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Football : un avenir compromis pour France 2 foot

Emilie Lopez
Publié le 14/02/2008 à 14:18

Depuis le 6 février dernier, Daniel Bilalian, directeur des sports de France Télévisions, n’a de cesse de crier à l’injustice. Raison de cette rébellion : l’annonce, au terme de mois de bataille, des grands gagnants de l’attribution des droits TV du Championnat de France de football. Dépossédée du lot « magazine dominical », France 2 craint pour l’avenir de son émission hebdomadaire, France 2 Foot, qui peine déjà, depuis ses débuts, à s’imposer. Le grand buzz de l’été dernier sera-t-il exclu du terrain en 2008 ?

Il y a moins d’un an, l’heure était à la jubilation dans les couloirs de France Télévisions. Au terme d’une bataille sans merci, le service public rafle alors pour un an, et pour la modique somme de 24,5 millions d’euros, les droits du magazine dominical, mettant ainsi fin à 30 ans de règne sans partage de Téléfoot. Présente à l’antenne depuis 1977, l’émission de TF1 se voit retirer les images, et donc les buts, des championnats de Ligue 1 et Ligue 2, soit la grande majorité de l’émission. Un véritable coup dur pour la chaîne privée, qui décide néanmoins de conserver à l’antenne l’émission fétiche de millions d’accros du ballon rond.

Du côté de France 2, le service des sports peaufine le projet ayant valu cette « offrande » de la part de la Ligue professionnelle de Football (LFP). Intitulé France 2 Foot, le futur programme du service public a su séduire Frédéric Thiriez, président de la LFP, le qualifiant de « plus pertinent tant sur le plan qualitatif que sur le plan financier ». Mise à l’antenne le 29 juillet 2007, à l’occasion du coup d’envoi de la Ligue 2, l’émission se découpe en deux parties : de 12 à 13 heures, retour sur l’actualité, diffusion des buts de la semaine écoulée, et reportages. Puis juste après le journal de la mi-journée, Denis Balbir propose un débat sur l’un des faits marquants de la semaine footballistique et des derniers résultats.

Si les premières semaines sont en deçà des espérances en terme d’audience, le retour de Téléfoot, le dimanche 19 août 2007, marque un réel tournant. Alors qu’à 10h50, TF1 rassemble 2,27 millions d’inconditionnels, soit 32,5% de part de marché, dont près de 30% sur les fameuses ménagères, France 2, une heure plus tard, peine à atteindre 1,87 millions de fidèles, soit 18% du public présent devant son écran de télévision. Pire, le deuxième volet n’est suivi que par 1,64 millions de curieux ! Une véritable déconvenue pour la chaîne publique, qui décide d’employer les grands moyens.

Pour sa seconde partie, l’émission recrute trois éléments nouveaux : D’abord Guy Carlier, présentant un billet d’humeur dont lui seul a le secret ; puis Rolland Courbis et Philippe Lucas. Un trio de « grandes gueules » dans la digne lignée de Pierre Menès, du 100% Foot de M6. Malgré cette tentative, l’émission peine à trouver son public. Depuis le début de l’année 2008, alors que Téléfoot engrange les bons résultats, avec 2,2 millions de fidèles chaque dimanche pour 26,4% de part de marché, France 2 Foot de son côté, n’attire que 1,7 millions de curieux à 12 heures, soit 13,3%, puis 2 millions à 13h20 (12,6%). Des scores bien loin des ambitions affichées à l’été 2007, qui risquent de souffrir encore plus au vu des derniers évènements ayant chamboulé le monde footballistique.

En effet, en décembre dernier, la LFP lançait son traditionnel appel d’offres sur les droits de diffusion du Championnat de France de football, après en avoir préalablement modifié les règles. Ainsi, au lieu d’une année, le grand gagnant remporte sa mise pour une durée de 4 ans, soit de 2008 à 2012. De plus, afin de satisfaire les clubs, qui en tirent leurs principales recettes, les droits ont été découpés en douze lots, incluant quatre lots « magazines » à horaires et contenus différents, dont les images pour le magazine dominical. Canal +, TF1, France Télévisions, Direct 8... Nombreux sont les concurrents sur la ligne de départ, dont l’arrivée se situait dans un premier temps le 31 janvier 2008, afin d’être repoussée, faute de propositions suffisantes, au 6 février 2008. En plein milieu de la nuit, le résultat tombe : Canal + et Orange se partagent le pactole, pour la modique somme de 668 millions d’euros au total. Un chiffre d’autant plus étonnant que pour la saison 98-99, « seuls » 122 millions d’euros avaient été déboursés !

Alors que certains, à l’instar de Frédéric Thiriez, se réjouissent de constater que « le Championnat Français n’a pas baissé de valeur », d’autres fulminent. Ainsi, Daniel Bilalian, directeur des Sports de France Télévisions, voyant l’avenir de son « bébé » France 2 Foot sérieusement menacé, réagit : « Le constat est incontournable : pour la première fois depuis 31 ans, le compte rendu hebdomadaire des championnats de première et deuxième divisions n’est plus d’accès gratuit. » Le SNJ-CGT de France 2, de son côté, ne cesse de questionner : la LFP a-t-elle « le droit de priver les Français de ce patrimoine national qu’est le foot en privatisant ainsi le foot professionnel ? ». En effet, que ce soit pour les matches, mais également pour voir les buts et les résumés, les Français devront payer ! Et s’il en est un pour qui l’addition sera corsée, c’est bien le programme sportif de France 2.

Si l’an dernier, Téléfoot, forte de ses 30 années de fidélité, a su se relever de l’amputation de ses droits, l’émission de Denis Balbir, pour sa part, risque de ne pas y résister. Sera-t-elle présente à la rentrée 2008 ? Rien n’est moins sûr, même si Daniel Bilalian continue d’espérer, et tente le tout pour le tout. « Je suis favorable à une loi qui donnerait aux chaînes gratuites un droit de cinq ou dix minutes d’images à chaque journée de Ligue 1 ». Réponse de Frédéric Thiriez : « N’essayez pas d’obtenir par la loi ce que le marché ne vous a pas donné ». La guerre est bel et bien déclarée...