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Popstars > Mia Frye, l’interview vérité

Tony Cotte
Publié le 29/09/2007 à 13:56 Mis à jour le 09/11/2011 à 17:50

« Happy Face », « Pia pia pia dans ton corps » ou encore « C’est now », les expressions et anglicismes de Mia Frye ont fait d’elle une des personnalités les plus déjantées de la télé-réalité. Après un passage explosif dans La Ferme, la célèbre chorégraphe est de retour sur les petits écrans pour la dernière édition de Popstars où elle n’a pas perdu de son excentricité. Retour pour Toutelatele.com sur la carrière et les projets d’une femme passionnée, drôle, terriblement attachante et capable de changer aussi souvent de coupes de cheveux que M6 de programmes en access prime-time !

Tony Cotte : Quelle a été votre toute première réaction quand on vous a proposé de participer à l’aventure Popstars ?

Mia Frye  : J’ai été hyper ravie. Avec le carton de Nouvelle Star, jamais je n’aurais pensé que Popstars allait revenir. Lorsque l’on m’a appelée pour y participer, j’ai été heureuse. C’est une émission différente. Je la considère vraiment comme un documentaire : nous mettons en avant le travail, de l’apprentissage en passant par la manière de développer un artiste. C’est vraiment l’envers du décor. Dans les autres programmes, on voit des élèves qui ne chantent que des reprises, ils font rarement des compositions.

Tony Cotte : Les candidats de Popstars eux aussi passent par le stade des reprises lors des castings...

Mia Frye  : Pour les entraînements et sélections, ils sont obligés de miser dessus. Mais l’aboutissement va très vite vers des compos personnelles. On les voit rapidement dans leur personnalité. Ce n’est pas axé sur leur vie intime et les batailles de Nutella.

Tony Cotte : Vous auriez déclaré suite au premier Popstars que l’on a véhiculé une image de méchante qui ne vous correspond pas. Cette nouvelle édition est-elle l’occasion de redorer le blason ?

Mia Frye  : Pour le premier Popstars, la production avait envie d’affirmer chaque membre de jury. En tant que professeure de danse, j’ai une rigueur et une certaine discipline. L’exigence est passée à l’écran pour de la méchanceté. Ca m’a blessée. Les gens autour de moi ne comprenaient pas pourquoi on ne mettait que ça en avant et pas l’humour ni la tendresse. J’ai eu aussi des moments de pleurs, de doutes mais, pour des raisons que j’ignore, ça n’a pas été mis en avant. Regardez Philippe Lucas ! Même si on a été un peu dur avec lui, le mec ramène des médailles derrière. On accepte ça chez un coach sportif mais pas chez un chorégraphe.

Tony Cotte : Cette rigueur dans Popstars ne vous a t-elle pas également révélée aux yeux du grand public comme une professeure efficace ?

Mia Frye  : Heureusement, on a remarqué qu’il y avait un vrai boulot derrière l’album des filles (les L5, ndlr). Le public a aimé tous leurs efforts et leur travail. Il y a eu une tournée à guichets fermés et j’étais obligée de « driver » tout ça. Peut-être à la fin de la tournée, les gens se sont finalement rendus compte que cette exigence a permis un certain résultat ? Et puis l’échec des deux éditions suivantes m’a confortée. Les jurés étaient un peu plus cool, on a obtenu un résultat beaucoup moins performant. Mes filles, elles, se sont bien entendues et leur amitié continue toujours aujourd’hui. Les autres n’ont pas fait de tournée et leurs albums n’ont pas réalisé les mêmes chiffres. C’est à ce moment-là que l’on se demande où sont les médias pour le dire ? Et bien sûr on revient avec le même marteau pour m’écraser, mais je ne vais pas changer. Je suis toujours la même...


Tony Cotte : En même temps le côté « happy face », « pia pia dans ton corps » et toutes ces expressions...

Mia Frye  : ... Elles m’ont sauvée ! Je ne me suis pas rendue compte sur le coup. Je ne suis pas André Manoukian qui écrit à l’avance ses phrases poétiques et galactiques ou je ne sais quoi. Moi ça vient au feeling. Je suis restée moi. Peut-être avec le recul, je prends les choses moins violemment. Lors de la première saison, j’étais trop passionnée et obnubilée par la réussite du projet, que je ne savais pas où j’allais. C’est la première fois qu’il y avait ce genre de programme à l’antenne. Il ne faut pas oublier que nous avons commencé avant Star Academy, nous n’avions aucune référence à l’époque. Aujourd’hui, je suis un peu plus sereine. Cette saison, les trois autres membres du jury ont été dans l’état d’appréhension. Ils m’ont demandé des conseils par rapport à la manière de « driver ». Et je sais dorénavant que je suis capable de révéler des gens.

Tony Cotte : Sur le plateau de Marc-Olivier Fogiel, vous avez déclaré avoir dit aux L5 : « Dans 5 ans je sais où je serai moi ». N’est-ce pas un peu facile aujourd’hui que le groupe est séparé ?

Mia Frye  : Mais je l’ai vraiment dit. J’ai bien précisé à l’époque : « Je fais votre tournée mais vous êtes relous, vous n’écoutez pas, vous prenez la grosse tête, toujours le portable à l’oreille ou en train de vous plaindre ». Je n’étais pas là pour faire du baby-sitting ou du social. Ça m’a crevé. Mais je devais aller jusqu’au bout de ce truc.

Tony Cotte : Aviez-vous songé à arrêter en cours de route ?

Mia Frye  : Elles ont tellement eu la grosse tête qu’à un moment j’ai même arrêté ! On travaillait à deux avec mon époux et nous avions préféré partir pendant notre été avec notre môme. La maison de disque et M6 étaient totalement flippés. Richard Cross m’a même contactée pour me dire qu’elles faisaient leurs petites cailleras. Mais au moment où j’ai claqué la porte, elles étaient effondrées, au point où il n’a pas même pu faire son cours de chant. Par devant, elles me disaient : « Ouais, écoute on fait de la promo, on est crevées, tu sais pas ce que c’est », comme si elles pouvaient faire ce bla bla bla à moi ! Tout le monde me rappelait sauf les filles qui avaient leur fierté. Alexandra avait même contacté une copine à elle chorégraphe de majorettes pour me remplacer. C’est dire le niveau intellectuel. Comme si n’importe qui pouvait faire travailler cinq filles qui ne savent même pas vraiment danser, sauf une, pour une tournée à guichets fermés dans les Zénith de France. La fameuse majorette ne connaissait même pas les quatre autres. Le niveau chorégraphique était du plagiat de Michael Jackson, c’était un vrai désordre : la catastrophe. En quatre jours, elles étaient à environ 10 secondes de choré ! A ce rythme-là, c’était impossible d’aller jusqu’au bout. Pascal Broussot et Santi (les deux autres jurés de Popstars 1, ndlr) m’ont demandé de revenir. Le producteur Charles Talar, qui sortait du triomphe de Notre dame de Paris, se demandait même qui étaient ces filles pour se comporter ainsi. Alors, évidemment j’ai un cœur, je savais qu’elles étaient perdues...

Tony Cotte : Vous êtes donc revenue ?

Mia Frye  : Avec mon époux, nous sommes revenus en les avertissant : « A partir de maintenant, il n’y a plus d’amitiés, plus d’échanges, ça ne sera que du boulot ». Je ne voulais pas qu’elles se ridiculisent sur scène. Je suis allée jusqu’au bout puis, je n’ai plus revu ces filles. Je leur ai dit à ce moment-là : « Je suis fière du travail accompli mais pas de votre attitude. Ça va vous nuire. J’ai juste une dernière chose à vous dire : je sais où je serai moi dans 5 ans ». On ne peut pas dire que je suis hypocrite. Depuis l’âge de 12 ans, j’enseigne la danse, je transpire et je suis au service des autres. J’aimerais juste un minimum de respect en retour.


Tony Cotte : Avez-vous rencontré des problèmes similaires lors de cette édition de Popstars ?

Mia Frye  : J’ai « drivé » petit à petit les mômes. Malheureusement, certains arrivaient avec une attitude qui pouvait gâcher leurs prochaines auditions car, pour nous, c’était déjà trop tard. Il faut être sûr de soi mais pas d’une manière agressive. Vu que je l’avais vécu, je sais reconnaître de suite ceux qui s’enflamment facilement et qui distillent les mauvaises informations pour déstabiliser les autres candidats. J’allais voir ces personnes discrètement pour les prévenir.

Tony Cotte : Allez-vous suivre les futurs gagnants de près pour ne pas renouveler les mêmes erreurs qu’avec les L5 ?

Mia Frye  : Je vais attendre que l’album soit réalisé. Si j’aime et que ça m’inspire, j’y vais. Si je me rends compte que c’est un peu léger pour moi ou que ce n’est pas tellement mon flow, je céderai la place. Je serai franche. Mais je ne décide pas vraiment. La décision appartient à Benjamin Chulvanij et ULM. A l’époque du premier Popstars, c’était une évidence pour Santi et Pascal Broussot que ce soit moi. Nous étions dans les tranchées ensemble. Nous avions transpiré, c’était intense.

Tony Cotte : Ce n’est pas le cas cette saison ?

Mia Frye  : Là, pour cette édition, j’ai plus de recul. Les trois autres membres du jury n’avaient jamais fait cette expérience auparavant. Ils se connaissaient un petit peu en dehors et se sont donc soudés tous les trois. Malgré eux, j’ai senti qu’ils m’ont mise un peu de côté. De toute façon, j’étais là pour le projet et les candidats et non pour me faire des amis membres du jury.

Tony Cotte : Vous qui êtes née aux Etats-Unis, que pensez-vous du terme « r&b » aujourd’hui. N’avez-vous pas l’impression qu’il a perdu sa signification d’antan ?

Mia Frye  : Le r&b tel que moi je le conçois c’est du rythm & blues, une musique qui vient de très loin. C’est vrai que je suis noire américaine, j’ai été baignée là-dedans. Aujourd’hui, j’apprécie beaucoup quand les nouveaux artistes font leurs morceaux sur scène en live. Souvent ils ont tendance à faire venir de vrais musiciens et de jouer leurs compositions d’une façon très soul. Ils essayent de retrouver une vraie identité comme avant. Maintenant je pense que le r&b se doit d’être également un vrai spectacle, un show où l’artiste chante et danse. J’apprécie ce côté-là. J’espère qu’avec ce Popstars j’arriverai à trouver des éléments qui puissent tenir ce choc et donner aux autres membres du jury cette vision aussi ambitieuse. Mais ils sont nés en France, ils conçoivent la musique d’une autre manière, peut-être plus de variété dansante. Moi ça m’horripile quand j’entends les termes « Alicia Keys française » ou le « Justin Timberlake français ». C’est terrible ! Ca voudrait dire que l’on cherche une copie ? Mais on ne pourra jamais égaler ces artistes-là, c’est impossible...

Tony Cotte : Votre ambition est donc de former un modèle ?

Mia Frye  : Voilà ! Il faut trouver un artiste de r&b mais français, avec des textes ambitieux, du son qui tourne derrière et une vraie présence. Un personne qui sache occuper une scène et non juste une voix qui a besoin de 8 danseurs derrière pour avoir de la gueule.


Tony Cotte : On peut lire sur certaines de vos biographies que vous auriez refusé d’être chorégraphe pour Michael Jackson et Mariah Carey...

Mia Frye  : En fait, j’ai travaillé pour Sony. Je suis allée à leur convention à Miami. J’ai fait le ballet d’ouverture et ils ont beaucoup aimé. Aux Etats-Unis, on ne fait pas vraiment de mélange au niveau de la danse. On a soit du hip hop, soit du contemporain ou du classique. Moi j’avais pris des danseurs avec une formation multiple. Ils étaient vraiment enthousiasmés. J’ai pu y rencontrer des artistes comme Maxwell, Lauryn Hill ou encore Missy Elliott. Sony m’a alors proposé de travailler. Quand tu es chorégraphe attitrée à la maison de disque tu as le premier choix des artistes. Il y avait Michael Jackson, Mariah Carey, Will Smith et j’en passe...

Tony Cotte : Et vous avez refusé ?

Mia Frye  : Mon enfant est scolarisé en France. Mon époux est à moitié français. J’avais à peine un mois pour tout quitter et m’installer à New-York. Imposer ça à sa famille, c’est dur ! En même temps, je suis passée à côté d’un travail d’une certaine qualité et de beaucoup d’argent. Aux Etats-Unis, on rémunère les gens selon leurs compétences, on n’a pas besoin de prouver systématiquement ce que l’on vaut. Mais je suis restée intègre et j’ai pensé aux autres. Mon fils aurait-il pu s’y adapter ? Et mon époux dans une tout autre vie beaucoup moins sereine ? On ne compte pas les horaires là-bas, il n’y a pas de pause. C’est work work work. Los Angeles est un peu plus « layback » mais New-York est vraiment intensif. C’est un changement violent par rapport à la France ! Et j’ai pensé à toutes les personnes à qui je donne des cours chaque année. Ce sont des gens avec qui je suis attachée, dont certains depuis plus de 10 ans. Je me suis créée une famille ici.

Tony Cotte : Au fond de vous, ne regrettez-vous pas ce choix aujourd’hui ?

Mia Frye  : Non parce que finalement je rencontre ces gens-là. J’ai eu l’occasion de travailler avec Paula Walker, une réalisatrice qui a fait des clips avec Gwen Stefani, Missy Elliott ou encore 50 Cent. Elle m’a fait une proposition pour une vidéo prochainement à Los Angeles. Elle a apprécié mes « moves » jazz et un peu urbain. Elle m’a dit que j’étais chic (rires). Elle m’a trouvé facile à travailler et respectueuse. Les autres chorégraphes sont vraiment ghettos, ils parlent mal aux gens et ne comprennent pas qu’il faut attendre la lumière ou que le chef opérateur fasse son travail. Moi je le fais car j’ai eu l’habitude avec le cinéma. En ayant eu l’expérience de Luc Besson et à deux reprises avec Brian De Palma, vous comprenez pourquoi ces détails sont si importants.

Tony Cotte : Vous avez fait l’objet de nombreuses parodies. Quand Cauet chante « Je danse avec Mia » ou que l’on parle de votre « poulpe sur la tête », comment réagissez-vous ?

Mia Frye  : Ca m’a fait beaucoup rire. Je considère Cauet comme un ami. Il est toujours là pour moi et surtout il est très intelligent. Il fait tout pour qu’on ne soit pas fâchés et fait comprendre que c’est « just a joke ». Pour le poulpe, ça vient de Benoît Poelvoorde. Je l’adore. Que les gens reprennent ça, c’est assez comique. Bob Marley aussi en avait un, vive les poulpes ! (rires) Il faut avoir de l’auto dérision. Si on n’a pas ça, c’est terrible. Je ne veux pas être tout le temps à vif et en souffrance. La critique vous permet de rester humble. J’aime la vie, j’aime rire et j’aime partager.