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Cyrille de Lasteyrie : du Vinvinteur à Médias, le magazine

Tony Cotte
Publié le 21/09/2013 à 18:47 Mis à jour le 17/10/2013 à 19:06

Il était l’an dernier aux commandes du Vinvinteur sur France 5. Cette saison, orphelin de son émission, il rejoint la troupe de Medias, le magazine et collabore toujours avec France Télévisions sur des projets. Ce passionné du petit écran et fidèle du Daily show de Jon Stewart revient pour Toutelatele sur l’évolution de la télévision et la place à l’innovation aujourd’hui

Tony Cotte : Après votre première participation à Médias, le magazine, le 8 septembre dernier, dans quel état d’esprit étiez-vous ?

Cyrille de Lasteyrie : Comme un string détendu (rires). J’étais stressé en le regardant et en surveillant les réactions sur les réseaux sociaux. En fait, c’est surtout la réception qui peut-être stressante.

En tant que spécialiste des notes, laquelle vous attribueriez-vous ?

Sur la première émission, je me mettrais 14. J’ai eu un trou de mémoire les trente premières secondes, ce qui est assez exceptionnel. Mais ça a été sauvé avec talent par Thomas Hugues ; il m’a relancé alors que ce n’était pas prévu. Le début était mou. Je dois rentrer plus vite dans l’action.

Vous êtes un passionné du petit écran. Au fil des années, votre regard sur la télévision a-t-il évolué ?

Je commence à comprendre certains formatages. Quand on débarque, on a envie de tout réinventer. Mais on constate qu’il y a des règles à respecter : un public, des critères, de l’écriture, une forme de cohérence… S’y adapter n’est pas compliqué, mais il faut savoir où sont nos priorités. La démarche est différente si on souhaite une émission qui marche sur le coup, qui dure ou qui devienne culte.

Peut-on innover en respectant un lourd cahier des charges ?

C’est difficile d’innover aujourd’hui. Plusieurs paramètres doivent converger : une bonne idée, une bonne écriture, une bonne chaîne, une bonne promo, et, évidemment, le talent pour le faire. On peut acheter une marque et la faire évoluer au fil des saisons, mais réellement innover à partir de rien, c’est assez compliqué.

On parle beaucoup de la guerre de l’access. En tant que téléspectateur, quel choix faites-vous ?

Moi, je zappe. Je ne peux pas tenir une heure et demie sur la même chaîne à cette heure-là. J’alterne entre Le Grand journal et C à vous. J’attends avec impatience Jusqu’ici tout va bien. Je pense que Sophia Aram peut surprendre beaucoup de gens (l’interview a été réalisée avant le lancement de l’émission de France 2, ndlr).

« On ne s’est pas aperçu de ma présence dans Touche pas à mon poste »

Vous verriez-vous dans un programme comme Touche pas à mon poste en tant qu’intervenant régulier ?

Je l’ai fait une fois et je crois que je ne suis pas assez méchant pour dire du mal vite. J’ai besoin de prendre mon temps. Dans une équipe comme celle de TPMP, il faut s’imposer pour prendre la parole et je ne sais pas le faire. J’avais fait un passage chez Hanouna il y a deux ans et j’ai été tellement poli qu’on ne s’est pas aperçu de ma présence (rires). Le travail des chroniqueurs d’Hanouna est compliqué ; ils sont assez balèzes.

Il y a deux ans, vous avez entrepris une « désintoxication » des réseaux sociaux. Vous avez comparé cette addiction à celle pour l’alcool ou encore l’héroïne. Quel bilan dressez-vous de cette expérience aujourd’hui ?

Je crois que ça ne sert à rien de se désintoxiquer ; il faut juste apprendre à se droguer moins et utiliser internet avec mesure. Il faut se connecter quand c’est l’essentiel et non pas se plonger dedans.

Auriez-vous aimé que votre démarche ait été immortalisée dans le cadre d’un documentaire ?

Ça peut en effet être intéressant. Assez régulièrement des gens font cette expérience, parfois allant jusqu’à un an sans internet, et en font un rapport. Ça ne tiendrait peut-être pas 52 minutes, mais ça peut faire un bon 26 (rires).

Partie 2 > L’annulation du Vinvinteur et ses projets

Vous étiez l’an dernier commandes du Vinvinteur. L’émission était disponible sur Dailymotion avant sa diffusion télé : ce modèle a-t-il un avenir ?

Je ne sais pas si on peut parler d’avenir. Bientôt, les programmes seront disponibles sur tous les supports en même temps. Ça se joue souvent à une journée près avant qu’une émission ne soit disponible en streaming. Mais c’est anecdotique ; tout va changer très vite. France Télévisions se concentre d’ailleurs vraiment sur le digital. Et ils ont raison : il faut prendre de l’avance tout de suite. Je crois que la mise à disposition de la série House of cards via Netflix devrait être un modèle pour tout le monde.

Regrettez-vous la non-reconduction du Vinvinteur ?

Évidemment. On travaille avec France Télévisions sur une nouvelle écriture pour retrouver l’équipe et l’esprit du programme. On s’entend bien avec eux. On sait pourquoi ils ont mis un terme. De mon côté, je ne me voyais pas non plus repartir pour trente émissions en étant déguisé avec une caméra sur la tête.

Une version uniquement sur internet n’était-elle pas envisageable ?

L’émission ne coûtait pas cher pour de la télévision. Quand il s’agit uniquement de web, il faut une telle quantité de gens pour la mettre au point qu’il est impossible de la financer, du moins en France. La seule solution aurait été le financement par une grande marque...

Après avoir vécu outre-Atlantique, considérez-vous la comparaison entre le paysage audiovisuel américain et français comme douloureuse ?

Il y a plus douloureux, comme une visite chez le proctologue (rires). C’est juste l’éternel petit retard. Je crois qu’ici, il y a des gens qui comprennent vite : ils savent ce qu’il faut faire. Après, on y va doucement. J’ai l’impression que la version du Grand journal avec de Caunes est « à l’américaine ». Tout comme l’est également le Petit journal dans la façon de traiter l’actualité avec Yann Barthès.

L’access de Canal+ reste malgré tout dans une certaine continuité…

... Et je le regrette un peu. Il faut leur laisser le temps. C’était peut-être un peu trop dur et violent de proposer une rupture totale avec un nouveau décor et une nouvelle façon de parler. Quand on a un paquebot pareil, je comprends la décision d’y aller mollo. Mais je suis persuadé qu’ils vont y arriver, par petites touches.

« France Télévisions ne nous a jamais interdit quoi que ce soit »

Vous avez travaillé pour plusieurs supports : mobile, web et télévision. Finalement, bénéficier d’un petit budget exige beaucoup de créativité. L’exercice est-il plus stimulant que frustrant ?

Je crois qu’il y a beaucoup plus de stimulation, mais on aimerait que davantage de gens le voient et ainsi bénéficier de plus de moyens. Il faudrait trouver la motivation et la créativité présente sur le web pour le mettre en télé. Ce serait une première il me semble.

Quel est le projet qui vous a le plus stimulé à ce jour ?

Le Vinvinteur. Nous étions super libres et on a vraiment essayé d’inventer des choses. La chaîne ne nous a jamais interdit quoi que ce soit. On n’a peut-être pas déconné non plus. Une fois peut-être il a fallu flouter une marque que l’on voyait en arrière-plan.

Qu’a-t-il manqué au Vinvinteur pour être renouvelé ?

Il aurait fallu être un peu moins de partie fiction et plus de magazine. On n’a jamais eu d’objectif d’audience, mais on a toujours eu un socle de fidèles compris entre 150 et 230 000 personnes chaque dimanche. Ceux qui regardaient aimaient. Parfois on est six millions à regarder une merde, mais on la regarde quand même. Ce n’était pas toujours facile à suivre, surtout le dimanche à 20 heures. Il suffisait de partir 30 secondes pour éteindre l’eau des pâtes et c’était difficile de reprendre et comprendre. Il y avait une complexité un peu déroutante. Je comprends qu’à la fin, à l’heure des décisions et en pleine réduction budgétaire, une émission complexe puisse être fragilisée. S’il y avait eu une seconde saison, elle aurait été plus simple. Mais on va le retrouver. On va retravailler avec France Télévisions...