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TF1 : la difficile reconquête des fictions françaises

Aurélie Demarcy
Publié le 14/12/2009 à 13:08 Mis à jour le 03/12/2012 à 11:13

2007, année noire pour la fiction française de TF1. Pour exemple, l’échec cuisant de L’Hôpital, pâle copie de Grey’s Anatomy. Ainsi, avec 4.7 millions de téléspectateurs et 19% de part de marché, les deux premiers volets de cette « adaptation » avait placé la chaîne sur la troisième place des meilleures audiences de la soirée, du jamais vu pour la case horaire. La déception de L’Hôpital fait monter la température du patron de la fiction en date, inévitablement mis sur la sellette, Takis Candilis. Avec un budget colossal de 200 millions d’euros, nombre de critiques fustigent alors la politique de production des fictions françaises de la chaîne privée, laquelle se cantonne, d’après les avis mécontents, à des adaptations de consœurs américaines évitant la moindre prise de risque et, dans un même temps, n’apportant « aucune créativité ».

Dès 2008, Laurent Storch, fraichement nommé directeur des programmes, monte au créneau et fait état des grands remaniements futurs dans les colonnes du Point : « Mise à part « Joséphine ange gardien », tout va évoluer. (...) Nous avons déterminé deux enjeux éditoriaux. D’abord TF1 a trop donné dans le genre « policier ». Nous souhaitons aller vers un genre plus proche des goûts féminins [avec] une écriture américanisée ». En effet, si les policiers avaient l’apanage des jeudis soirs, Nathalie Laurent, directrice artistique de la fiction, le certifie : « On va ouvrir la case sur le procédural, la justice, les événements type « Gévaudan » (en tournage à partir de février avec Ingrid Chauvin), les thrillers, l’aventure, la comédie policière. » Un éventail de thématiques visant à apporter plus de proximité et de «  vérité dans les rapports humains ».

Une prise de position certainement impulsée par la réussite manifeste de « la comédie du lundi », Mes amours, mes amis, mes emmerdes. La mini-série, composée de six épisodes, peut se targuer d’avoir su tenir en haleine près de 7 millions de Français, pour 28% de part de marché. Un record qui lui a assuré le haut de l’affiche des prime-time. Et, puisque cette recette à la sauce transgénérationnelle fonctionne, la chaîne privée compte bien exploiter le concept porteur. Ainsi, prochainement, la case du lundi verra défiler une kyrielle de fictions made in France. De Victor Sauvage avec Jean-Luc Reichmann aux nouveaux épisodes de Camping Paradis, en passant par Les Toqués 3, chacun de ces unitaires (à l’origine) auront la responsabilité d’égaliser les scores des récurrentes Sœur Thérèse.com et l’indétrônable Joséphine ange gardien. Véritable valeur sûre de TF1, avec 7.8 millions de téléspectateurs pour le dernier épisode inédit en date, cette dernière a la garantie d’occuper l’antenne jusqu’en 2014... au moins !

Bien que la Une ait retrouvé ses repères en matière de fond, celle-ci se cherche encore dans la forme. Si Laurent Storch annonçait une « révolution dans [le] modèle de production », en refusant tout projet de série « en dessous de 12 épisodes par saison », il se trouve que la fameuse Mes amis, mes amours, mes emmerdes en comptait deux fois moins. Une déclaration sur laquelle revient alors le directeur des programmes un an plus tard : « Produire autant d’épisodes ce n’est pas encore possible. (...) Nous allons compenser cet état de fait en commandant 3 ou 4 suites lorsqu’une fiction unitaire aura plu au public. » Une ligne de conduite par laquelle TF1 revoit sa folie des grandeurs à la baisse et opte pour la prudence. Un revirement qui n’aura alors pas profité aux unitaires du jeudi Otages (5.55 millions de téléspectateurs), Services sacrés (5.06 millions) et Les Associés (5.11 millions), ce dernier téléfilm décevant même le public au point où près de 1.5 million de Français l’ont déserté au cours de la première demi-heure !
Du fait de ces mauvais scores, ces productions n’auront pas droit à des suites.

Ainsi, la chaîne privée semble avoir trouvé une manière radicale et efficace de gérer la popularité de ses fictions. En ce qui concerne la prise de risque, le diffuseur reste peu téméraire et prépare actuellement
un remake de Sissi (en deux fois 90 minutes) et celui des Ripoux signé par Claude Zidi et son fils. Reste à savoir alors si ces projets s’installeront le lundi ou le jeudi soir, au jour où la thématique de cette case horaire est en pleine réflexion. Car si l’heure n’est plus aux polars mais à la diversité, la confusion des genres plane pour des téléspectateurs en manque de repères...