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Tournez Manège > Les souvenirs de Fabienne Egal

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Directeur de la publication
Publié le 17/10/2009 à 18:45 Mis à jour le 25/03/2013 à 18:16

Entre 1985 et 1993, Fabienne Egal a fait partie des trois animatrices de Tournez Manège aux côtés d’Evelyne Leclercq et Simone Garnier. Au moment où TF1 relance le jeu avec Cauet à ses commandes, l’ex-speakerine de la chaîne privée nous immisce dans la mémoire de la télévision en retraçant sa carrière, sans langue de bois.

Jérôme Roulet : Vous avez débuté à la télévision en qualité de speakerine. Comment êtes-vous arrivée à ce poste clé de la télé d’hier ?

Fabienne Egal : Par hasard, tout simplement, J’étais étudiante et TF1 cherchait des speakerines étudiantes. Faire de la télévision « par accident » est d’ailleurs un atout formidable, car du coup on n’est pas motivée par la seule ambition, la soif de célébrité ou d’argent. Au final, pour moi ça a toujours été un job d’étudiante (rires)

Avez-vous ressenti certaines difficultés au départ ?

Oui, le plus dur pour moi a été d’apprendre à parler dans un micro, à l’antenne et surtout à tout le monde. Nous étions pour ainsi dire livrées en pâture à des millions de gens, seules devant la caméra, avec parfois un cadreur derrière l’objectif. Il fallait parler de programmes plus ou moins captivants, et ce, sans prompteur, et être à la fois consensuelle et naturelle. Mon travail personnel le plus éprouvant a été de me réapproprier mon naturel. Ça a été très difficile au démarrage. J’ai mis pas loin d’un an et demi à « me ressembler » à l’écran.

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur ce métier de speakerine totalement disparu ?

Avec les speakerines, entre autres, la télévision d’hier donnait plus de place à « l’humain ». Cette télévision-là avait un rapport, à mon sens, d’écoute et de mise en valeur du téléspectateur. Aujourd’hui, certaines émissions sont plutôt faites pour mettre en lumière les animateurs qui deviennent des stars, promises au « mercato » des chaînes à chaque rentrée, et ce au détriment du public. L’invité est parfois moqué, même cruellement, ou inexistant, ou coupé au montage quand l’émission est enregistrée.

Votre première véritable émission a été la co-présentation des Pieds au mur en 1982 avec Nicolas Hulot. Quel souvenir en gardez-vous ?

Génial ! Nicolas était adorable. C’était mes premiers pas dans l’animation. Il s’agissait d’une émission destinée aux 8/12 ans, en direct le mercredi après-midi. On était tout jeunes à l’époque et j’étais coiffée en brosse (rires). Nicolas avait déjà cette passion pour les scientifiques, les aventuriers et l’écologie.

Puis, vient le tour de La Une chez vous, une quotidienne qui ouvrait l’antenne de TF1. Quel était votre rôle au sein de ce programme ?

C’était une émission d’une vingtaine de minutes en direct. Un melting-pot sur les programmes de la chaîne où j’ai fait mon apprentissage de l’interview. Avec ce magazine, on me demandait d’interroger, en direct et en trois minutes montre en main, des gens comme Simone Veil, Serge Gainsbourg ou encore les héros de Santa Barbara.

En 1985 débute l’aventure Tournez Manège. Comment vous a-t-on proposé ce jeu ?

J’ai rencontré dans un avion, Claude Lambert, le producteur de l’émission. En discutant avec moi, il a eu l’idée de me faire participer au casting. Ils voulaient un casting multi-facettes de plusieurs femmes qui, à trois, pourraient faire une femme complète. C’était bien vu et la recette a fonctionné.

Pouvez-vous en rappeler le concept initial ?

Tournez Manège était diffusé entre 12 et 13 heures. Dans la première partie, il y avait le jeu du catalogue avec José Sacré, et Jean Amadou faisait venir des célébrités pour confier leurs petits secrets domestiques. Pour ma part, je faisais partie de la deuxième partie, qui s’ouvrait d’abord avec le jeu musical en compagnie d’Evelyne Leclercq et Charlie Oleg. Puis, Simone Garnier récupérait les candidats qui s’étaient rencontrés chez moi pour leur faire raconter ce qui s’était passé la veille au soir. Moi, j’arrivais pour la séquence des rencontres aveugles. Ce qu’anime Cauet actuellement sur TF1.


Des changements ont eu lieu au fil des années. Les premiers ont-ils coïncidé avec la privatisation de TF1 en 1987 ?

Quand TF1 a été racheté par le groupe Bouygues, on a vite senti que l’ambiance kitsch qui faisait le succès de Tournez Manège n’était pas vraiment du goût de la nouvelle équipe. Ils voulaient quelque chose de plus glamour. Mais avec nos 50 à 60% de part de marché, on était « les poules » aux œufs d’or (rires). Le jeu est donc resté sur la grille bien qu’il ait été vraiment marqué « service public ».

Comment avez-vous ressenti l’évolution du jeu avec le temps ?

Clairement, on n’a eu ni bandes-annonces, ni promos. On s’est auto-suffit. C’était hallucinant ! Toutes les nouvelles émissions, qui n’avaient pas du tout le même esprit que Tournez Manège, avaient leur promo, et nous pas ! De temps en temps un vague jingle d’appels à candidatures, tout au plus.... Mais on a quand même résisté, contre vents et marées. Alors a commencé la terrible ascension dans la grille des programmes (rires). Ils ont supprimé la première partie de l’émission avec José Sacré et Jean Amadou. On s’est retrouvés de 12h30 à 13 heures, puis déplacés de 12h00 à 12h30, puis 11h30/12h00, ils ont viré Charlie Oleg un peu avant la fin et on a fini par commencer à 10h50 ! Et là, on faisait encore des parts de marché plus qu’honorables !

En 1993, le manège cesse définitivement de tourner. Comment avez-vous appris la fin du jeu ?

On l’a su en même temps que tout le monde. J’ai demandé un rendez-vous en haut-lieu à TF1. Etienne Mougeotte (directeur de l’antenne, ndlr) m’a dit « Nous anticipons la chute ». J’ai trouvé que c’était une jolie formule, une formule à resservir (rires). Ça s’est donc arrêté. Ca a été pour moi un déchirement de quitter TF1 de cette manière au bout de 17 ans mais j’ai dû tourner la page. Comme on ne collait pas avec l’image glamour de « TF1 privée », donc TF1 a tué Tournez Manège.

Seize ans après son arrêt, quel regard portez-vous sur votre Tournez Manège ?

C’était la première émission de rencontres. Aujourd’hui, les gens crèvent de solitude, le lien social et familial s’effiloche, ils passent leur temps sur des sites de dating sur internet. Tournez Manège était une plaque tournante de rencontres amicales amoureuses ou tout bonnement sexuelles. On formait des couples parfois très improbables ! J’étais parfaitement consciente que cette émission pouvait durer encore longtemps. La preuve, ils la remettent au goût du jour...

Que pensez-vous de cette nouvelle version de Tournez Manège animée par Cauet ?

Pour moi, ce n’est pas la même émission, elle ne touche pas la même cible. Nous, nous étions volontairement démodés, intemporels, et tout le monde pouvait s’y retrouver ou y retrouver le voisin, à tous les degrés possibles et imaginables.... Aujourd’hui, c’est devenu plus speed-dating et forcément plus cru, plus sexe. Les candidats parlent moins, donc l’identification d’un public très large est plus difficile à obtenir.

Trouvez-vous que c’est le Cauet Show ?

Non, Cauet fait très bien son boulot de bon copain, il est même plutôt plus sobre que d’habitude. Mais c’est une émission qui se veut moderne, donc forcément plus fabriquée. Il y a un côté beaucoup plus voyeur. Nous, on était, je pense, plus dans le ludique et le décalé. On revendiquait l’aspect kitsch, si bien caricaturé par les Inconnus. C’est ce qui fonctionnait. En revanche, j’ai « reconnu » les candidats au point que devant ma télé, je rebondissais sur leurs propos à la place de Cauet, mais sans dire les mêmes choses. A chacun son style !

Au final, cette nouvelle version de Tournez Manège, vous la regardez ou vous la zappez ?

Je l’ai vue une fois, ça m’a suffi. Je ne suis pas cliente des émissions trop formatées.


Pour revenir à votre parcours, à la fin de Tournez Manège, vous quittez TF1 et rejoignez la chaine locale RTL TV.

Oui, j’y animais Doublé gagnant avec Thierry Guillaume. Ce jeu marchait très fort ! Sur tout l’est de la France, on devançait même TF1. On faisait ça avec des bouts de ficelle, car il n’y avait pas de budget. Ça a duré cinq ans et c’était vraiment sympa. Comme quoi il n’y a pas besoin de fric pour que ça marche ! Après, RTL9 a été rachetée par AB Prod et nous sommes partis avec l’eau du bain, car ils avaient arrêté toutes les productions.

Peu de temps après, on vous retrouve sur France 2 aux commandes de Jeux sans Frontières en duo avec Nelson Monfort. Que retenez-vous de cette expérience ?

C’était ma dernière grande expérience à la télévision... On a passé un été en Calabre. L’aspect intéressant était le côté co-production. Les relations télé de pays à pays étaient assez étranges. C’était d’ailleurs la dernière année de Jeux sans Frontières... Une fin abrupte ! Encore ! (rires)

Voilà maintenant dix ans que vous êtes absente du petit écran. La télévision, c’est fini pour vous ?

Non, je dirais plutôt que je semble être finie pour la télévision (rires). Moi, j’ai l’impression de ne pas avoir quitté le public, donc j’ai forcément un lien avec la télévision. J’ai cependant refusé quelques propositions notamment de télé-achat, car ce n’était pas mon truc. Je n’avais pas envie de gâcher mes souvenirs télévisuels. Pendant des années, j’ai été invitée sur des plateaux télé et toujours pour reparler de Tournez Manège. À force ça lasse. Donc, à un moment, ça casse ! J’ai arrêté les frais. Mais j’adore être sur un plateau, j’adore les caméras et le contact avec le public.

Quelle a été votre reconversion depuis ?

Je suis aujourd’hui formatrice et coach en prise de parole en public. Mais ma vraie reconversion s’est arrêtée il y a deux ans. J’avais travaillé avec passion sur un formidable projet international : la création d’une chaîne d’alphabétisation et de développement humain qui démarrait en Afrique de l’Ouest... Mais au moment où on touchait au but, la personne qui nous finançait a « retiré ses billes »...

Désormais vous utilisez alors votre expérience pour enseigner...

Oui, en attendant de me réinvestir dans un autre projet ou l’émission télé de mes rêves, je fais de la formation média-training auprès d’étudiants d’écoles de commerce et de médias et de la fac de Paris-Dauphine. Je le fais ponctuellement aussi en entreprise. J’aime transmettre ce que j’ai appris vraiment toute seule et ça marche bien. Je continue aussi à m’occuper de projets de développement et d’associations.

Que retenez-vous de votre passage à la télévision ?

J’ai adoré ! La télévision n’est pas juste un moyen d’accéder à la notoriété. C’est une formidable carte de visite. Quand je sortais de chez moi les gens m’abordaient comme si on se connaissait depuis toujours, une incroyable familiarité s’était instaurée. C’est grisant... Surtout à Paris où personne ne se parle. Ce qui est surprenant et émouvant c’est que ce lien affectif perdure, que je fais toujours partie de la famille et ça, ça me fait chaud au cœur. J’aime le public et il me le rend bien.

La Ferme célébrités, 3e du nom, va ouvrir prochainement ses portes. Aimeriez-vous rejoindre le casting ?

Ah non ! Et pourtant, j’adore planter des patates douces et le continent africain (rires). Une semaine à la ferme, j’aimerais beaucoup, mais ni avec les caméras, ni avec les people. Attendez, je n’ai pas l’intention que quelqu’un me voie dormir.

Pour refermer cette interview, nous allons évoquer un grand moment de télévision. Nous sommes le 22 juin 1990. Il est 20h45. Vous êtes en direct sur TF1 aux commandes d’Avis de Recherche...

En fait, il s’agissait de mon Avis de recherche. C’est du moins ce que tout le monde pensait. Mais Rémy Grumbach (réalisateur de l’émission, ndlr) m’a appelée en me demandant si je pouvais animer l’Avis de Recherche surprise de Patrick Sabatier. J’ai dit oui tout de suite ! Ils avaient réuni ses parents, sa femme, son frère, et rassemblé toutes les stars qu’il avait invitées dans ses émissions pour chanter « La ballade des gens heureux ». Il allait de surprise en surprise, c’était génial ! Patrick a été secoué. Il m’a dit qu’il n’avait pas dormi après pendant trois jours. Moi, je me suis beaucoup amusée et j’ai vraiment ressenti le stress du prime, car il ne fallait pas « se louper » ! Ça s’est bien passé en partie grâce à la super équipe qu’il y avait derrière. Ça a été un record d’audience pour les prime de TF1, et un très bon moment de télévision pour moi.