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De la France aux Etats-Unis, l’Amour est dans le pré

Tony Cotte
Publié le 21/07/2008 à 12:24 Mis à jour le 21/07/2008 à 13:17

Si depuis ses débuts en 2005 L’amour est dans le pré est devenu un des docu-réalités emblématiques de la grille de M6, l’agence matrimoniale rurale est loin d’être une exclusivité des Deux-Sèvres ou de Meurthe-et-Moselle. En effet, l’Europe tout entière regorge de paysages bucoliques et d’exploitants agricoles en mal d’amour comme en témoigne la présence de l’émission en Norvège, Allemagne, Suède, Autriche ou encore en Finlande. Rétrospective d’un concept international et de sa récente dérive outre-Atlantique...

Août 1999. Le Britannique Country Living Magazine lance la campagne « The farmer wants a wife » (à traduire : Le fermier veut une femme), destinée à présenter à ses lectrices le portrait d’agriculteurs célibataires. La rédaction est aussitôt assaillie par des milliers de lettres. Susy Smith, la rédactrice en chef de la revue, en est aujourd’hui toujours étonnée : “Jamais nous n’avions espéré un tel retour au moment de lancer cette opération”. Les nombreuses réponses recensées auraient fait l’objet de deux fiançailles et même d’un mariage.

Dianne Nelmes, responsable du pôle Documentaires au sein du groupe ITV, voit dans cette campagne un réel potentiel : “J’ai suivi les premiers fermiers du Country Living et j’ai aimé ce dispositif. Le support télévisé semblait évident pour une adaptation (...) divertissante et (...) une réelle vision du stress et des exigences de la vie rurale”. Le résultat, produit par Pearson Television du groupe Fremantle Media, est à l’antenne en 2001 outre-Manche sur ITV1.

S’en suit alors une dizaine d’adaptations à travers l’Europe dès 2004. D’abord en Belgique, en Norvège et aux Pays-Bas, Farmer wants a wife devient l’un des programmes les plus regardés sur les chaînes où il est diffusé. On parle même de records historiques d’audience pour un « docu-réalité » sur la télévision Hollandaise. Le concept reste le même à travers ses différentes versions : une émission de présentation des agriculteurs est diffusée, puis vient après les épisodes du choix des prétendants, de la rencontre et de la vie commune le temps de quelques jours. Le tout sous l’œil des caméras.


Malgré le titre explicite du programme dans ses différentes adaptations, M6 prévoit en 2005 une dénomination plus mixte afin de représenter la gent féminine parmi les candidats. L’amour est dans le pré vient ainsi en aide aux hommes et aux femmes agriculteurs français, même si ces dernières restent minoritaires : seule une exploitante agricole par saison, à l’instar de la Belgique ou encore de la Finlande. Si du côté de la Suède, cette semi-parité n’est intervenue que lors de la deuxième saison de Bonde söker fru sur TV4, l’Australie et l’Autriche restent, quant à eux, les mauvais élèves de l’égalité des sexes. Au pays du Tyrol, les hommes ont même la part belle dans Bauer sucht Frau sur ATV où l’on cherche l’amour entre père et fils, et entre frères.

Mises à part ces quelques variantes anecdotiques de casting, Farmer wants a wife reste l’occasion de découvrir le quotidien de viticulteurs, éleveurs et autres producteurs de fromages. Mais la beauté des campagnes cache une réalité sociale difficile : l’isolement et le travail constant rendent les rencontres presque inexistantes dans le monde rural, et ce, quel que soit le pays. C’était sans compter la télévision américaine toujours prompte à adapter très librement les formats étrangers. En effet, pour sa traversée de l’Atlantique et son arrivée sur le network CW, le programme s’est donc offert un véritable lifting.

Exit les exploitants agricoles représentatifs de la population rurale et l’aspect documentaire de l’émission, Farmer wants a wife version US met en scène Matt Neustadt, un fermier de 29 ans sorti tout droit d’un casting de soap opera. Ce dernier est ainsi à la recherche du « grand amour » parmi dix jeunes citadines, sosies de Paris Hilton. Le résultat s’apparente alors à une rencontre entre Simple Life et Le Bachelor, où les candidates doivent effectuer différentes missions pour conquérir le coeur de notre paysan au « sourire Colgate ». Au programme : attraper des poules, conduire un tracteur ou encore faire une tarte aux pommes !

Si le succès de L’amour est dans le pré n’est plus à prouver en France, et plus particulièrement auprès du public de moins de 50 ans, Farmer wants a wife a été nommé outre-Manche aux BAFTA TV Awards, l’équivalent des Emmy Awards britanniques. Mais le plébiscite critique comme public de l’émission ne parvient pas à s’exporter hors de l’Europe. Jugée comme « la master class de l’ineptie télévisuelle » par la presse, la version américaine du programme n’a pas non plus brillé par ses audiences : tout juste 2 millions de fidèles au cours des huit épisodes de la première et sans doute dernière saison. A mille lieux des 4 millions de français accros à la version de M6, qui permet à la chaîne privée de réaliser ses plus belles audiences estivales.