête de l’espace, la Guerre froide, le discours de JFK à Berlin et son assassinat en fin de saison) et ça swing au rythme des chansons de Frank Sinatra.
Comme dans un contre-pied à Mad Men, Pan Am est une série hautement féminine. Malheureusement, à la différence de la série précédemment citée, elle en oublie beaucoup trop ses personnages masculins. Mike Vogel (Capitaine Dean Lowrey), que l’on voit de plus en plus depuis Cloverfield (Miami Medical, La couleur des sentiments, Bates Motel et dernièrement, Under The Dome), peine à marquer la pellicule. Pan Am dépeint donc les aventures de quatre héroïnes, avec en tête d’affiche Christina Ricci. Si la présence de l’actrice pouvait présager d’une certaine exigence narrative, ce n’est guère le cas. D’autant plus que Maggie, son personnage de jeune femme progressiste et politisée n’est finalement pas le plus intéressant. Certes, Pan Am a une réelle fraîcheur, qui la rend divertissante et s’accompagne de quelques références cinématographiques plaisantes. Mais on regrette parfois un manque de profondeur. Seul, ou presque, le personnage de Colette, incarnée par la comédienne québécoise Karine Vanasse, apporte quelques fulgurances. Le souvenir d’une enfance traumatisée durant la France occupée donne lieu à quelques scènes marquantes. Son dialogue face à deux dignitaires américains et allemands (épisode 3) est assez savoureux.
Restent les deux soeurs Cameron. La cadette, Laura (Margot Robbie), se place au centre de l’évocation de l’émancipation féminine de l’époque. Dans le pilote, à la manière d’un début - ou d’une fin (Le Lauréat) - d’une comédie romantique, on la voit s’enfuir le jour de son mariage. C’est le personnage naïf de la bande. La petite fille en quête d’identité, mais courageuse parce qu’elle décide de voir le monde, elle aussi, plutôt que de s’enfermer dans le rôle d’épouse et de mère au foyer, qui lui était destiné. Enfin, l’aînée, Kate (Kelli Garner), est le mouton noir de la famille, car trop indépendante. Les auteurs ont fait d’elle une espionne de la Guerre froide. Cette arche narrative, trop artificielle n’apporte pas grand chose à cette courte et unique saison. En janvier 2012, alors qu’il restait quatre épisodes à diffuser sur le network, les Canadiens se risquaient également à la série, dite historique, sur l’émancipation féminine durant la Seconde Guerre mondiale (Bomb Girls), avec une plus grande réussite.
Côté bonus, ce coffret n’apprend rien sur les coulisses de la série. Pas de commentaires audio de la production, ni d’interviews des comédiens, ni de secrets de tournage. Seulement cinq featurettes composant avec les souvenirs des vraies hôtesses de l’air de l’époque. “Le cadeau d’une vie” dit l’une d’entre elles. La compagnie aérienne leur a vendues du rêve durant vingt ans. Ces femmes parlent d’une époque où seulement 10% de la population pouvait se permettre de voyager en avion et où la Pan Am offrait le luxe et le glamour à sa clientèle, composée de gens importants, et à son équipage. Les hôtesses de l’air étaient aussi bichonnées par la compagnie. Elles descendaient dans les meilleurs hôtels. “Ils voulaient que personne ne soit malade parce qu’ils ne pouvaient pas nous remplacer.” Ces vignettes anecdotiques d’une durée de 3 à 5 minutes rendent compte d’une nostalgie, d’un enthousiasme et d’une émancipation pour ces femmes qui ont découvert le monde grâce à ces vols transatlantiques. Elles travaillaient dur, mais ne retiennent que leurs rencontres avec des hommes politiques, des rois et des reines. À bord, les sujets qui fâchent (politique et religion) étaient interdits.
Leurs aventures, leurs anecdotes, leurs histoires d’amour ont servi de base à la série de Jack Orman. Une courte interview de la productrice exécutive, Nancy Hult Ganis, informe de la genèse de cette série. Celle-ci est une ancienne hôtesse de l’air de la Pan Am, devenue journaliste. De son expérience et de celle de ses copines, elle a d’abord souhaité en faire un documentaire, puis un film de fiction, avant qu’on lui fasse remarquer qu’elle avait assez de matière pour en faire une série télé. Nancy Hult Ganis a alors tourné un mini-documentaire avec ses anciennes camarades et l’a présenté à Sony. Ayant grandi avec les lectures des aventures de Nancy Drew et Pippi Longstocking, la productrice a ici voulu des héroïnes positives et de nouveaux modèles féminins pour le public. Avec l’optimisme d’une miss, Nancy Hult Ganis s’est donné l’ambition d’offrir aux téléspectateurs plus de compréhensions et d’appréciations dans cette société contemporaine si divisée. Elle mentionne alors cette phrase de Juan Trippe, fondateur de la Pan Am, “More we understand each other, the more opportunity we have for a world peace” (“Plus nous nous comprendrons les uns les autres, plus l’opportunité d’avoir un monde en paix sera grande”).
On pouvait déjà imaginer dix saisons de Pan Am retraçant l’âge d’or de la compagnie aérienne, disparue en 1991. De 1963 à 1973, année de la crise pétrolière marquant les premières difficultés de la Pan Am, les téléspectateurs auraient redécouvert une transformation de la société par le prisme du trafic aérien. Mais les Nancy Drew en herbe n’ont pas eu l’occasion de s’exprimer, ni de s’étoffer, bien longtemps. La dure loi des audiences a eu raison de la série après seulement quatorze épisodes. La fiction ne vaut pas toujours la réalité.